Pédiatrie

LA BRONCHIOLITE DU NOURRISSON DE MOINS DE 12 MOIS

Publié le 21/11/2019
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Les toutes dernières recos de la HAS démédicalisent la prise en charge de la bronchiolite. Exit notamment la kinésithérapie respiratoire. Elles renforcent en revanche la notion de période critique des 48 premières heures où la vigilance s'impose.
Bronchiolite

Bronchiolite
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Les précédentes recommandations françaises sur la prise en charge de la bronchiolite non compliquée dataient de 2000 et ne tenaient pas compte des nouvelles données sur le recul des indications de la kinésithérapie respiratoire, du sérum salé hypertonique en nébulisation, des traitements anti-inflammatoires et bronchodilatateurs ainsi que les critères d’hospitalisation.

En partenariat avec le Conseil national professionnel de pédiatrie (CNPP), la HAS vient d'actualiser sa recommandation sur la prise en charge du premier épisode de bronchiolite aiguë (BA) chez le nourrisson de moins de 12 mois.

La BA du nourrisson est une infection virale contagieuse qui concerne environ 480 000 enfants chaque hiver. En général, le pic s’étend de novembre à la fin de l’hiver. 2 à 3 % des nourrissons de moins d'un an seraient ainsi hospitalisés chaque année.

TROIS NIVEAUX DE GRAVITÉ

Opérationnelles, ces recommandations ont classé les présentations cliniques – selon des critères de sévérité et de vulnérabilité – en trois niveaux de gravité (voir tableau 1), assortis chacun de modalités de prise en charge spécifiques et graduées.

Critères de gravité

La HAS propose une check-list d'évaluation initiale.  

La première étape de l'examen clinique consiste à évaluer l'état général, après désobstruction nasale et chez un enfant calme. Toute modification du comportement, une hypotonie, une mauvaise impression clinique doivent alerter.

→ Les critères de gravité sont évalués sur : la FR sur 1 minute (> 60/min ou < 30/min), la FC (>180/min ou < 80/min), l’existence de pauses respiratoires, d’une respiration superficielle, de signes de lutte respiratoire intense (mise en jeu des muscles accessoires intercostaux inférieurs, sternocléidomastoïdiens, et un balancement thoraco abdominal, battement des ailes du nez), une SpO2 < 92 %.

Les difficultés d’alimentation sont évaluées aussi : un bol alimentaire < 50 % de la quantité habituelle sur 3 prises consécutives ou un refus alimentaire sont des critères de gravité.

Critères de vulnérabilité et environnementaux

Il existe des critères de vulnérabilité et des critères environnementaux nécessitant une vigilance accrue lors de l’évaluation de l’épisode de BA car ceux-ci apparaissent comme des facteurs associés à un risque d’hospitalisation plus élevé. Il en est de même de la date de début de la gêne respiratoire (< 48 heures ou non).

→ Les critères de vulnérabilité

– Âge < 2 mois en tenant compte de l'âge corrigé (risque d’apnées)

– Prématurité < 36 SA

– La présence de comorbidités (dysplasie broncho-pulmonaire, ventilation néonatale prolongée, cardiopathie congénitale, déficits immunitaires, pathologies avec risque accru de toux inefficace et fatigabilité musculaire (les maladies neuro-musculaires, polyhandicaps, trisomie 21, etc.), enfants présentant une indication de traitement par Palivizumab

→ Les critères environnementaux          

– Les contextes sociaux ou économiques défavorables, des difficultés d’accès aux soins ne permettant pas un maintien à domicile.– Pour les prématurés nés à 35 SA ou moins, le tabagisme de la mère pendant la grossesse est un facteur de risque de gravité, le tabagisme passif, la naissance dans la période de l’épidémie à VRS, la présence d’une fratrie, un mode de garde en crèche, l’absence d’allaitement maternel.
 

DÉFINITIONS

La définition d’une bronchiolite aiguë du nourrisson retenue par ces recommandations est la suivante :
– un premier épisode aigu de gêne respiratoire (séquence rhinite suivie de signes respiratoires : toux, sibilants et/ou crépitants, accompagnés ou non d’une polypnée et/ou de signes de lutte respiratoire)
– à toute période de l’année.

• Il est important de toujours évoquer les autres causes de détresse respiratoire, particulièrement chez le nouveau-né (infection néonatale bactérienne précoce et tardive, insuffisance cardiaque, etc.).

• Les enfants de plus de 12 mois, les épisodes récurrents de gêne respiratoire sifflante ont été exclus du champ de ces recommandations.

• La survenue d’un 2e épisode rapproché chez le nourrisson de moins de 12 mois nécessitera d’envisager d’autres diagnostics, en se fondant sur l’âge, les antécédents (asthme, allergies), les symptômes
associés.

QUAND ET QUI HOSPITALISER ?

La bronchiolite aiguë dure en moyenne 10 jours. Les 48 premières heures représentent la période critique au cours de laquelle l'état du nourrisson est susceptible de s'aggraver.

Les formes graves

Elles justifient une hospitalisation systématique en unité de soins intensifs avec un transfert Samu. Les très jeunes enfants de moins de 6 semaines relèvent aussi d'une surveillance hospitalière systématique.

Les formes modérées

Elles regroupent les situations où les signes cliniques et l’évolution sont variables. L’hospitalisation est discutée au cas par cas après l’évaluation clinique initiale en prenant en compte les critères de vulnérabilité et d’environnement.

→ Sont à hospitaliser :

Les formes modérées relevant d’une oxygénothérapie (Sp02 % < 92 %) et/ou nécessitant un support nutritionnel (diminution d’au moins 50 % des apports habituels sur 3 prises successives)

Les formes modérées associées à un des critères de vulnérabilité ou environnementaux (lire ci-dessus)

→ Les formes modérées maintenues au domicile font l'objet d'une surveillance serrée, avec l’aide éventuelle des réseaux Bronchiolite. Toute aggravation nécessite une hospitalisation d’urgence.

Les formes légères

Elles ne nécessitent pas d'hospitalisation : le médecin de premier recours explique la technique du lavage de nez aux parents et leur donne des conseils pour surveiller l’évolution de l’état de santé de leur enfant et les sensibilise aux signes d'alerte. Une fiche dédiée à ce suivi est publiée par la HAS. 
 

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LES THÉRAPEUTIQUES NON MÉDICAMENTEUSES

Le lavage de nez

La désobstruction des voies aériennes supérieures est indispensable pour optimiser la respiration du nourrisson. Aucune technique n’a démontré une supériorité par rapport à une autre, mais les aspirations nasopharyngées ne sont pas recommandées en raison du risque accru d'effets secondaires.

Le recul de la kinésithérapie respiratoire

En l’absence de donnée probante, la kinésithérapie respiratoire de désencombrement bronchique n’est pas recommandée en ambulatoire. Les techniques de drainage postural, vibration, clapping sont contre indiquées dans la bronchiolite aiguë. La technique d’augmentation du flux expiratoire (AFE) n’est pas non plus recommandée chez le nourrisson hospitalisé. Mais si les techniques de kinésithérapie ne sont plus recommandées, le kinésithérapeute garde en revanche sa place dans la surveillance ambulatoire des nourrissons souffrant de formes modérées notamment.

LES TRAITEMENTS SYMPTOMATIQUES

Plus aucun médicament n'a d'indication dans la BA. 

– Les bêta-2mimétiques (salbutamol, terbutaline) ne sont pas recommandés en raison de l’absence de données suffisantes sur les profils des répondeurs. L’administration peut être mal tolérée chez le nourrisson de moins de deux mois.

– Les corticoïdes par voie systémique n’entrent pas dans la prise en charge du nourrisson avec une BA. De même pour les corticoïdes inhalés.

– Il n’est pas recommandé de prescrire des antibiotiques dans la prise en charge du nourrisson avec une BA qui est une pathologie virale, même fébrile et/ou avec un foyer radiologique. L’antibiothérapie doit être justifiée par une infection bactérienne concomitante, documentée ou fortement suspectée.

– Fluidifiants bronchiques, médicaments antitussifs, N-acétylcystéine sont contre-indiqués.

– Le traitement anti-reflux n’a pas sa place non plus.

→ Le positionnement du nourrisson

Il est recommandé de coucher le nourrisson sur le dos à plat selon les recommandations actuelles dans la prévention de la mort inattendue du nourrisson. Aucune étude ne permet de recommander la position proclive. Une température à 19° C doit être maintenue dans la pièce du nourrisson.

→ L’alimentation doit être fractionnée, les apports caloriques nécessaires au nourrisson maintenus. Aucune étude ne permet de conclure sur la nécessité de changer l'alimentation habituelle, l’allaitement maternel doit être poursuivi.

En cas de difficultés alimentaires chez le nourrisson allaité, il est recommandé de tirer le lait maternel.

LES MESURES ENVIRONNEMENTALES

Le tabagisme passif doit être exclu des lieux de vie du nourrisson. Il augmente le risque d’hospitalisation et de transfert en réanimation. Les autres sources d’agression bronchique doivent être exclues : cannabis, cigarette électronique, poêle à bois. Il est recommandé pour les nourrissons à haut risque de bronchiolite grave de ne pas fréquenter les collectivités en période épidémique.

S’il n’y a pas de recommandation formelle d’éviction de collectivité, la fréquentation de la collectivité n’est pas souhaitable.

LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

• Aucun examen biologique n’est recommandé de façon systématique dans le cadre d’une bronchiolite aiguë du nourrisson, même fébrile.

• La recherche systématique de virus n’est pas recommandée pour le diagnostic de BA, hormis dans certains cas en milieu hospitalier ou dans le cadre d’une veille épidémiologique.

• La recherche des virus de la grippe en période épidémique (TDR ou autres) peut conduire à la prescription d’un anti-viral spécifique.

• La radiographie thoracique de face n’est pas recommandée de manière systématique, même en cas de fièvre. Elle peut être discutée dans les formes les plus graves ou à visée de diagnostic différentiel. Les autres examens, type gazométrie, sont réservés à la prise en charge hospitalière.

Bibliographie

1- HAS. Prise en charge du 1er épisode de bronchiolite aiguë chez le nourrisson de moins de 12 mois. Recommandation de bonne pratique, 14 nov. 2019


Synthèse des recommandations de la HAS par le Dr Linda Sitruk

Source : Le Généraliste: 2889