Dermatologie

LA MALADIE DE DARIER

Publié le 15/01/2021
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La maladie de Darier est une dermatose héréditaire qui débute généralement à la puberté. Les lésions initiales sont papuleuses, malodorantes et regroupées sur des zones sébacées. Le traitement est basé sur l’administration de topiques locaux ou de rétinoïdes.

Cliché 1 : Lésions cutanées papuleuses au niveau des régions sous-mammaires.

Cliché 1 : Lésions cutanées papuleuses au niveau des régions sous-mammaires.
Crédit photo : Dr Frances

Irène, 68 ans, consulte car elle présente depuis plusieurs années des lésions cutanées papuleuses exacerbées l’été au niveau de la région sous-mammaire (atteinte bilatérale) (cliché 1). Elle se plaint d’une aggravation de cette dermatose devenant très prurigineuse avec parfois un écoulement malodorant. Irène a consulté plusieurs confrères qui ont parlé d’eczéma et a reçu plusieurs traitements à base de corticoïdes. Son père présentait des lésions similaires au niveau axillaire.
Compte tenu de la symptomatologie et de l’existence d'un autre cas familial, le diagnostic de maladie de Darier a été posé, diagnostic confirmé suite à un prélèvement histologique.

INTRODUCTION

La maladie de Darier est une génodermatose observée avec la même fréquence chez les hommes et les femmes. C’est une dermatose rare dont la prévalence est de 1 à 2 cas pour 100 000 habitants. Elle est observée dans le monde entier.
Elle conduit à une déficience de la régulation du calcium intracellulaire, conduisant à un défaut architectural du cytosquelette cellulaire, et un trouble de l’adhésion intrakératinocytaire.
La maladie de Darier est transmise suivant un mode autosomique dominant dont l’expression est variable. À l’origine, on retrouve une mutation du gène ATP2A2, situé sur le chromosome 12.

SYMPTOMATOLOGIE

Les premières manifestations cliniques surviennent généralement autour de la puberté.
La lésion initiale est une papule ayant entre 1 et 3 mm de diamètre, de couleur jaune ou brune. Puis les lésions se regroupent en des sortes de placards épais croûteux, parfois ulcérés, et pouvant devenir gris et rugueux.
Lors de la transpiration, ces papules peuvent être malodorantes et donner un aspect très sale, d’où les problèmes psychologiques qui en découlent parfois. Les lésions sont observées sur des zones où la production de sébum est importante : ailes du nez, tempes, cuir chevelu, plis (aine, sous-mammaire, axillaire).

Au niveau des extrémités (surtout les mains) Il peut exister une hyperkératose donnant l’aspect de verrues (l’acrokératose de Hopf). Par ailleurs, au niveau palmoplantaire, on objective souvent une hyperkératose avec des macules hémorragiques, mais aussi des dépressions en forme de puits.

Au niveau des ongles Une modification morphologique de la tablette unguéale peut être observée, avec une augmentation de taille et une alternance de bandes érythémateuses et blanches. Il existe aussi une hyperkératose sous-unguéale, et la partie distale de l’ongle présente des encoches.

Au niveau des muqueuses Les atteintes sont plutôt rares (15 % des cas). On observe des papules pouvant être ombiliquées, devenant coalescentes et qui sont de couleur blanche ou chair. On peut les retrouver dans la bouche, l’œsophage, la région anogénitale ou rectale.

DIAGNOSTIC

Il est parfois difficile de faire la différence entre cette dermatose et certaines autres pathologies cutanées, comme la maladie de Hailey-Hailey (atteinte centrée surtout au niveau axillaire et inguinale avec des lésions vésiculeuses de petite taille). Aussi, il ne faut pas hésiter à effectuer une analyse histologique, qui met en évidence des zones de dyskératose acantholytique de la partie supérieure de la membrane basale.

ÉVOLUTION

Elle s’effectue le plus souvent par poussées, surtout par temps chaud. Certains traitements comme la cortisone peuvent majorer cette dermatose. Une aggravation de cette maladie peut être observée lors des règles. Des surinfections sont possibles par des virus (herpès), champignons ou bactéries. Ces surinfections semblent secondaires à des altérations locales du système immunitaire.

TRAITEMENT

Fréquemment, la maladie de Darier est peu symptomatique, et le traitement peut se limiter à prescrire des émollients et recommander une protection solaire. Si l’atteinte est plus importante, on peut recourir à des topiques comme du diclofénac, des rétinoïdes ou encore du tacrolimus. Pour les formes étendues, il est parfois utile de donner des rétinoïdes par voie orale, qui se révèlent souvent très efficaces (acitrétine à raison de 0,25 mg/kg/j).
Enfin, pour les formes rebelles, on peut effectuer une dermabrasion ou recourir au laser CO2. 

Bibliographie

1 - La maladie de Darier. https://www.orpha.net/data/patho/Pub/fr/Darier-FRfrPub323v01.pdf.
2 - Saurat JH, Lipsker D, Thomas L, Borradori L, Lachapelle JM. Dermatologie et infections sexuellement transmissibles. Ed Elsevier-Masson 2017.
3 - Bolognia JL, Schaffer JV, Duncan KO, Ko CJ. Dermatologie : l’essentiel. Ed. Elsevier Masson 2018.
4 - Valois A, Girault PY, Morand JJ. Maladie de Darier. EMC Dermatologie. 98-204-A-10.

Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Thomas Cavailhès (interne en médecine générale à Montpellier), Sara Abdellaoui et Thibault Deleuze (externes à Montpellier)

Source : lequotidiendumedecin.fr