Rhumatologie

LA MALADIE DE PAGET OSSEUSE

Publié le 26/05/2017
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La maladie de Paget osseuse est une ostéodystrophie bénigne se manifestant par des douleurs osseuses. Son diagnostic repose sur l’imagerie et le dosage des phosphatases alcalines totales. Traitement de référence : les biphosphonates.
paget

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Crédit photo : Dr P. Frances

Raymond, 87 ans, consulte rarement son médecin traitant. Au décours d’une consultation de routine, un examen clinique complet est effectué, et nous profitons de cette entrevue pour prescrire un bilan biologique qui objective une élévation des phosphates alcalines totales à 369 UI/l (N entre 40 et 130) de manière isolée. À l’issue de cette découverte, Raymond nous explique ressentir depuis 2 mois une douleur au niveau de sa hanche gauche ; douleur qu’il définit difficilement, car elle n’entraîne pas de réelle impotence fonctionnelle, mais une gêne nocturne. Une radiographie révèle un remaniement de l’hémi-bassin gauche au niveau sus-cotyloïdien et des branches ischio et ilio-pubiennes. Il existe à ce niveau des ostéocondensations de dédifférenciation corticale (photo 1). Cet aspect est en faveur du diagnostic de maladie de Paget osseuse.

La maladie de Paget est une ostéopathie focalisée bénigne. Un dysfonctionnement ostéoclastique et une majoration de la résorption osseuse (excessive et anarchique) sont à la base de cette entité. Les os concernés par ces remaniements sont déformés et hypertrophiés. Les os les plus fréquemment touchés sont le bassin, le fémur, le crâne et les vertèbres.

L’origine de cette maladie reste inconnue. Pour certains, l’origine virale est probable, les chercheurs ayant mis en évidence l’existence, au sein des ostéoclastes, de nucléocapsides de paramyxovirus. Cependant, une origine génétique est vraisemblable. Dans 15 à 30 % des cas, les patients atteints ont un membre de leur famille du 1er degré également concerné. Cette origine serait à mettre en relation avec un gène situé au niveau du chromosome 18q, mais aussi d’une éventuelle mutation du gène RANK.  

► Cette entité touche 3 % des patients de plus de 40 ans, et près de 10 % des sujets de 80 ans seraient atteints. Les hommes sont deux fois plus touchés que les femmes.

SYMPTOMATOLOGIE

La douleur est le signe cardinal. Elle est permanente, lancinante, nocturne. Il peut s’agir de céphalées pulsatiles dans le cas d’atteinte du crâne.
Des déformations sont parfois observées : incurvation du tibia en lame de sabre, aspect en parenthèse des fémurs, hypertrophie de certains os (crâne, massif facial, clavicule).
Dans 40 % des cas, la maladie de Paget est asymptomatique, et sa découverte est fortuite, à l’occasion de bilans biologiques ou radiographiques.

EXAMENS BIOLOGIQUES ET HISTOLOGIQUES

Ils mettent en évidence une élévation des phosphatases alcalines totales sériques ; élément témoignant de l’activité ostéoclastique.

Il ne faut plus demander l’hydroxyprolinurie des 24 heures qui pèche par sa spécificité. L’anatomopathologie est rarement utile au diagnostic. Elle objective un remodelage anarchique des travées osseuses et une fibrose médullaire.

L’IMAGERIE

► Les radiographies standards sont souvent suffisantes pour poser le diagnostic. On observe une déformation ou une hypertrophie osseuse, une condensation osseuse trabéculaire anarchique, une dédifférenciation corticomédullaire, des zones d’ostéolyse, une condensation générale qui donne l’aspect de vertèbre ivoire.

► La scintigraphie osseuse est un examen indispensable qui permet d’obtenir une cartographie complète de cette pathologie au niveau du squelette. Ainsi, toute localisation osseuse se traduit par une hyperfixation.

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LES COMPLICATIONS

► Au niveau osseux, on observe parfois des fissures, ou des fractures secondaires à la fragilité osseuse. Des arthropathies peuvent aussi se rencontrer au niveau de la tête fémorale. Elles sont secondaires aux contraintes exercées à ce niveau. Une déformation de l’extrémité supérieure du fémur est possible (coxa valga).

Une dégénérescence sarcomateuse est objectivée dans moins de 1 % des cas. Dans cette optique, il existe une ostéolyse avec une hypercalcémie.

► Au niveau neurologique, on note parfois : des céphalées, une hypoacousie (atteinte du nerf auditif), une compression des nerfs I et V, des compressions médullaires et radiculaires.

► Au niveau cardio-vasculaire, dans les formes évoluées, il existe une insuffisance cardiaque.

► Les localisations osseuses à risque sont la hanche (la coxopathie pagétique risque d’évoluer vers la protrusion acétabulaire), le crâne et le rachis (en raison des risques compressifs). Elles doivent être traitées même si elles sont peu symptomatiques.

LE TRAITEMENT

Fondé sur les biphosphonates (voir tableau T1), ce traitement est efficace si le taux de phosphatases alcalines est normalisé à la fin de la 1re cure. Si le traitement n’est pas efficace dans un intervalle de 3 à 6 mois, une deuxième cure est nécessaire. En cas d’inefficacité de ce schéma, il est nécessaire de changer de biphosphonate.

Bibliographie

1- Clerc D. La maladie de Paget. Epidémiologie, signes cliniques, et investigations. Réflexions Rhumatologiques 2009 ; 13 (123) : 401-406.
2- Whyte MP. Paget’s disease of bone. New England Journal of Medicine 2006; 355: 593-600.
3- COFER. Abrégé des connaissances et pratique en Rhumatologie.
Ed. Masson 2011.
4- Maladie de Paget. Diagnostic, attitude thérapeutique et suivi. http://www.medecine.ups-tlse.fr/enc/enc_image/cours75.pdf

 

Pierre Frances  (médecin généraliste, Banyuls-sur-Mer), Carine Pillot (interne en médecine générale, Montpellier), Damir Abir (externe, Louvain, Belgique), Marine Ranger (externe, Montpellier).

Source : Le Généraliste: 2798