Gynécologie

LA NÉCROBIOSE ASEPTIQUE

Publié le 24/01/2020
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La nécrobiose aseptique est une complication souvent rencontrée au décours de la grossesse. Une ischémie de l’artère nourricière du fibrome occasionne une symptomatologie avec douleur et fièvre. Le traitement demeure symptomatique car généralement, l’évolution se caractérise par une calcification.
Nécrobiose aseptique

Nécrobiose aseptique

Léontine, 47 ans, consulte pour des douleurs pelviennes (centrées au niveau de l’hypogastre), associées à une hyperthermie. L’examen clinique retrouve localement une douleur à la palpation. Le reste de l’examen est normal. Une échographie pelvienne a permis de mettre en évidence une masse hétérogène au niveau de la cavité utérine, aux caractéristiques difficiles à appréhender, nécessitant un complément d’examen (IRM pelvienne).

A été objectivée une formation volumineuse de 62 mm de diamètre ayant une composante mixte (tissulaire et kystique) faiblement rehaussée en périphérie. L’IRM est en faveur d’un remaniement d’un fibrome probablement secondaire à une nécrobiose aseptique (cliché 1). Léontine a été confiée à un gynécologue pour effectuer une biopsie de cette masse. L’analyse anatomopathologique a confirmé le diagnostic de nécrobiose aseptique.

GÉNÉRALITÉS

À propos des fibromes utérins

Les fibromes ou fibroléiomyomes utérins sont fréquents chez les femmes : 20 à 25 % des patientes ayant moins de 30 ans, et 50 % de celles qui ont 50 ans. L’origine de leur genèse n’est pas établie de manière précise. Cependant, on connaît l’importance d’un climat hyperoestrogénique qui favoriserait le développement de clones cytogénétiques anormaux provenant de cellules endométriales.

Plusieurs complications secondaires à l’existence de ces myomes utérins sont classiquement décrites : hémorragies, torsion d’un fibrome, compression d’un organe du voisinage, dégénérescence œdémateuse, sphacèle d’un myome, transformation maligne (cela reste exceptionnel), nécrobiose aseptique.

Le cas particulier de la nécrobiose aseptique

Cette complication d’un fibrome utérin survient le plus souvent chez la femme enceinte, en post-partum, chez les patientes avec un traitement à base de GnRH ou chez les femmes jeunes.

Les cas de nécrobiose aseptique au décours de la grossesse ne sont pas rares (entre 1,5 et 28 % des cas), et s’observent le plus souvent au 2e trimestre.

À l’origine de la nécrobiose aseptique : une ischémie de l’artère centrale du myome utérin, ischémie favorisée en cas de grossesse du fait d’une augmentation de la taille du fibrome (liée au climat hormonal). Cette majoration de la taille demeure plus importante par rapport à l’afflux sanguin nécessaire pour son développement, ce qui favorise l’ischémie.

CARACTÉRISTIQUES CLINIQUES

La symptomatologie associe classiquement trois éléments :

– Une hyperthermie comprise entre 38 et 38,5 °C, associée parfois à un subictère.

– Des douleurs abdominales qui sont transitoires, et dont l’intensité varie de manière paroxystique. Dans certains cas où le fibromyome s’évacue, on note la présence de pertes sanguines (sang noir).

– Des anomalies de la morphologie du fibrome qui n’est plus compact, et qui génère des douleurs lors de sa palpation.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

• L’échographie pelvienne Elle permet d’objectiver la présence d’une image en cocarde ou en cible. Au centre de cette formation, on met en évidence une zone nécrotique associée à un œdème jouxtant la partie nécrosée. Le reste du myomètre est indemne de toute anomalie. La réalisation d’un doppler en association à cette échographie permet de retrouver la zone dépourvue de vascularisation au niveau du myome utérin.

• Le scanner pelvien Il objective le myome non rehaussé suite à l’injection du produit de contraste.

• L’IRM pelvienne Cet examen permet, suite à une injection de gadolinium, une absence de signal en pondération T1 au niveau du fibrome. Cette particularité est pathognomonique d’une ischémie artérielle. On demande cet examen dans le cas de léiomyomes remaniés.

PRISE EN CHARGE

La plus classique consiste à administrer à la patiente des AINS (à proscrire durant la grossesse) et des antalgiques. Le traitement chirurgical n’a pas de place chez la femme enceinte.

En post-partum ou chez une femme non enceinte, le traitement chirurgical est effectué en cas de doute concernant l’origine de cette formation (des formes bâtardes ou subaiguës peuvent tromper le clinicien).

Cependant, il ne faut pas oublier que le plus souvent, la nécrobiose aseptique entraîne une calcification secondaire des fibromes.

Bibliographie

1. Lansac J, Lecomte P, Marret H. Gynécologie pour le praticien. Ed. Elsevier Masson 2012.

2. Zeghal D, Ayachi A, Mahjoub S, et al. Fibrome et grossesse : les complications. La Tunisie Médicale 2012 ; 90 (4) : 286-290.

3. Ardaens Y. Imagerie des fibromes. Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction 2007 ; 36 (HS2) : 23-30.

4. Dohbit JS, Meka ENU, Tochie JN, et al. Diagnostic ambiguity of aseptic necrobiosis of a uterine fibroid in a term pregnangy : a case report. BMC Pregnancy and Childbirth 2019.

5. Blanc B, Sultan C, Jamin C. Traité de gynécologie médicale. Ed. Springer 2004.

Dr Pierre Frances (médecin généraliste, Banyuls-sur-Mer), Justine Chevrier (interne en médecine générale, Montpellier), Yoni Assouly (interne en médecine générale, Paris), Harriet Phyllis Pinnegar (interne en médecine générale, programme Hippokrates, Sévi

Source : Le Généraliste: 2896