Jacques 53 ans est hébergé depuis 48 h dans un centre de sans-domicile fixe. Il profite de la venue d’un généraliste pour venir en consultation. Il présente un prurit féroce du cuir chevelu, du thorax et au niveau du pubis. L’examen clinique général du patient permet d’objectiver la présence de lésions de grattage diffuses avec excoriations (cliché 1) et, surtout, la présence au niveau du pubis de pou de corps (cliché 2).
LE PARASITE DE L'HOMME
► Deux espèces de poux se rencontrent chez l’homme :
– Pediculus humanus variété corporis : le pou de corps.
– Pediculus humanus variété capitis : le pou de tête.
► Le pou de corps se caractérise par une transmission interhumaine (vêtements ou literie contaminée). Son développement est favorisé par des conditions climatiques spécifiques : température à 30°, humidité à 75%. Les communautés défavorisées ayant l’habitude de se vêtir très chaudement et ne se changeant que très rarement sont très appréciées par ce parasite.
Le développement de ces poux est prépondérant dans certains pays (ceux qui sont en guerre ou qui abritent des camps de réfugiés), mais aussi lorsque les sujets vivent en promiscuité, et dans des conditions peu hygiéniques (comme certaines prisons).
Ce parasite est translucide, et sa taille varie entre 2,5 et 4 mm pour la femelle et entre 2,3 et 3 mm pour le mâle.
Sa présence sur la peau de l’homme n’est conditionnée que par sa volonté d’effectuer un repas sanguin. Après avoir effectué ce repas, le parasite revient dans les replis des habits du sujet contaminé. La femelle profite de ce « confort » pour pondre ses œufs entre les fibres textiles.
CARACTÉRISTIQUES CLINIQUES
Le plus souvent le patient se plaint d’un prurit incessant et important (dû à une sensibilisation à la salive du parasite). On note des lésions de grattage au niveau du tronc et de la racine des membres. Ces excoriations secondaires peuvent générer un impétigo. Le prurit des extrémités (comme ici, chez Jacques) reste exceptionnel.
Dans certains cas, on observe une éruption ayant l’aspect d’une urticaire.
Lorsque l’atteinte est ancienne, on peut noter une modification de l’aspect de la peau qui est plus pigmentée : la leucomélanodermie des vagabonds. On peut observer des plages hypopigmentées qui correspondent à des lésions de grattage au sein de ces zones hyperpigmentées.
TROIS PATHOLOGIES TRANSMISSIBLES
► Le typhus épidémique est dû à une bactérie (Rickettsia prowazekii) qui se rencontre dans les pays en guerre et chez les patients dont les conditions d’hygiène sont défavorables. La bactérie se développe suite au contact entre les déjections des poux contaminés et les excoriations secondaires au grattage.
Après une incubation de 1 à 2 semaines, le sujet présente des myalgies des membres inférieurs, et une éruption maculo-papuleuse au niveau du tronc (face, paumes et plantes sont épargnées). En parallèle, nous observons une hyperthermie qui chute entre le 14e et 17e jours.
On peut rencontrer des complications neurologiques, pulmonaires, des thromboses cérébrales, des gangrènes sèches.
Le traitement repose sur les tétracyclines. Avec ce traitement, la mortalité de cette affection passe à 4% vs 60% sans traitement.
► La fièvre récurrente à poux est due à une bactérie (Borrelia recurrentis) observée dans les selles du parasite. On rencontre cette affection dans les pays en guerre.
Après une incubation de 1 à 3 semaines, on observe une hyperthermie à 40°C, des céphalées, des myalgies, et des signes digestifs (vomissements, douleurs abdominales). Il existe des troubles du comportement (prostration ou agitation), et un rash maculo-papuleux. Cet accès hyperthermique disparaît au bout de 3 jours pour réapparaître au bout de 7 à 15 jours, puis quelques semaines ensuite.
Progressivement ces accès deviennent moins importants et disparaissent.
Le traitement repose sur les tétracyclines.
► La fièvre des tranchées est due à une bactérie (Bartonella quintana) identifiée au cours de la 1re Guerre mondiale. Cette pathologie oubliée après la 2e Guerre mondiale est de nouveau observée chez des patients précaires et chez ceux ayant une coïnfection virale (VIH).
La fièvre évolue classiquement sur 5 jours et on observe une angiomatose bacillaire (nodules violets). Des atteintes viscérales sont possibles (foie avec péliose hépatique, rate, moelle, cerveau, tube digestif, cœur à type d’endocardite).
Le traitement repose sur les tétracyclines.
TRAITEMENT DES POUX DE CORPS
Il est basé sur la désinfection de la literie et des vêtements (le lavage doit être supérieur à 50°).
Il est possible de recourir également pour désinfecter à des pyréthrinoïdes de synthèse en spray, lotion, aérosols ou shampoing. On associe à cette mesure un lavage « soutenu » du sujet contaminé au savon.
Le plus souvent le traitement pédiculicide n’est pas nécessaire, le parasite étant éliminé grâce aux mesures précédentes. Dans les cas rebelles, certains auteurs recommandent le recours à l’ivermectine (n’a pas l’AMM en France).
Bibliographie
1- Chosidow O. Sacbies and pediculosis. Lancet 2000 ; 355 : 819-826.
2- Houmadi L, Parola P, Raoult D. Les poux et les maladies transmissibles à l’homme. Médecine Tropicale 2005 ; 65 : 13-23.
3- Aubry P, Gaüzère BA. Maladies transmises à l’homme par les poux. http://medecinetropicale.free.fr/cours/maladie-poux.pdf.
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5- Mokini M, Dupin N, Del Giudice P. Dermatologie infectieuse. Ed Elsevier Masson 2014.
6- Giang D, Villoing B, Allo JC. Poux de tête, Poux de corps et Morpions. www.urgences-serveur.fr/poux-de-tete-poux-de-corps-et,2153.html
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