INTRODUCTION
Le prolapsus pelvien est défini comme la descente d’un organe dans la fente vaginale ou vulvaire. Il résulte d’un relâchement des ligaments et des muscles du périnée (1). Il peut intéresser l’étage antérieur (on parle de cystocèle), et/ou l’étage moyen (hystéroptose ou hystérocèle), et/ou l’étage postérieur (rectocèle).
Les conséquences sont nombreuses : gêne dans la vie quotidienne, dans la vie sexuelle, gêne fonctionnelle avec très souvent un impact psychologique (état de mal-être, anxiété, dépression).
La prise en charge est plurielle, avec en premier lieu la correction des facteurs de risque modifiables. Seuls les prolapsus symptomatiques et/ou compliqués sont à prendre en charge.
Le prolapsus pelvien est une pathologie fréquente après 50 ans, dont la prévalence augmente avec l’âge. Les données de la littérature ne permettent pas de la préciser avec exactitude (beaucoup de prolapsus pelviens sont négligés par les femmes), mais l’on estime qu’une femme sur 2 sera concernée après la ménopause.
L’évolution naturelle d’un prolapsus est lente dans le temps (1).
Il existe plusieurs facteurs de risque modifiables et non modifiables identifiés.
SYMPTOMATOLOGIE ET DIAGNOSTIC
C’est souvent la femme elle-même qui fait le diagnostic : une « boule » vaginale perçue lors de la toilette intime. Il peut s’agir aussi d’une sensation de corps étranger, de pesanteur pelvienne.
Une dysurie peut également amener au diagnostic (courbe de débitmétrie), tout comme des infections urinaires à répétition liées à un résidu post-mictionnel parfois significatif en cas de prolapsus de haut grade (stades 3/4 selon la classification de Baden-Walker).
Un prolapsus pelvien n’entraîne pas de douleur (sauf en cas de prolapsus extériorisé avec lésions des muqueuses) : une douleur doit orienter vers une autre pathologie plus ou moins associée au prolapsus, et doit faire pousser les investigations.
L’examen clinique fera le diagnostic et appréciera la qualité des muscles du périnée, la trophicité vaginale et la béance vulvaire. Il doit être fait dans de bonnes conditions : patiente détendue, mise en confiance, idéalement vessie pleine, en position gynécologique, d’abord sans puis avec poussée abdominale. La ptose périnéale peut ainsi être appréciée (stade de 1 à 4, classification de Baden-Walker).
Si rien n’est constaté, il ne faudra pas hésiter à réitérer l’examen, en position debout cette fois-ci. Parfois, certaines hystéroptoses sont en effet difficiles à diagnostiquer.
Dans la pratique courante, un prolapsus se classe cliniquement selon la classification de Baden-Walker, mais nous citerons également une autre classification utilisée : le POP-Q. Plus fastidieux à réaliser, ce score est généralement réservé aux publications scientifiques.
Évaluer le retentissement Il est fondamental d’écouter la/les plainte(s) de la patiente et d'évaluer les répercussions dans sa vie quotidienne. Sujet encore tabou en 2023, le prolapsus génital fait partie de ces pathologies considérées comme honteuses et dégradantes par la patiente, au même titre que l’incontinence urinaire.
Plusieurs questionnaires standardisés sont à notre disposition pour évaluer le retentissement sur la femme (questionnaire PFDI-20, questionnaire FPFQ) mais leur utilisation est limitée vu leur complexité en pratique clinique quotidienne.
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Aucun examen complémentaire n’est nécessaire pour confirmer un prolapsus pelvien : le diagnostic est clinique.
En cas de prise en charge chirurgicale envisagée, un frottis cervico-vaginal est indispensable pour dépister des lésions pré-cancéreuses du col utérin (3).
Un bilan urodynamique est recommandé par l’ICS (International Continence Society) avant tout traitement chirurgical (3). Mais cette recommandation ne fait pas consensus. Cet examen est, sans nul doute, intéressant à envisager en cas d’hyperactivité vésicale résistante aux traitements médicaux ou en cas d’incontinence urinaire associée. Il permettra aussi d’examiner la patiente vessie pleine pour démasquer un éventuel effet pelote (incontinence urinaire d’effort sur hypermobilité de l’urètre masquée par la ptose vésicale, utérine ou rectale).
L’examen urodynamique permet de bilanter correctement une incontinence urinaire d’effort associée au prolapsus même si la prise en charge chirurgicale du prolapsus génital associée à celle de l’incontinence urinaire d’effort n’est pas standardisée et fait l’objet de vives discussions aujourd’hui (3).
L’IRM pelvienne dynamique n’a pas sa place dans la prise en charge initiale, hormis en cas de récidive après chirurgie. Il s’agit d’un examen peu agréable pour la patiente : il est nécessaire, pour apprécier au mieux les contraintes exercées sur le périnée, d’opacifier le vagin voire le rectum (déféco-IRM parfois associée).
PRISE EN CHARGE
La rééducation pelvi-périnéale
Tout comme pour les troubles de la continence, la rééducation pelvi-périnéale reste une étape importante dans la prise en charge initiale des troubles de la statique pelvienne.
Le praticien prescrira généralement une quinzaine de séances.
Une rééducation bien conduite peut aider à renforcer les muscles périnéaux et ainsi supprimer toute gêne. Ce n’est pas le résultat anatomique qui est le plus important mais le résultat fonctionnel, supprimer l’inconfort étant l’objectif premier de la rééducation. Elle permet également de renforcer les structures sphinctériennes avant une éventuelle prise en charge chirurgicale.
À cette rééducation doit s’associer la correction des facteurs de risque modifiables.
Nous citerons notamment :
• la perte de poids en cas de surpoids ou d’obésité,
• le traitement de la carence œstrogénique,
• le traitement de la constipation,
• l'arrêt du tabac,
• la lutte contre la sédentarité.
Les pessaires
Il s’agit d’une solution de confort permettant d’éviter une intervention chirurgicale. Un pessaire doit toujours être proposé en première intention, avant une solution chirurgicale.
Il s’agit d’un dispositif intravaginal, le plus souvent en silicone aujourd’hui, qui maintient vessie, utérus et rectum en position normale.
Il en existe plusieurs types. Nous citerons les plus fréquents : les anneaux, les donuts et les cubes. Le cube est intéressant chez une patiente ayant des rapports sexuels, puisque la femme peut le mettre et le retirer seule comme elle le souhaite. Les anneaux, eux, sont faits pour rester en place plusieurs mois. Le nettoyage du pessaire doit être fait de façon régulière (tous les 3 à 6 mois) par une sage-femme, un gynécologue, un urologue, un médecin généraliste.
Un pessaire bien adapté ne fait pas mal et ne gêne en rien la miction.
Un pessaire peut être prescrit par un médecin généraliste, un gynécologue, un urologue ou une sage-femme. Il en existe différentes tailles, différentes formes, convenant à la morphologie de chaque femme. Il n’est pas pris en charge : son coût est d’environ 50 euros mais il peut durer des années s’il est bien entretenu.
La prise en charge chirurgicale
Des mesures conservatrices sont souvent suffisantes, sans devoir recourir à une chirurgie, en cas de symptômes peu importants. Seuls 10 à 20 % des prolapsus sont pris en charge chirurgicalement.
Deux voies d’abord sont possibles : la voie haute, par cœlioscopie (plus ou moins robot-assistée), et la voie basse (voie vaginale).
En 2019, la Food and Drug Administration a annoncé le retrait immédiat de la commercialisation et de la distribution de prothèses vaginales. La France a annoncé, quelques mois après, l’interdiction de pose des prothèses voie basse.
Et donc aujourd'hui, la chirurgie par voie basse se limite donc à confectionner un renfort avec les tissus de la patiente, sans interposition de matériel prothétique (plicatures du fascia de Halban, colpocléisis c’est-à-dire l’occlusion vaginale en dernier recours).
La chirurgie par voie vaginale, moins durable dans le temps, est à privilégier chez les patientes âgées ou présentant un abdomen « hostile » (patientes multi-opérées). Les résultats à long terme sont, certes, moins bons (taux de récidive plus importants) qu'avec la chirurgie par voie haute, mais la morbidité est moindre. Désormais, les prothèses par voie vaginale ne sont plus posées (risques de sepsis, douleurs chroniques, érosion…).
La promontofixation est le gold standard aujourd’hui. Par voie cœlioscopique, l’intervention consiste à fixer, au moyen d’une plaque de polypropylène, le vagin, le col de l’utérus au ligament pré-sacré au niveau du promontoire.
Après chirurgie, des complications risquent de survenir (4). Nous constatons près de 30 % d’incontinences urinaires d’effort liées à cet effet pelote exercé anciennement sur l’urètre par la cystocèle. Très souvent, cette incontinence est modérée et transitoire. Si elle persiste, une seconde intervention peut être proposée à distance à la patiente pour la corriger.
CONCLUSION
Opérer un prolapsus pelvien n’est pas systématique. Il ne faut l’envisager qu’en cas d’inconfort ou de complications (résidu post-mictionnel entraînant insuffisance rénale ou infections urinaires à répétition ; érosion de la muqueuse ; hyperactivité rebelle aux traitements médicaux).
Sujet encore tabou, sa prise en charge est plurielle : meilleure hygiène de vie, rééducation pelvi-périnéale, utilisation d’un pessaire et chirurgie en dernier recours.
Le choix du traitement, non systématique, doit se faire en concertation avec la patiente, selon son âge, l’importance du prolapsus et ses plaintes exprimées.
Dr Solène Gardic (urologue, Urogard à Nîmes)
BIBLIOGRAPHIE
1. HAS. Prolapsus génital de la femme. Des solutions pour le traiter. Avril 2022.
2. HAS. Prolapsus génital de la femme : prise en charge thérapeutique. Synthèse de bonnes pratiques, mai 2021.
3. Donon et al. Bilan avant le traitement chirurgical d’un prolapsus génital : recommandations pour la pratique clinique. Progrès en urologie (2016) 26, S8-S26.
4. AFU. Fiche info patient. Cure de prolapsus génito-urinaire par promontofixation : www.urofrance.org
Cas clinique
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