► Le syndrome des ovaires micropolykystiques (PCOS) est la pathologie endocrinienne la plus fréquente, atteignant 5 % des femmes en âge de reproduction (1). Elle représente la cause de plus de 70 % des cas des infertilités dues à un trouble de l’ovulation (2). Il existe de larges variations ethniques, avec des incidences dépassant largement 10 % dans les populations d’Asie mineure, d’Asie centrale et de la péninsule indienne.
► Indépendamment du risque d’infertilité, le SOPK est fréquemment associé à des troubles métaboliques, nécessitant au moment du diagnostic la réalisation de bilans glycémique et lipidique. Les patientes présentent un risque ultérieur d’hypertension artérielle, de diabète, avec un risque augmenté d’adénocarcinome de l’endomètre au-delà de la ménopause.
DIAGNOSTIC
► En 2004, la conférence de consensus de Rotterdam (3), confirmée par le consensus ESHRE-ASRM en 2008 (4), a donné une nouvelle définition du syndrome des ovaires micropolykystiques qui doit inclure au moins deux des critères suivants :
♦ Troubles du cycle : oligo-anovulation ou anovulation avec oligoménorrhées, spanioménorrhées ou aménorrhées, concentration élevée d’androgènes libres et/ou signes cliniques d’hyper-androgénie et présence de plus de 12 follicules mesurés de 2 à 9 mm sur chaque ovaire en échographie 2D ou 3D.
♦ Sur le plan clinique, l’hyper-androgénie se traduit soit par un hirsutisme, au mieux décrit par la réalisation du score de Ferriman et Gallwey (figure 1), soit par la recherche, au niveau des aisselles, d’un acanthosis nigricans (photo 1), d’une acné ou d’une alopécie. Le syndrome métabolique est associé à une obésité dans 20 à 50 % des cas.
♦ Sur le plan biologique, l’élément principal est l’existence d’une testostérone libre augmentée qui impose un dosage de SHBG dans le même temps pour déterminer le taux de testostérone libre et non pas lié. Le dosage de l’hormone antimüllérienne (AMH) est un reflet de la présence de nombreux follicules dans les ovaires mais ce dosage n’est pas systématique car il ne fait pas partie des recommandations pour établir le diagnostic de ce syndrome. Par ailleurs, la standardisation du dosage de l’AMH n’est pas faite. Le dosage des hormones hypophysaires type FSH-LH et le rapport LH/FSH n’est plus considéré comme un élément essentiel pour le diagnostic.
♦ Sur le plan échographique, le compte folliculaire, établi sur les critères précédemment décrits à 24 follicules, est maintenant plus proche de 30 à 32 follicules sur les deux ovaires pour être considéré comme pathologique. Le compte des follicules se fait à l’aide de programmes spécifiques automatiques montés sur les appareils d’échographie (figure 2). Cette échographie est au mieux réalisée par voie vaginale, et en cas de nécessité de faire le diagnostic chez des jeunes filles vierges, l’IRM pelvienne peut apporter un complément diagnostique.
► Le tableau clinique, biologique et échographique est très hétérogène, et seules 30 % des femmes présentent l’intégralité des signes décrits. La présence de deux des trois critères reste suffisante pour porter le diagnostic.
► Il est classique d’éliminer les autres causes d’hyper-androgénie comme l’acromégalie, le syndrome de Cushing, le bloc en 21-hydroxylase, l’hyperprolactinémie, les tumeurs ovariennes ou surrénales sécrétant des androgènes, sans oublier de poser la question : « Prenez-vous des androgènes dans des indications sexuelles ? » Les dosages biologiques et l’échographie sont habituellement suffisants pour ces diagnostics différentiels.
PHYSIOPATHOLOGIE
Le SOPK a probablement une transmission autosomique dominante. L’origine est vraisemblablement polygénétique, avec plusieurs gènes impliqués, soit dans une action hormonale (AR, FSH R, LH, LHR, SHBG, follistatine…), soit dans le métabolisme hormonal (CIP11A, CIP17, CIP21), soit dans l’homéostasie énergétique avec influence sur les récepteurs adrénergiques, à la leptine. Par ailleurs, compte tenu de l’implication métabolique, il est probable que les gènes inclus dans le diabète et le risque cardiovasculaire (calpaïne, insuline, récepteur de l’insuline, IGF, IGFR, IRS, PPAR gamma…) soient également impliqués sans que l’on connaisse réellement le mécanisme précis d’interrelation entre les gènes.
Le SOPK est marqué par une anomalie de la folliculogénèse avec une absence de sélection du follicule dominant entraînant une accumulation périphérique sur l’ovaire de follicules de petits diamètres. Cette anovulation s’associe à une hyper-androgénie, majorée elle-même par l’insulinorésistance et l’hyperinsulémie retrouvées chez près de 50 % des femmes porteuses de SOPK. L’insulinorésistance est majorée par l’obésité souvent gynoïde, et cette insulinorésistance majore l’hyper-androgénie qui augmente elle-même le risque d’anovulation (figure 3).
Cette accumulation de petits follicules est à l’origine de l’élévation de l’hormone antimüllérienne produite par les cellules de la granulosa des follicules préantraux et antraux précoces (5).
Sur le plan métabolique, le SOPK est clairement associé à une insulinorésistance avec un risque relatif (RR) d’intolérance au citrate de carbone à 2,5, un risque de diabète de type II avec un RR à 4,4, un risque de syndrome métabolique avec un RR à 2,9 (6).
Concernant le risque cardiovasculaire, il est difficile de faire la part de responsabilité entre le SOPK lui-même et l’obésité, l’insulinorésistance, le diabète, les dyslipidémies, l’hypertension artérielle et le syndrome d’apnée du sommeil fréquemment rencontré en association (7).
TRAITEMENT
Le traitement du SOPK cible en premier la population des 30 à 50 % des femmes présentant, dans ce tableau hétérogène avec des signes cliniques biologiques et échographiques, une obésité.
Mesures hygiéno-diététiques, première ligne de traitement
Il est établi que les mesures hygiéno-diététiques, permettant un amaigrissement d’au moins 5 % du poids total, rétablissent le cycle et favorisent les grossesses spontanées chez plus de 50 % des patientes.
C’est la raison pour laquelle en cas d’obésité maligne, la conférence de consensus de 2008 a proposé la chirurgie bariatrique comme prise en charge complémentaire du traitement du SOPK.
Dans le même temps, il faudra prévoir un traitement de la dyslipidémie, voire d’une hypertension associée.
Le rétablissement du cycle ovulatoire n’est pas un traitement de l’acné et de l’hirsutisme qui va nécessiter des thérapeutiques appropriées et ciblées sans lien avec la prise en charge d’une hypofertilité.
La place de la metformine
► C’est dans ce contexte d’intolérance au citrate de carbone, voire de diabète, que l’utilisation de la metformine a été proposée. Le schéma thérapeutique est de commencer la première semaine à 500 mg, puis la deuxième à 1 000 mg pour avoir un traitement de fond à partir de la troisième semaine avec 1 500 mg/jour et sur une période de trois à six mois. La metformine, en favorisant la perte de poids et en régulant les troubles glycémiques, permet de rétablir une ovulation chez les femmes présentant un SOPK anovulatoire, soit prise isolément soit en association à la prise de citrate de clomifène (8, 9).
Traitements inducteurs de l’ovulation
► Le traitement de première intention en cas d’anovulation est le citrate de clomifène (CC) modulateur sélectif du récepteur de l’œstradiol.
Le risque principal de la stimulation par le citrate de clomifène est l’obtention de grossesses multiples, ce qui implique que toute stimulation par le CC doit être monitorée et en cas de réponse plurifolliculaire, il faudra conseiller d’éviter tout rapport fécondant. Le citrate de clomifène permet d’obtenir une ovulation cumulative sur six mois dans près de 80 % des cas et une grossesse dans près de 40 % des cas. Un traitement prolongé au-delà de six mois par citrate de clomifène ne permet pas d’obtenir de meilleurs résultats. Les cycles de traitement n’imposent pas une prescription en deuxième partie de cycle de progestérone soit sous la forme de dydrogestérone ou d’utrogestan pour induire les règles.
Il est cependant important avant tout début de traitement de disposer d’un test de grossesse négatif, car une partie des patientes aménorrhéiques ou spanioménorrhéiques peuvent débuter à n’importe quel moment une grossesse spontanée.
► L’échec d’une stimulation par le citrate de clomifène est défini par l’absence d’obtention d’une ovulation après six mois de traitement à doses croissantes et adéquates. La patiente va alors être classée comme résistante au citrate de clomifène. Par extension, l’absence de grossesse peut être également considérée comme un échec thérapeutique malgré l’obtention de cycles ovulatoires.
► En cas de résistance au citrate de clomifène ou d’absence de grossesse malgré des cycles ovulatoires, il faut discuter de deux prises en charge :
– soit médicale, associant la stimulation ovarienne avec insémination intra-utérine,
– soit chirurgicale, avec la réalisation de multi-perforations ovariennes également appelées drilling ovarien.
La stimulation ovarienne
Ce traitement de seconde intention après échec du CC utilise soit des HMG soit de la FSH purifiée. Il est habituel d’utiliser des protocoles type “step-up low dose” ou “step-down” (10, 11). Ces protocoles permettent d’obtenir une ovulation dans 70 % des cas, et les grossesses sont obtenues dans 40 % des cas après trois cycles de monitorage.
► La qualité de la stimulation permet de réduire le risque de grossesse multiple à moins de 6 % et le risque d’hyperstimulation sévère à moins de 1 %. En l’absence de précautions sur la stimulation, le risque d’hyperstimulation est 7 fois supérieur à celui observé chez une femme non porteuse de SOPK.
Le risque de fausse couche semble régulièrement augmenté sans qu’il n’y ait de preuve absolue de la responsabilité du SOPK, et en tout cas sans responsabilité du traitement médical du SOPK, que ce soit par une stimulation par le citrate de clomifène ou par des protocoles type “stet-up” ou “step-down”.
► L’association de la metformine à ces stimulations par le citrate de clomifène ou les gonadotrophines a été proposée, sans cependant que la place de la metformine dans la stratégie thérapeutique de l’infertilité apparaisse comme essentiel.
Le traitement chirurgical
L’alternative au traitement médical en cas d'échec du CC est la prise en charge chirurgicale du SOPK.
► Historiquement, la laparotomie avec résection cunéiforme, c’est-à-dire en quartier d’orange des ovaires augmentés de volume, a été le premier traitement de l’infertilité liée au SOPK avec l’obtention de plus de 60 % de grossesses. Cependant, cette intervention, outre la morbidité de la laparotomie, était associée à l’apparition quasi constante d’adhérences pelviennes potentiellement délétères en infertilité, par création d’un obstacle mécanique entre trompes et ovaires. Malgré le succès de la procédure, ce traitement a été abandonné. À la fin des années 1970, l’apparition de la cœlioscopie et son caractère mini-invasif ont remis au goût du jour le concept de chirurgie ovarienne pour le traitement du SOPK. L’idée était de reproduire par des techniques de multi-perforations des ovaires (drilling ovarien) l’effet bénéfique de la résection cunéiforme des ovaires en limitant le risque d’adhérences pelviennes.
► Le mécanisme d’action de ce traitement chirurgical du SOPK est méconnu. On pense qu’il pourrait passer par la destruction du stroma ovarien, producteur d’androgènes, car dans les suites immédiates des multi-perforations, on constate une baisse constante de la LH plasmatique avec diminution des pulses, une baisse transitoire de l’inhibine B, une élévation modérée de la FSH et de la SHBG, et une chute constante des androgènes. Cette modification est responsable d’une baisse du taux d’œstradiol circulant lié à la diminution de l’activité aromatase.
► Actuellement, les voies d’abord des multi-perforations sont soit la cœlioscopie, soit la fertiloscopie.
La cœlioscopie est la voie d’abord classique, réalisable dans tout bloc opératoire sous anesthésie générale. L’élément essentiel est l’énergie bipolaire pour la multi-perforation ovarienne afin de limiter le risque de destruction ovarienne si l’énergie utilisée est trop importante (photo 3) (12).
L’alternative chirurgicale est la fertiloscopie ou hydro-laparoscopie transvaginale (photo 4). Cette intervention est pratiquée sur une patiente en position gynécologique sous anesthésie générale ou péridurale. On introduit par les voies naturelles un trocart muni d'un dispositif optique permettant de micro-perforer, sur 10 sites par ovaire environ, le cortex ovarien (13, 14).
Les avantages de cette voie d’abord sont sa facilité d’utilisation, en particulier en cas d’obésité et son caractère moins invasif que la cœlioscopie. Sa réalisation nécessite la formation spécifique des chirurgiens.
Dans le même temps que l’exploration chirurgicale, il est toujours pratiqué une hystéroscopie afin de confirmer la normalité de la cavité utérine.
► Une fois réalisé le drilling ovarien, on observe 40 % de grossesses spontanées dans les 9 à 12 mois et le rétablissement de l’ovulation dans plus de 80 % des cas. En l’absence de grossesse, on observe une plus grande facilité à réaliser une nouvelle stimulation avec une meilleure réponse ovarienne et un moindre risque d’hyperstimulation.
► En cas d’absence de grossesse après stimulation et/ou drilling ovarien, se pose l’indication de fécondation in vitro (FIV) et/ou ICSI en fonction de la qualité du sperme.
En cas de FIV-ICSI, la stimulation restera dans cette situation toujours prudente afin d’éviter les hyperstimulations. L’intérêt majeur de la FIV est d’éviter les grossesses multiples car dans cette situation, on ne transférera qu’un embryon.
Afin de limiter au maximum le risque d’hyperstimulation, on a pu proposer la MIV-ET (maturation in vitro avec transfert d’embryons) qui a pour but de ponctionner les ovaires sans avoir recours à une stimulation, mais qui présente un taux d’implantation embryonnaire plus faible.
Quel que soit le choix thérapeutique, qu’il soit médical ou chirurgical, le seul but est de limiter le nombre de grossesses multiples ce qui est l’intérêt principal de l’obtention de stimulations mono-folliculaires, du transfert d’un seul embryon, voire d'une intervention chirurgicale afin d’optimiser le taux de grossesses spontanées.
Au final
Il faut cependant garder à l’esprit qu’avec une sexualité régulière, environ 50 % des couples dont la femme présente un SOPK auront une grossesse spontanée sans aucune prise en charge médico-chirurgicale. Durant les grossesses spontanées ou obtenues après prise en charge médico-chirurgicale, il faudra avoir une surveillance accrue au risque de développer un diabète gestationnel ou une hypertension artérielle gravidique.
à retenir les points clés
Le syndrome des ovaires micropolykystiques (SOPK) atteint au moins 5 % de la population.
•Il est dans 50 % des cas responsable d’une hypofertilité et peut être associé à un syndrome d’insulinorésistance, une HTA et un risque augmenté d’adénocarcinome de l’endomètre.
•Le diagnostic doit inclure deux des critères suivants : trouble du cycle, hyper-androgénie clinique et/ou biologique, compte folliculaire échographique > 24.
•Le traitement impose des mesures hygiéno-diététiques en cas d’obésité, une stimulationde l’ovulation, une multi-perforation ovarienne ou une FIV.
Liens D'intérêts
Le Pr Hervé Fernandez déclare n'avoir aucun lien d'intérêts relatif au contenu de cet article.
Bibliographie
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