Dermatologie

L'ÉRYTHÈME POLYMORPHE

Publié le 17/04/2020
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L’érythème polymorphe est une dermatose secondaire à une réaction d’hypersensibilité. Il peut avoir plusieurs origines : infectieuses, toxiques… Mais dans la moitié des cas, aucune cause n’est identifiée. Le traitement est facultatif, avec le plus souvent une résolution spontanée.
Cliché 1

Cliché 1
Crédit photo : Dr Frances

Francis, 48 ans, vient consulter pour des lésions érythémateuses sur les avant-bras et les mains apparues depuis deux jours. Cliniquement, celles-ci sont érythémateuses avec une morphologie en cible ou en cocarde (cliché 1). En parallèle, il nous explique être un peu gêné par des lésions croûteuses sur ses lèvres revenant de façon récurrente. Un médecin lui aurait dit qu’elles seraient dues à un virus. Sur les lèvres, on observe de nombreuses squames et des éléments vésiculeux (cliché 2). Ce tableau clinique correspond à un érythème polymorphe, dermatose dont le facteur responsable est une chéilite herpétique.

INTRODUCTION

L’érythème polymorphe est une pathologie qui semble secondaire à une réaction d’hypersensibilité.

Il existerait une réaction immunitaire au niveau cutané liée à des lymphocytes activés par différents facteurs.

Parmi ces facteurs, nous trouvons :

• Des agents viraux : EBV, coxsackie, parvovirus, HSV 1 et 2, VZV, grippe, adénovirus.

• Des agents bactériens : mycoplasmes, maladie des griffes du chat, salmonelloses, tuberculose, choléra, maladie de Nicolas Favre, ornithose et psittacose.

• Des agents fongiques : dermatophytose essentiellement.

• Des agents physiques et chimiques : AINS, sulfamides, pénicillines, allopurinol, anticomitiaux, UV, froid, radiothérapie.

• Certaines pathologies : maladie de Behçet, certaines néoplasies, MICI, lupus.

Cependant, dans 50 % des cas, aucune origine précise à cette dermatose n’est identifiée.

SYMPTOMATOLOGIE

La lésion initiale est érythémateuse maculo-papuleuse, avec le plus souvent un prurit.

Par la suite, on note une modification morphologique des formations qui prennent un aspect le plus souvent en cocarde ou cible avec plusieurs types d’éléments (le plus souvent trois zones concentriques), lesquels peuvent être maculeux, papuleux, vésiculeux ou purpuriques.

Le plus souvent, on observe une zone centrale constituée par une vésicule de taille assez importante : cette dernière est encerclée par une bordure érythémateuse.

Ces lésions s’observent généralement au niveau des mains (paume), des pieds (plante), des avant-bras et des jambes.

Des formes d’érythèmes polymorphes majeurs peuvent survenir chez les patients.

Dans ce cas on peut observer :

• Des manifestations cliniques au niveau des muqueuses buccales, génitales et ophtalmologiques (elles peuvent générer des séquelles importantes avec parfois une cécité liée à une atteinte ulcéreuse de la cornée).

• Des manifestations viscérales rhumatologiques (arthralgies et épanchements articulaires), pulmonaires (pneumopathies atypiques, pneumothorax), rénales, hépatiques, et hématologiques (pancytopénie).

→ Le cas particulier de l’herpès

L’herpès est la cause la plus classique d’un érythème polymorphe, le plus souvent observée chez un sujet jeune, de sexe masculin. Cependant, le nombre de patients ayant des récurrences herpétiques responsables d’un érythème polymorphe demeure faible. Dans le cas de cette association herpès/érythème polymorphe, les lésions cutanées de l’érythème polymorphe surviennent généralement entre 7 et 20 jours après une poussée d’herpès.

DIAGNOSTIC

Il est avant tout clinique. Néanmoins, en cas de doute par rapport à une autre dermatose bulleuse, il est possible d’effectuer un examen histologique qui retrouve une spongiose épidermique avec une nécrose des kératinocytes et, au niveau du derme, un infiltrat lymphoplasmocytaire.

TRAITEMENT ET ÉVOLUTION

Un traitement étiologique est la priorité. On recommande de traiter les pathologies bactériennes ou virales (si cela est possible) à l’origine du tableau. Il faut également supprimer les traitements pouvant être inducteurs de cette dermatose. Dans le cas d’une origine herpétique, un traitement par aciclovir ou valaciclovir doit être instauré.
Par ailleurs, pour les formes généralisées, il est possible d’effectuer une administration de corticoïdes par voie orale durant un maximum de trois semaines (en s’assurant qu’une infection, herpétique par exemple, ne soit pas associée). Cependant, dans la plupart des cas, il est aussi possible de s’abstenir de tout traitement : guérison spontanée sans séquelles au bout d’un mois pour les formes simples, et deux mois pour les formes majeures ou graves. Les récidives sont objectivées dans 5 % des cas.

En cas de récurrences fréquentes chez un patient porteur d’un herpès, il est possible de préconiser l’administration d’un traitement préventif antirétroviral.

Bibliographie

1. Habif T. Maladies cutanées. Diagnostic et traitement. France. Ed. Elsevier 2008.

2. Saurat JH, Lipsker D, Thomas L, Borradori L, Lachapelle JM. Dermatologie et infections sexuellement transmissibles. Ed Elsevier-Masson 2017.

3. Fitzpatrick TB. Atlas en couleurs de Dermatologie clinique. Ed. Flammarion Médecine-Sciences 2007.
4. Laurent R. Herpès. Encyclopédie Médico-Chirurgicale. Dermatologie. 98-290-A-10.

Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Justine Chevrier (interne en médecine générale à Montpellier), Bruna Alves Neves (interne en médecine générale, programme Hippokrates, Ribeirao Preto, Brésil), Sonia Gille (externe à Montpell

Source : lequotidiendumedecin.fr