Marilyne, 19 ans, nous consulte en urgence. Elle a une sensation de brûlure autour d'un tatouage effectué il y a 24 heures (cliché 1). La patiente craint les conséquences de cet acte que ses parents condamnent : elle a bravé leur autorité pour imiter son copain qui en arbore de nombreux. L'examen clinique relève une plage érythémateuse homogène au pourtour de la zone tatouée. C'est une réaction inflammatoire classique consécutive à la réalisation d’un tatouage.
Le tatouage est une pratique très prisée. Une étude IFOP a révélé en 2016 que 14 % des Français en sont porteurs. Les moins de 35 ans sont les plus concernés, regroupant 27 % des patients tatoués. A contrario, les plus âgés rejettent cette pratique (1 % des plus de 70 ans sont tatoués).
Dans 43 % des cas, ces productions sont volontairement effectuées sur des zones visibles par l’entourage. Nombreuses sont les motivations qui conduisent à la réalisation de cet art : beauté, volonté de se démarquer des autres, appartenance à certains milieux, résistance vis-à-vis des préjugés, contexte addictif (on commence par un, et on continue car on est observé), volonté spirituelle.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Compte tenu de l’importance actuelle du tatouage, il est impératif de connaître ses complications. Même si elles ne sont pas répertoriées de manière précise, il semblerait qu’elles s’observeraient dans une fourchette comprise entre 2 et 30 %. Cette marge importante s’explique par le fait que les complications surviennent souvent dans un laps de temps assez long (parfois plus de 40 ans après), mais aussi du fait que nombreux sont ceux qui vont les négliger.
LES COMPLICATIONS À COURT TERME
Elles sont observées quelques heures ou quelques jours après la réalisation du tatouage. Il peut s’agir :
– D’un érythème avec un caractère inflammatoire (rougeur, douleur et chaleur), et souvent une majoration de la sensibilité. On administre dans ce cas des antihistaminiques et des émollients.
– Des ecchymoses, des hémorragies locales (majorées par la prise d’antiagrégants) qui font suite à la réalisation de cet acte du fait d’une effraction de l’épiderme.
LES COMPLICATIONS À MOYEN ET LONG TERME
Infectieuses
Survenant souvent lors du premier mois, il s’agit le plus fréquemment d’infections superficielles (impétigo surtout) ou profondes (érysipèle).
Des contaminations virales (verrues vulgaires, herpès), bactériennes (mycobactéries contenues dans l’eau servant au tatouage) sont parfois observées.
Dus à un défaut d’hygiène, ces phénomènes doivent être traités par une antibiothérapie adaptée au type de surinfection.
Hypersensibilité ou allergie
Ce sont les complications les plus fréquentes et imprévisibles. Elles surviennent parfois tardivement. Ces manifestations s’apparentent à un lichen, ou à un eczéma ; un prurit étant souvent associé.
Le traitement repose sur l’administration d’antihistaminiques et de dermocorticoïdes.
Des difficultés diagnostiques peuvent apparaître en cas de granulome secondaire à ces réactions ; lequel peut donner l’aspect d’une lésion sarcoïdosique. Dans ce cas, il est utile d’effectuer une biopsie.
Complications malignes
La réalisation d'un tatouage ne majore pas les risques de transformation maligne d’une lésion cutanée. Cependant, il est parfois difficile de faire le distinguo entre un naevus bénin et un mélanome lorsque ces lésions sont recouvertes par un tatouage.
De ce fait, les mélanomes malins sont souvent diagnostiqués plus tardivement, raison pour laquelle il est conseillé au patient de ne pas se faire tatouer sur des zones pigmentées.
Les autres complications
→ Certaines dermatoses comme le psoriasis se développent plus facilement du fait d’un phénomène de Koebner (zone de pression) sur les tatouages.
→ Le non respect des règles d’hygiène peut être responsable de la survenue de certaines pathologies infectieuses virales : VIH, VHC ou VHB.
→ Certains pigments (le noir surtout) peuvent favoriser la migration de nanoparticules.
→ Lors d’une IRM, le patient peut ressentir une brûlure au niveau de son tatouage, liée à l’oxyde de fer du pigment noir. Pour éviter ce désagrément, il faut refroidir la zone tatouée avant l'examen.
Bibliographie
1- Les Français et le tatouage. https://www.ifop.com/publication/les-francais-et-le-tatouage/
2- Kluger N. Cutaneous and systemic complications associated with tattooing. Presse Médicale 2016; 45: 567-576.
3- Doremus AR. Can tattoos cause skin cancer? Clinical Journal of Oncology Nursing. 2009; 13 (2): 231–232.
4- Kluger N, Koljonen V. Tattoos, inks, and cancer. Lancet Oncology 2012; 13: e161-e168.
5- H gsberg T, Loeschner K, Löf D, Serup J. Tattoo inks in general usage contains nanoparticles. British Journal of Dermatology. 2011; 165 (6): 1210–1218.
6- Soran A, Menekse E, Kanbour-Shakir A, et al. The importance of tattoo pigment in sentinel lymph nodes. Breast Disease 2017; 37 (2): 73-76.
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