Cardiologie

LES VALVULOPATHIES

Publié le 16/09/2011
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Les cardiopathies valvulaires demeurent fréquentes mais leurs causes ont changé avec la réduction de l’incidence du rhumatisme articulaire et l’augmentation de l’espérance de vie. Les atteintes sont actuellement essentiellement dégénératives et touchent le sujet de plus de 65 ans.
Schéma anatomique des quatre cavités cardiaques et de leurs valves

Schéma anatomique des quatre cavités cardiaques et de leurs valves
Crédit photo : ©DR

Système implantable de valve aortique (Valve Corvalve Medtronic)

Système implantable de valve aortique (Valve Corvalve Medtronic)
Crédit photo : ©Dr D Blanchard

Valve de remplacement aortique par voie percutanée

Valve de remplacement aortique par voie percutanée
Crédit photo : ©Dr D Blanchard

Les cardiopathies valvulaires touchent 2,5 % de la population occidentale (1) mais la répartition de leurs causes s’est modifiée depuis 30 ans en raison de l’amélioration des conditions sanitaires permettant de réduire l’incidence du rhumatisme articulaire aigu et d’augmenter l’espérance de vie.

La prévalence ne diffère pas selon le sexe, mais augmente avec l’âge : inférieure à 2 % avant 65 ans, elle atteint 8,5 % entre 65 et 74 ans et 13,2 % au-delà de 75 ans (1). Cette évolution justifie que tout patient âge de 65 ans et plus bénéficie annuellement au moins d’une auscultation cardiaque méticuleuse à la recherche d’un souffle.

En corollaire du vieillissement de la population, on note une augmentation de la fréquence des causes dystrophiques et dégénératives, alors que les autres causes – infectieuses et inflammatoires - ont peu évolué. L’Euro Heart Survey, étude réalisée en 2001 dans 25 pays d’Europe qui a inclus 5 001 patients ayant une valvulopathie modérée ou sévère, révèle que la cause la plus fréquente des monovalvulopathies était dégénérative (63 % des cas), rhumatismale (22 %), congénitale (6 %), secondaire à une endocardite (3 %), ischémique (2 %), les autres causes représentant 4 % des cas (2).

La prédominance des causes dégénératives et dystrophiques explique que les deux valvulopathies les plus fréquentes soient actuellement le rétrécissement aortique (RA) et l’insuffisance mitrale (IM), alors que l’insuffisance aortique et le rétrécissement mitral sont devenus plus rares (encadré 1). La prévalence du RA augmente rapidement avec l’âge après 70 ans, et il est probable que le nombre de cas continuera à augmenter. Une des conséquences de l’âge croissant des patients est la fréquence des comorbidités, qu’il s’agisse de l’athérosclérose ou des comorbidités non cardiovasculaires pouvant poser des problèmes pour la prise en charge (3).

La prédominance des causes dystrophiques tend à modifier la prise en charge thérapeutique des régurgitations valvulaires, en particulier avec le développement de la chirurgie conservatrice dans le traitement de l’IM. Le recours croissant à des interventions conservatrices, à plus faible risque, a conduit à un élargissement progressif des indications, notamment vers des formes moins symptomatiques.

EVALUATION DES SYMPTÔMES (3)

-› L’évaluation de la gêne fonctionnelle en présence d’une cardiopathie valvulaire est essentielle. Elle repose sur un interrogatoire « méticuleux » à la recherche des différents symptômes en précisant leur type, et les conditions de leur survenue. La distinction entre patients asymptomatiques et peu symptomatiques est souvent difficile, les patients diminuant leurs efforts en raison de la gêne. L’existence ou non de symptomatologie fonctionnelle d’effort, le niveau de performance atteint, mais aussi le profil tensionnel, permettront d’apprécier la tolérance de la valvulopathie.

-› Dans les cas difficiles, une épreuve d’effort avec mesure des échanges gazeux respiratoires peut être effectuée. On détecte ainsi fréquemment de faux asymptomatiques.

-› Les stratégies d’exploration ont évolué. Exit le cathétérisme, c’est désormais l’échocardiographie-doppler qui est actuellement l’examen complémentaire clé pour explorer une cardiopathie valvulaire. La coronarographie est largement réalisée dans le cadre du bilan préopératoire.

RÉCENTES ÉVOLUTIONS CHIRURGICALES

Les techniques de protection myocardique ont progressé et la chirurgie conservatrice est de plus en plus utilisée. Les indications chirurgicales ou interventionnelles se sont élargies et l’on opère aujourd’hui de plus en plus tôt les patients atteints de valvulopathie sévère, parfois au stade asymptomatique comme dans certaines insuffisances aortiques ou mitrales. Les indications opératoires sont discutées au cas par cas, tenant hautement compte du risque opératoire et du pronostic spontané de la maladie. L’âge et les facteurs de comorbidité sont essentiels à considérer. La chirurgie est néanmoins proposée à des patients de plus en plus âgés ou parfois dans un état précaire. À côté de cet essor de la chirurgie valvulaire, les traitements interventionnels percutanés, en particulier la dilatation mitrale, se sont considérablement développés (lire paragraphe ci-dessous).

RÉTRÉCISSEMENT AORTIQUE

La sténose aortique est la pathologie valvulaire la plus fréquente. C’est même la pathologie cardiaque la plus fréquente après l’HTA et les coronaropathies . Sa cause est surtout dégénérative et touche 2 à 9 % des individus de plus de 65 ans (4).

La majorité des RA se développent sur une valve aortique tricuspide ou bicuspide initialement normale, et sont diagnostiqués à partir de la 6e décennie. Le processus sous-jacent à la constitution de cette sténose aortique calcifiée a pendant longtemps été considéré comme dégénératif, mais des travaux récents sont en faveur d’un processus actif qui présente des similitudes avec le développement de la plaque d’athérome.

L’histoire naturelle du RA de l’adulte est caractérisée par une période prolongée de latence au cours de laquelle la mortalité et la morbidité sont très faibles (3). Globalement, la surface diminue de 0,1 à 0,2 cm2 par an avec une progression du gradient de 7 à 16 mmHg. L’âge, la coexistence des lésions coronaires et l’importance des calcifications ont été identifiés comme facteurs prédictifs d’évolutivité (3), mais il n’est pas possible de prévoir l’évolution chez un patient donné.

-› Le RA est souvent diagnostiqué par hasard à l’occasion d’une échocardiographie demandée pour une autre raison, ou suite à la détection d’un souffle cardiaque.

-› Les symptômes apparaissent lorsque la sténose devient serrée avec une surface brute inférieure à 1 cm2. L’apparition des symptômes constitue un tournant évolutif radical avec une espérance de vie moyenne de l’ordre de 2 ans après l’apparition des premiers signes d’insuffisance cardiaque gauche, et de 3 à 4 ans après celle de l’angor ou des syncopes. Le risque de mort subite, à juste titre redouté chez les patients symptomatiques, paraît faible, probablement inférieur à 1 % par an, en l’absence de symptômes.

-› L’appréciation de la sévérité du RA est basée sur les données de l’examen clinique, sur l’importance des calcifications et surtout sur les résultats de l’échographie-doppler. En faveur d’un RA serré, on retient surtout un seuil de surface valvulaire de 1 cm2 ; un gradient VG-AO supérieur à 50 mm Hg est une mesure en faveur d’un RA serré. Les indications ne reposent pas sur ces seuls critères quantitatifs mais ils viennent en complément de l’évaluation de la gêne fonctionnelle ou du résultat du test d’effort (si le patient est asymptomatique).

-› La difficulté de la prise en charge réside dans le choix du moment de l’intervention : très précocement chez les sujets asymptomatiques avec des RA « critiques » ou au contraire attendre que le patient devienne symptomatique au risque d’intervenir chez des patients très âgés (3,5).

INSUFFISANCE MITRALE ORGANIQUE

L’IM est la deuxième valvuopathie la plus fréquence (32 % des valvulopathies natives) (2). Elle touche habituellement les sujets de plus de 60 ans.

-› Au sein des IM, on différencie les IM aiguës secondaires aux endocardites infectieuses ou à certaines ruptures de cordages, et les IM chroniques, les plus fréquentes.

Les premières se caractérisent par un début habituellement brutal, correspondant à l’installation soudaine d’une fuite mitrale (épisode dyspnéique brutal, voire œdème aigu du poumon parfois précédé d’une douleur thoracique liée à la rupture de cordage).

Les secondes sont longtemps bien tolérées car la dysfonction ventriculaire gauche peut précéder l’apparition des symptômes ; elles comportent une période asymptomatique pouvant s’étaler sur plusieurs années. Le premier signe fonctionnel est une dyspnée d’effort d’aggravation progressive, suivie d’épisodes de dyspnée paroxystique nocturne, ou d’un tableau d’insuffisance cardiaque gauche chronique. S’y associe une asthénie anormale d’effort.

-› L’échocardiographie est l’examen clé pour porter le diagnostic, de préciser le mécanisme de la lésion et d’évaluer la sévérité de l’atteinte.

-› Le traitement curatif est chirurgical et conservateur (plastie mitrale). Le traitement médical s’applique à traiter les épisodes d’insuffisance cardiaque, les troubles du rythme auriculaire. Les indications opératoires tendent à devenir plus précoces, de manière à favoriser la plastie à la prothèse. La tendance est alors d’opérer les patients asymptomatiques sans dysfonction VG ni arythmie, mais avec une IM sévère (surface › 40 mm2) et risque opératoire bas. L’indication opératoire est absolue dès lors que le patient devient symptomatique.

INSUFFISANCE AORTIQUE

Elle est rare et représente 13 % des valvulopathies (2). Les mécanismes dégénératifs en sont la cause principale et l’IA dystrophique est la cause la plus fréquente. Celle-ci associe deux maladies : insuffisance aortique et la dilatation aortique. Sa découverte nécessite l’examen de l’aorte ascendante à la recherche d’une dilatation et doit conduire à une enquête étiologique avec recherche d’une maladie de Marfan ou syndrome apparenté (maladie génétique et héréditaire du tissu conjonctif).

-› Le pronostic de cette IA est lié à l’importance de la dilatation aortique en raison du risque de dissection et de rupture et à la dilatation ventriculaire gauche.

-› La prise en charge médicale comprend - outre la prophylaxie de l’endocardite propre à toute valvulopathie - la prescription de bêtabloquants et la surveillance annuelle des diamètres aortiques par échographie transthoracique. Les données de la littérature montrent qu’une IA chronique volumineuse sans dysfonction du VG peut demeurer asymptomatique pendant de longues périodes (plus de 10 ans sans dégradation de la fonction systolique).

-› Les indications chirurgicales reposent sur l’analyse soigneuse des données cliniques, la sévérité de l’IA, sur le retentissement sur le VG, et les diamètres de l’aorte ascendante. L’objectif est de remplacer la valve aortique, et selon les diamètres de l’aorte ascendante, le caractère bi ou tricuspide de la valve, compléter le geste par un remplacement de l’aorte ascendante

RÉTRECISSEMENT MITRAL

Contrairement aux autres valvulopathies, le RM reste quasi exclusivement d’origine rhumatismale. Ceci explique que cette valvulopathie soit devenue plus rare dans les pays occidentaux, représentant 12 % des monovalvulopathies (2). Le pronostic vital est bon chez les patients peu ou asymptomatiques. En revanche, l’évolution est rapidement défavorable avec une survie de 10 % à 10 ans dès lors qu’il devient symptomatique. L’indication à corriger est formelle en cas de RM serré. Chez le patient symptomatique, entrent en considération le risque thrombo-embolique, le risque de décompensation hémodynamique (HTAP) et la dilatation de l’oreillette gauche.

C’est avec le traitement du RM que s’est développé depuis plus de 20 ans la voie percutanée, la dilatation du RM par ballonnet avec d’excellents résultats à long terme ayant remplacé la classique commissurotomie chirurgicale, pour les patients ayant des RM rhumatismaux peu ou pas calcifiés.

LA PLACE DE LA VOIE PERCUTANÉE

Pour le traitement du rétrécissement aortique

Dès lors que les symptômes apparaissent, il est indispensable d’envisager un geste thérapeutique, en raison d’un risque de mortalité important (dépassant 50 % à 4 ans) en cas L’abstention thérapeutique. En 2011, le traitement de référence reste le remplacement valvulaire aortique chirurgical le plus souvent par mise en place d’une bioprothèse.

Cependant, dans les séries observationnelles, on peut estimer que 30 % des patients porteurs d’un rétrécissement aortique ne seront pas opérés parce que les symptômes sont en relation avec une autre pathologie cardiaque (cardiomyopathie dilatée, coronaropathie

évoluée, atteinte pulmonaire, etc..) ou que le risque opératoire évalué par les différents scores est trop élevé. C’est pour ces cas qu’une méthode alternative s’est développée.

Dès le milieu des années 80, l’équipe du Pr Alain CRIBIER a développé la valvuloplastie aortique au ballon seul, dont les résultats immédiats se sont avérés satisfaisants, avec cependant un risque de voir réapparaître le rétrécissement aortique dans les 6 mois suivant la procédure. C’est la raison pour laquelle la concept de valve percutanée a été développé par cette équipe, conduisant en 2002 à la première implantation.

Le concept de ces valves repose sur le fait de coudre à l’intérieur d’un stent une valve biologique, introduite par voie artérielle, puis larguée en regard de l’ancienne valve.

2 valves sont actuellement disponibles, la valve Edwards qui sera larguée en gonflant un ballonnet sur lequel a été sertie la valve, et la valve Medtronic dont le système de largage repose sur le concept d’auto-expansion.

-› A qui s’adresse cette nouvelle technique ? Le texte du Journal Officiel régissant les implantations en France et les recommandations internationales sont claires : patients porteurs d’un rétrécissement aortique serré, symptomatique pour lesquels la chirurgie conventionnelle est contre-indiquée ou présentant un haut risque chirurgical ou dans le cas de comorbidités importantes (antécédents de radiothérapie, de pontages coronaires, de médiastinite, etc..). Dans tous les cas chaque dossier devra être validé en staff médico-chirurgical, après réalisation d’un bilan exhaustif, en particulier anatomique pour juger de la voie d’abord pour la mise en place de la bioprothèse (importance du scanner vasculaire).

La voie d’abord la plus fréquente est la voie transfémorale, mais en cas d’impossibilité d’autres voies sont possibles : voie trans-apicale (par abord direct de la pointe du cœur par réalisation d’une thoracotomie latérale gauche), voie sous-clavière, voire voie trans-aortique ou trans-carotidienne.

Les implantations sont réalisées dans la majorité des cas en salle de cathétérisme, sous anesthésie générale ou neuroleptanalgésie par l’équipe médico-chirurgicale.

Le patient est en règle générale hospitalisé une semaine pour la réalisation de cette procédure.

-› Que sait-on fin 2011 sur cette nouvelle thérapeutique interventionnelle ? La comparaison entre la mise en place d’une valve percutanée et le traitement médical seul dans un groupe de patient à haut risque est largement en faveur de la technique interventionnelle permettant de réduire de près de 40 % le risque de décès à 1 an. Dans la vraie vie les registres montrent un taux de mortalité à 1 mois situé aux environs de 8 % dans les séries les plus récentes.

-› Quelles sont les limites de la technique ? La sélection des patients pouvant réellement bénéficier de cette intervention (d’où la nécessité de staff incluant les collègues gérontologues). Les possibilités de l’abord pour la mise en place de la valve ; les progrès de miniaturisation permettent actuellement de proposer la voie trans-fémorale à un plus grand nombre et de diminuer les risques de complications vasculaires

La longévité des valves qui reste encore aujourd’hui hypothétique.

Ainsi,la mise en place percutanée d’une bioprothèse aortique percutanée est aujourd’hui un espoir réel pour les patients porteurs d’un rétrécissement aortique symptomatique récusés ou à haut risque chirurgical. L’évolution de la technologie permettra sans nul doute de proposer cette alternative à un plus grand nombre de patients.

Pour le traitement de l’insuffisance mitrale

Afin de réduire le volume de l’insuffisance mitrale, plusieurs voies ont été explorées. La tentative de réduction de l’anneau mitral par des systèmes percutanés (équivalent d’une annuloplastie mitrale chirurgicale) n’a donné que des résultats peu encourageants. La mise en place de « clips » entre les feuillets de la mitrale est en cours d’évaluation (équivalent de la technique développée par Alfieri). Enfin nous pouvons espérer les premières implantations de valve mitrale percutanée dans les deux ans.

Dr Didier Blanchard (Clinique St Gatien à Tours, Hôpital Européen Georges Pompidou à Paris). Rédaction : Dr Linda Sitruk (rédactrice en chef FMC, fmc@legeneraliste.fr)

Source : lequotidiendumedecin.fr