EN CINQ POINTS

L’ŒDÈME AIGU DU POUMON

Publié le 05/02/2021
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L’OAP est un motif fréquent de prise en charge urgente. Une hospitalisation n’est pas forcément nécessaire.

Figure 1 - Échographie transthoracique mettant en évidence des « lignes B ».

Figure 1 - Échographie transthoracique mettant en évidence des « lignes B ».
Crédit photo : Annie Laboucheix

1. Établir avec certitude un diagnostic d’OAP

Le diagnostic d’œdème aigu du poumon (OAP) est avant tout clinique. Il est évoqué en présence d’au moins deux signes cliniques : orthopnée, crépitants pulmonaires bilatéraux à l’auscultation, sibilants (plus particulièrement chez les personnes âgées) ou bruits cardiaques de galop. L’angoisse est souvent associée. À l’examen clinique, on peut retrouver des signes de rétention hydrosodée (œdème des membres inférieurs, reflux hépato-jugulaire) en cas d’insuffisance cardiaque subaiguë avec rétention prédominante, ou bien une détresse ventilatoire aiguë d’installation rapide chez les patients souffrant d’OAP cardiogénique. Un tableau de choc peut se mettre en place sans délai.
Souvent, surtout chez les plus âgés, le tableau peut être atypique, faisant évoquer un asthme, une décompensation de BPCO ou une pneumopathie. L’ECG peut retrouver une tachycardie, une bradycardie ou des signes de syndrome coronarien.

L’échographie transthoracique, lorsqu’elle réalisée au cabinet, met en évidence des « lignes B » bilatérales et nombreuses (fig. 1).

2. Quand transférer le patient à l'hôpital ?

En présence de signes de gravité, un appel au 15 est impératif. Il peut s’agir de signes ventilatoires : fréquence respiratoire supérieure à 25 cycles par minute, cyanose ou SpO2 < 90 % (à surveillance avec un oxymètre de pouls) ou signes de lutte (tirage respiratoire, respiration abdominale paradoxale, expiration active forcée). Certains signes hémodynamiques doivent aussi inciter à l’hospitalisation : hypoperfusion périphérique (marbrures, vasoconstriction…), voire collapsus (PA systolique < 90 mmHg).

3. Traitement à mettre en place au cabinet

Installer le patient en position semi-assise avec les jambes pendantes au bord du brancard est la première mesure à adopter. En urgence, il est essentiel de traiter l’hypoxie (avec de l’oxygène) et de prévenir l’aggravation de l’insuffisance cardiaque aiguë. Au cabinet, un traitement doit être mis en place sans délai. L’association de dérivés nitrés en spray (Natispray® 2 bouffées à 1 ou 2 minutes d’intervalle si la PAS est > à 110 mmHg) et de diurétiques par voie intraveineuse furosémide (Lasilix®40 mg IV renouvelable 2 ou 3 fois par heure) est la base du traitement. Un vasodilatateur – dinitrate d’isosorbide (Risordan®) – peut être administré dans les cas les plus sérieux et en l’attente de l’arrivée du SMUR (sous scope, bolus de 1 mg en IV répété toutes les 3 minutes si la PA systolique est > à 140 mmHg).

4. Garder le patient à son domicile ?

Seuls les patients ayant déjà présenté des épisodes d’insuffisance cardiaque aiguë et dont l’état clinique s’améliore rapidement après les premières mesures thérapeutiques peuvent être surveillés à domicile. Leur entourage doit activement participer et idéalement un suivi médical ou paramédical strict doit être mis en place afin de pouvoir contacter le 15 dès les premiers signes d’aggravation. Même en cas d’amélioration rapide, un traitement préventif de la récidive et une recherche du facteur déclenchant de la poussée d’insuffisance cardiaque sont essentiels. La prescription d’un bilan biologique et la réalisation d’un ECG sont indispensables à l’adaptation thérapeutique.

5. Prévenir un OAP

Avant tout, les facteurs déclenchants doivent être traités : écart de régime (excès de sel), modification de traitement (comme une baisse des diurétiques, l’ajout de corticoïdes…), arythmie complète par fibrillation auriculaire, troubles de la conduction, syndrome coronaire aigu, anémie, majoration d’une insuffisance rénale…

Après adaptation du traitement, les patients et leur entourage doivent être éduqués aux signes annonciateurs de récidive d’OAP (prise de poids, majoration des œdèmes, aggravation de la dyspnée). Une visite avec un médecin – voire une téléconsultation – peut permettre une majoration relative des traitements (en particulier diurétiques). Enfin, dans le cadre des réseaux ville-hôpitaux, un programme de réadaptation cardio-vasculaire peut être proposé. 

Pour en savoir plus

* Auteure du chapitre « Insuffisance cardiaque aiguë », SAMU-SMUR Protocoles, Coordination T. Loeb (éditions Maloine).

Bibliographie

1. SAMU-SMUR Protocoles, Coordination T. Loeb. Editions Maloine.
2. HAS. Insuffisance cardiaque aiguë : OAP pris en charge en ambulatoire, 2006.
3. P. Ponikowski and al. 2016 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure: The Task Force for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure of the European Society of Cardiology (ESC). European Heart Journal, Volume 37, Issue 27, 14 July 2016, Pages 2129–2200.
4. T. Chouihed et col. Prise en charge de la dyspnée aiguë suspecte d’insuffisance cardiaque en urgence : un challenge diagnostique et thérapeutique. Ann. Fr. Med. Urgence (2017) 7:247-257.

Liens d'intérêts

Les auteures déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts relatif au contenu de cet article.

Dr Isabelle Catala (rédactrice) avec le Dr Caroline Petsine* (médecin au SMUR 92). 

Source : lequotidiendumedecin.fr