Santé publique

OPTIMISER LES NOTIFICATIONS DE IATROGÉNIE

Publié le 20/05/2011
Article réservé aux abonnés
Les généralistes déclarent peu la iatrogénie qu'ils recueillent pourtant dans les dossiers. Les données actuelles soulignent une sous-estimation et une sous-déclaration.

La notification de la iatrogénie est rendue obligatoire par le Code de santé publique. Pourtant, les généralistes déclarent rarement des effets indésirables aux Centre Régional de Pharmacovigilance (CRPV) : en 2007, sur les 22 097 effets indésirables déclarés aux CRPV, 7 % proviennent des généralistes et 75 % des hospitaliers. La sous-notification est un phénomène général en Europe, les médecins généralistes français ne sont pas différents de leurs collègues européens. Comment la iatrogénie est-elle déclarée en médecine générale ? Une étude ayant fait l’objet d’une thèse dresse l’état des lieux.

Objectif

Déterminer si les médecins généralistes identifient la iatrogénie dans leurs dossiers médicaux lorsqu’ils en ont la possibilité. Ce recueil peut-il être amélioré et la transmission de la iatrogénicité améliorée en médecine générale.

Méthode

-› Première phase: réalisation d’une étude épidémiologique descriptive transversale analysant les cas de iatrogénie relevés par les médecins depuis la création Résultat de Consultation (RC) entre octobre 2005 et août 2008 (35 mois) : « Iatrogène-effet indésirable d’une thérapeutique » faisant partie de l`Observatoire de Médecine Générale (OMG) de la Société Française de Médecine Générale. L’analyse a été menée anonymement à l’insu des médecins. Les médecins participants utilisent le Dictionnaire des Résultats de Consultation informatisé.

-› Seconde phase : enquête via internet demandant à 10 974 médecins de remplir un questionnaire. Taux de réponse 7,7 % (n = 845).

Résultats

=› La iatrogénie a été relevée 2 380 fois pour 1 899 patients.

47 médecins (42 %) ont utilisé au moins une fois le RC parmi les 112 médecins participants (63 % en zone urbaine, 15 femmes et 97 hommes, âge moyen de 50,1 ans). Le nombre de consultations est de 1 309 687 pour 218 080 patients.

=› Parmi les 47 médecins recueillant la iatrogénie, 63 % n’utilisaient pas régulièrement le RC. Un médecin l’a utilisé 239 fois et 5 médecins une fois.

=› Dans 57,8 % des commentaires, le traitement en cause était précisé. 87 % de la iatrogénie étaient dus à un effet indésirable d’un traitement.

L’imputabilité de la iatrogénie est possible dans 30 % des cas, probable dans 52 % et confirmée dans 15,5 %.

La iatrogénie la plus fréquemment relevée concerne la sphère digestive 26,9 %, neurologique 14,6 % et dermatologique (14,2 %), cardiovasculaire 7,2 %, rhumatologique 7,2 %, biologie 6,8 %. Diarrhée, vomissements et épigastralgie représentent 22 % des effets iatrogènes.

66 % des traitements sont prescrits par le généraliste, l’automédication représente 2 % des cas.

=› Les classes thérapeutiques les plus impliquées concernent le système cardio-vasculaire dont les hypolimémiants (28 %), le système nerveux central et le domaine de l’antalgie (23 %), les anti-infectieux (12 %), l’appareil locomoteur dont les AINS (10 %), l’appareil digestif et métabolisme hypoglycémiants compris (7 %).

=› 90 % des médecins notifient la iatrogénie dans leurs dossiers médicaux, 42 %déclarent le faire systématiquement. Un médecin sur deux (54,3 %) connaît la démarche officielle de déclaration de la iatrogénie, mais 59 % ne déclarent pas les effets indésirables auprès du Centre Régional de Pharmacovigilance (CRPV) et 28 % ont fait une déclaration il y a plus d’un an. Les deux tiers des médecins interrogés ne considèrent pas le mode de déclaration actuel adapté à leur exercice. 39 % souhaitent une déclaration via internet et 12 % une simplification de la démarche.

Dr Emmanuel Cuzin (rédacteur, fmc@legeneraliste.fr) avec le Dr Olivier Kandel (membre du bureau de la SFMG, Médecin généraliste à Poitiers)

Source : lequotidiendumedecin.fr