Urologie

PRISE EN CHARGE DE LA LITHIASE URINAIRE

Publié le 08/11/2021
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La prévalence de la maladie lithiasique augmente depuis une cinquantaine d’années. La survenue d’une colique néphrétique nécessite d’abord de soulager rapidement le patient. Dans un second temps, il sera primordial d’en connaître la cause.

Crédit photo : PHANIE

NTRODUCTION
Depuis un peu plus de 50 ans, la prévalence de la lithiase urinaire est en constante progression et concerne environ 10 % de la population, avec encore une prédominance masculine. Les causes, très variées, sont dominées par le comportement alimentaire et donc liées à l’évolution du mode de vie ces dernières décennies. Un autre point important de cette pathologie est son caractère récidivant (risque de l’ordre de 50 à 60 %).
Pour toutes ces raisons, la prise en charge ne doit pas se limiter à la crise de colique néphrétique et au calcul qui l’a générée. Le bilan étiologique (métabolique) va permettre d’établir la stratégie préventive.
Le propos de cet article de FMC/Mise au point se limitera à la lithiase d’organisme et exclut donc la lithiase d’organe liée à la stase urinaire (calculs compliquant une hypertrophie bénigne de la prostate ou un syndrome de la jonction pyélo-urétérale).

ÉPIDÉMIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE
Environ 15 % des hommes et 8 % des femmes connaîtront au moins un épisode lithiasique dans leur vie. 10 % des patients sont confrontés à des formes multirécidivantes avec au moins cinq épisodes.
La lithiase urinaire affecte surtout les 30-70 ans mais tous les âges peuvent être concernés (1).
Environ 10 % des lithiases de l’enfant sont d’origine génétique : le plus souvent autosomiques récessives, ces pathologies rares, sévères, précoces font courir le risque d’insuffisance rénale chronique. Il est indispensable de les identifier. La plus connue est la cystinurie (trouble de réabsorption tubulaire de la cystine).
Les calculs oxalocalciques sont les plus fréquents (environ 70 %) : c’est le fruit de la profonde transformation des habitudes alimentaires de la population, notamment des classes moyennes, avec augmentation de la consommation de protéines animales, de sel, de lipides et de sucres raffinés, au détriment des végétaux et fibres végétales.
La lithiase d’infection (struvite ou phosphate ammoniaco-magnésien…), plus rare depuis une cinquantaine d’années, progresse à nouveau, probablement du fait de la précarisation d’une partie croissante de la population depuis 20 à 30 ans (1).
L’insulinorésistance est impliquée dans la lithiase urique, dont la fréquence augmente avec l’âge (après 50 ans), l’IMC et chez le diabétique (30 % des calculs). Elle augmente aussi l’oxalurie.
Depuis une quinzaine d’années, il est observé une augmentation des calculs calcium-dépendants (oxalate de calcium dihydraté, phosphates de calcium), notamment après la ménopause (en lien avec les traitements de l’ostéoporose).
➔ La lithogenèse est l’ensemble des mécanismes physico-chimiques et biologiques conduisant de la sursaturation des urines à la formation d’un calcul urinaire. Elle résulte d’un déséquilibre entre promoteurs et inhibiteurs de la cristallisation, auquel s’ajoutent des phénomènes de nucléation (par exemple à partir de la plaque de Randall : première cause de lithiase calcique).
Le tableau 1 liste les différents types de calculs.
Seuls 7 % des calculs sont purs ; 60 % sont constitués de 3 ou 4 espèces cristallines et 12 % contiennent au moins 5 composants.
➔ Les facteurs nutritionnels directs :
 • l’eau : un apport hydrique insuffisant est souvent en cause. Le patient lithiasique doit maintenir une diurèse quotidienne de 2 litres ;
 • le calcium : l’excès d’apport augmente la calciurie, l’insuffisance entraîne une hyperoxalurie ;
 • l’oxalate (oseille, cacao, rhubarbe, épinard, poivre, coriandre, betterave rouge…) consommé en excès peut favoriser la formation de calculs ;
 • le citrate (agrumes, fruits rouges…) est inhibiteur de la cristallisation : c’est un agent protecteur.
Les facteurs nutritionnels indirects :
 • l’excès d’apport protidique augmente l’excrétion urinaire du calcium, de l’oxalate et de l’acide urique et diminue celle du citrate ;
 • le sel augmente l’excrétion urinaire du calcium ;
 • le sucre également, dont le fructose (présent dans les sodas), augmente l’uricémie ;
 • les graisses (notamment les triglycérides) bloquent le calcium alimentaire dans l’intestin (formation de savons calciques par les acides gras libres) et donc augmentent l’absorption intestinale de l’oxalate avec au final une hyperoxalurie ;
 • le rôle des fibres est discuté.

PRISE EN CHARGE SYMPTOMATIQUE ET ÉTIOLOGIQUE
La colique néphrétique est l’expression la plus fréquente de la lithiase.
Plus rarement, la symptomatologie est autre :
– pollakiurie ou gêne uréthrale liée à un calcul de l’uretère terminal,
– hématurie à l’effort due à un calcul rénal.
➔ Face à la colique néphrétique : trois priorités ! (2)
 • Soulager la douleur :
Prescription de kétoprofène +/- un antalgique de palier 1, 2 voire 3. La restriction hydrique n’est plus de mise.
 • Éliminer une forme compliquée nécessitant le recours rapide à l’urologue (cf. tableau 2).
 • Déterminer la cause : place à l’imagerie (3).
L’imagerie est toujours nécessaire.
La résolution de la douleur ne prouve pas que sa cause a disparu.
L’élimination d’un calcul n’assure pas qu’il est unique.
Si la crise est soulagée et en l’absence de critères de gravité (cf. tableau 2), la réalisation des examens d’imagerie peut être différée au plus tard de quelques semaines.
Le scanner abdominopelvien sans injection est devenu l’examen de référence pour la détection des calculs (sensibilité et spécificité > 95 %), nettement supérieur au couple échographie/abdomen sans préparation qui restent utilisés en urgence parfois pour des raisons de disponibilité mais aussi dans la surveillance post-thérapeutique. L’UIV a disparu de la scène lithiasique.
Le scanner permet une caractérisation beaucoup plus précise des calculs : nombre, taille, localisation et densité en unités Hounsfield (UH).
Il confirme souvent l’obstruction, même si l’appréciation de son intensité reste grossière : dilatation des cavités rénales et surtout de l’uretère, infiltration de la graisse périrénale, etc.

En l’absence de calcul, le scanner (alors avec injection) va contribuer au diagnostic différentiel : pathologies urologiques (pyélonéphrite, tumeurs, thrombose de la veine rénale…) ou extra-urologiques.
Sa limite essentielle est la grossesse : situation où la prise en charge de la lithiase est l’affaire de l’urologue en collaboration avec l’obstétricien.
La densité obtenue aux images de scanner permet d’estimer la nature chimique des calculs : 200 à 600 UH pour l’acide urique ; 500 à 800 UH pour la cystine ; 800 à 1 000 UH pour la struvite ; 1 000 à 1 400 UH pour les oxalates de calcium dihydratés ; 1 200 à 1 700 pour les oxalates de calcium mono­hydratés ; 1 600 à 2 000 pour les phosphates de calcium.
Ainsi, l’imagerie a une importante valeur pronostique pour l’expulsabilité des calculs qui dépend bien sûr de leur taille et de leur localisation, mais aussi de leur nature : les urates et oxalates monohydratés s’expulsent plus facilement que la cystine, la struvite et autres phosphates.
➔ Les données du scanner vont aider à établir la stratégie thérapeutique.
• Dissolution par diurèse alcaline d’un calcul supposé urique.
En ambulatoire par des boissons riches en bicarbonates et médications à base de citrate de potassium (spécialités non remboursées ou préparation magistrale).
 • L’utilisation des alphabloquants pour favoriser l’expulsabilité doit rester prudente en raison des effets secondaires : elle est plus intéressante pour les calculs urétéraux distaux de 5 à 10 mm ; l’ordonnance doit mentionner en théorie « Hors AMM, thérapie médicale expulsive, patient informé ».
 • La lithotritie extracorporelle par ondes de choc (LECOC) est moins efficace en cas de densité du calcul supérieure à 1 000 UH ; en cas de distance peau-calcul > 10 cm ; elle est inefficace sur la cystine (résistance des ponts disulfures) et les calculs très denses donc très durs (oxalates monohydratés).
 • La néphrolithotomie percutanée (NLPC) concerne surtout les calculs rénaux de plus de 20 mm.
En pratique, les interventions urologiques sont dominées par l’urétéroscopie rigide pour les calculs de l’uretère et l’urétéro-rénoscopie souple pour les calculs rénaux. Ces dernières techniques ont pris le pas sur la LECOC car bien que plus invasives, elles sont plus rapidement rentables.
La chirurgie ouverte est devenue exceptionnelle.
➔ Après l’orage : l’enquête (4) (5)
Le bilan étiologique va s’attacher à déterminer la cause de la lithiase, ce qui va conditionner la prise en charge de fond et permettre de définir les mesures utiles à la prévention de la récidive. Il peut, selon les cas, déboucher sur de simples conseils diététiques ou sur la prise en charge spécialisée (néphrologue, interniste…) d’une pathologie chronique lourde.
Le bilan initial comporte deux éléments :
 • L’analyse du calcul par spectrophotométrie infrarouge (SPIR), réalisée par des laboratoires spécialisés, est couplée à l’analyse morphologique : le calcul est adressé lavé et séché dans un récipient vide de toute autre substance.
 • Le bilan biologique (métabolique) à la recherche d’une anomalie lithogène est réalisé à distance (quatre semaines au moins) d’un « évènement urologique » (crise de colique néphrétique ou intervention) : il comporte un bilan sanguin à jeun, une analyse des urines du lever et un recueil des urines des 24 heures (cf. tableau 3).

Les cristaux décrits sur l’ECBU n’ont pas de valeur.
La natriurèse des 24 heures est le reflet de la consommation de sel, l’azoturie celle des protéines.
Les diurèses insuffisantes entraînent des hypercalciuries de concentration.
De la bonne réalisation du recueil des urines dépend la fiabilité de ses conclusions. Un « mode d’emploi » est disponible sur le site d’Urofrance.
Les petites anomalies relèvent de conseils diététiques (le premier étant souvent de majorer les apports hydriques et d’éviter les excès de calcium, sel, sucre, protéines animales, oxalate et acide urique). Le site Urofrance propose une fiche avec ces conseils.
Les anomalies plus significatives imposent une prise en charge spécialisée (diabète, hypercalcémie, cystinurie…).

CONCLUSION
La colique néphrétique et le calcul qui la provoque ne sont que la partie visible de l’iceberg que représente la maladie lithiasique. Soulager la crise est impératif  ; se débarrasser du calcul responsable est nécessaire. Prévenir la récidive est tout aussi important car, à terme, c’est la fonction rénale qui peut être menacée.
En outre, la lithiase s’avère parfois révélatrice de pathologies chroniques lourdes : il faut apprendre à saisir cette occasion pour les détecter et savoir associer le patient à cette démarche.
Le bilan métabolique est incontournable. La lithiase émerge souvent d’un socle commun à bien des fléaux pour notre santé : les dérives alimentaires. La diététique est au cœur de l’arsenal thérapeutique.
À l’instar de la dysfonction érectile (si préoccupante pour celui qui en souffre) qui serait un signe annonciateur d’un possible accident coronarien quelques années plus tard chez le quinquagénaire cumulant plusieurs facteurs de risque, il faut peut-être considérer le douloureux épisode lithiasique comme un signal d’alerte, un possible marqueur d’un risque plus global pour la santé du patient.

Dr Sébastien Lavilledieu (urologue, groupe Urogard, Nîmes)

BIBLIOGRAPHIE
1. Daudon M. Epidémiologie de la lithiase urinaire. EMC – Urologie 2018;11(3):1-27 (article 18-104-A-21).
2. Touze MD, Bertini M, Ducasse JL, Ellrodt A, Gattegno B, Guille F, et al. Prise en charge des coliques néphrétiques de l’adulte dans les services d’accueil des urgences. 8e conférence de consensus de la société francophone d’urgence médicale. Réa Urg 1999;8:532-46.
3. Dalla Palma L, Pozzi-
Mucelli R, Stacul F. Present-day imaging of patients with renal colic. Eur radiol 2001;11:4-15.
4. Traxer O, Lechevallier E, Saussine C. Metabolic evaluation of urinary stone-former patients. Role of the urologist.
Prog Urol 2008;18:849-56.
5. Traxer O, Lechevallier E, Saussine C. Urolithiasis and diet: the role of the urologist. Prog Urol 2008;18:857-62.


Source : lequotidiendumedecin.fr