Les dernières recommandations de l'AFSSAPS et de la HAS à propos du traitement médicamenteux du diabète de type 2 ont à peine 4 ans (1). Délai suffisant pour que les résultats de quelques grandes études relancent le débat sur l'objectif glycémique idéal : 6,5 %, 7 %, plus de 7 % ?
LES ETUDES MAJEURES
-› La grande étude UKPDS (United Kingdom prospective diabetes study) (2) met l’accent dès 1998 sur l’importance du contrôle glycémique chez le diabétique de type 2.
Une baisse de 0,9 % de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) s’associe à une diminution de 25 % du risque de complications microvasculaires, et à une réduction de 16 % du risque d’infarctus du myocarde. Pour ce dernier chiffre, les résultats sont cependant à la limite de la significativité.
Dix ans après cette publication (2008), le devenir de certains participants a été étudié (3). Le bénéfice sur les complications microvasculaires persiste à 10 ans, tandis qu'on note une réduction du risque d'infarctus du myocarde de 15 %, significative cette fois. Et ce malgré la perte de la différence d'HbA1C observée dans la première étude (7 % vs 7,9 %) entre le groupe "traitement intensif" et le groupe "traitement conventionnel". De plus, chez les patients initialement en surpoids traités par metformine, la réduction du risque de complications persiste 10 ans après.
-› L'étude ACCORD (Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes) (4) a sélectionné quant à elle plus de 10 000 diabétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire, avec un niveau moyen d'HbA1C à 8,1 % et un diabète évoluant depuis 10 ans.
L'HbA1C devait se situer en dessous de 6 % dans le groupe "contrôle glycémique intensif" contre 7 – 7,9 % dans le groupe standard. Hypothèse : une stratégie hypoglycémiante intensive prévient les événements cardiovasculaires chez les diabétiques de type 2 à haut risque. Conclusions : après 3,5 ans de suivi seulement, la mortalité - décès toutes causes - est plus élevée dans le groupe "traitement intensif" (+ 22 %), ce qui conduit à l'arrêt de l'étude.
-› L'étude ADVANCE (Action in Diabetes and Vascular Disease: Preterax and Diamicron Modified Release Controlled Evaluation) (5) a inclus des patients diabétiques depuis 8 ans en moyenne, dont environ 1/3 avait un antécédent de complication macrovasculaire, et 10 % une complication microvasculaire.
Une partie de l'étude concernait les effets d’un contrôle tensionnel strict sur la survenue des complications, l'autre partie étant consacrée aux effets du contrôle glycémique intensif (HbA1c à 6,5 %). A cet égard, le risque de complication macro et microvasculaire a été réduit de 10 %, essentiellement en lien avec la diminution de 21 % du risque de néphropathie. Le risque de réduction d'événements macrovasculaires était réduit de 6 %.
-› L'étude VADT (Veterans Affairs Diabetes Trial) (6) a administré un traitement intensif à un groupe de vétérans américains, 60 ans en moyenne, ayant un diabète de type 2 depuis 11,5 ans en moyenne, et dont la moitié avaient déjà présenté un événement cardiovasculaire.
Le but était d'obtenir dans ce groupe (vs un groupe standard) une réduction de 1,5 % de l'HbA1c. Les résultats ont été mitigés, puisque la baisse des événements cardiovasculaires majeurs, des décès et des complications microvasculaires est restée non significative. Seule exception : la baisse de la progression de l'albuminurie.
-› Il existe en fait dans VADT en particulier un sur-risque cardiovasculaire chez les diabétiques de type 2 ayant un diabète évoluant depuis plus de 12 à 15 ans lors du contrôle glycémique intensif et dans ACCORD une augmentation de la mortalité totale chez les patients soumis à un contrôle glycémique très strict (7).
La baisse rapide de l'HbA1c, comme dans l'étude ACCORD, où une diminution de 1,5 % était enregistrée dès les trois premiers mois dans le groupe "contrôle glycémique intensif", pourrait avoir participé à l’augmentation de la morbimortalité pour certains patients, en lien peut-être avec des manifestations d'hypoglycémie. Mais ce phénomène impliquant la cinétique de la baisse glycémique dans la surmortalité n’est pas ressorti des analyses ultérieures.
Toutefois, ACCORD et VADT se démarquent par la fréquence des accidents d'hypoglycémie dans les groupes "intensifs" et globalement dans ACCORD, les patients qui ont eu une hypoglycémie sévère, étaient exposés à un risque accru de décès.
-› A ce débat autour de l'objectif glycémique, se sont ajoutés ceux concernant les diverses stratégies médicamenteuses ; telles la polémique à propos du risque cardiovasculaire lié à la rosiglitazone, ou les discussions autour des modalités d'utilisation des antidiabétiques oraux les plus récents, comme les inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase-4 (DPP4) (gliptines) ou les analogues du GLP-1. Divers algorithmes de traitement sont actuellement proposés.
CE QUE DISENT LES RECOMMANDATIONS FRANÇAISES
-› Le libellé des recommandations de l'AFSSAPS et de la HAS (1) précise bien que la stratégie médicamenteuse proposée dans le texte s'adresse aux diabétiques de type 2 dont la maladie est découverte précocement, et dont la glycémie et l'HbA1c initiales sont peu élevées. Si l'objectif est d'atteindre un taux d'HbA1c inférieur ou égal à 7 % pour le plus grand nombre de diabétiques de type 2, il est recommandé, lorsque le diabète est découvert à un stade précoce, de viser un chiffre d'HbA1c strictement inférieur à 6,5 %. La norme du sujet sain se situe au-dessous de 6 %.
-› Mais les objectifs du traitement doivent être individualisés pour chaque malade.
Les objectifs “idéaux”, en particulier ceux concernant le contrôle glycémique, sont à moduler en fonction :
- de l’âge physiologique de chaque sujet
- de l’ancienneté du diabète,
- des comorbidités,
- de l’adhésion au traitement et du degré de participation du patient dans la prise en charge globale de sa maladie.
- à réserver aux patients dont l’espérance de vie justifie une prévention des complications de micro et macroangiopathie.
Notamment, pour le sujet âgé polypathologique, l'objectif glycémique est revu à la hausse, avec une HbA1c autour de 7% en évitant absolument les hypoglycémies. Il faut également adapter la stratégie lorsque le diabète est découvert à un stade tardif.
Les recommandations françaises ne se penchent pas sur la question des objectifs glycémiques spécifiques aux sujets en prévention secondaire ou à haut risque cardiovasculaire. L'argumentaire (8) mentionne simplement, au chapitre traitant du diabétique cardiaque et vasculaire, qu'à la phase aiguë d'un infarctus du myocarde et durant les 3 mois suivants, un contrôle glycémique strict par insulinothérapie pluriquotidienne doit être obtenu.
QUE FAIRE EN PRATIQUE ?
-› Pour le Pr Paul Valensi, « l'objectif de 7 % pour l'HbA1c chez la plupart des diabétiques reste justifié (voir Généraliste n° 2493 du 19 juin 2009). Mais il faut procéder au cas par cas lorsqu'on envisage de descendre en dessous de 7 % ».
L'âge du patient entre alors en ligne de compte, de même que l'ancienneté du diabète et la présence éventuelle de complications ; le risque hypoglycémique étant majoré, l'objectif de 7 % semble plus raisonnable.
La valeur initiale de l'HbA1c constitue aussi un élément important. Si elle est supérieure à 8 % depuis plusieurs années et associée à la présence d'antécédents cardiovasculaires, un objectif à 7 % paraît adapté. Si l'HbA1c est inférieure à 8 % en l'absence d'antécédents cardiovasculaires, on peut prévoir de descendre en dessous de 7 %, voire d'atteindre 6,5 %. Sans oublier le contrôle tensionnel et lipidique, qui font partie intégrante de la prise en charge du diabète de type 2.
-› Le consensus américano-européen le plus récent (2009, réf 9) maintient la valeur de 7 % d'HbA1c comme seuil au dessus duquel il faut soit initier un traitement, soit le modifier afin de passer en dessous de 7 %. Chez certains patients, on peut envisager un objectif inférieur, mais avant d'intensifier le traitement, il faut prendre en compte l'espérance de vie, le risque d'hypoglycémie, et l'existence éventuelle de maladies cardiovasculaires.
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