Infectiologie

SPORT ET PATHOLOGIES INFECTIEUSES DE L'ENFANT

Publié le 16/11/2017
Article réservé aux abonnés
Les pédiatres infectiologues américains viennent de publier des recommandations sur la prise en charge et la prévention des pathologies infectieuses en sport collectif. En premier lieu les infections cutanées, véhiculées par contact physique ou par l’environnement sportif. Les transmissions par voie aérienne sont aussi préoccupantes.  
Sport

Sport
Crédit photo : Phanie

Les sports collectifs s’inscrivent dans le cadre d’une pratique organisée et institutionnalisée (entraînements et compétitions). Il faut les distinguer des activités physiques individuelles (sport de loisir / de masse). Leur pratique comporte de nombreux bénéfices (acquisition de la forme physique et de la socialisation) mais expose à des risques, certes traumatiques mais aussi infectieux. à ce titre, des recommandations américaines de pédiatres infectiologues viennent de paraître (1) et mettent en lumière la nécessité de repérer les cas index, vecteurs potentiels d’épidémies.

RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES

Les principales recommandations concernent l’hygiène corporelle des compétiteurs (par exemple, se laver les mains et s’assurer de la propreté des vêtements spécifiques) et des conseils stricts, comme ne pas échanger les boissons (bouteilles, verres), les protège-dents, les serviettes, le savon, les éponges de bain, les gants de toilette, les rasoirs, les ponceurs de callosités, etc. Les fédérations sportives recommandent de veiller à la propreté des salles de musculation, des tapis, des mannequins, des vestiaires, des douches, des sanitaires, etc. Dans les clubs d’une certaine importance, un personnel spécifique (intendant) s’occupe de ces tâches.

► Les médecins généralistes ne doivent pas être pris pour des intervenants mineurs car ils sont régulièrement consultés pour la rédaction des certificats d’aptitude ou d’absence de contre-indication au sport. Les auteurs américains conseillent au médecin de profiter de cette consultation pour vérifier la peau du sportif… Et ils insistent à juste titre sur le rôle des entraîneurs pour minimiser les risques d’épidémie (1).
 

RECOS FRANÇAISES

Il existe des recommandations françaises, mais elles sont parcellaires (3,4). Toutefois, les responsables d’EPS de la région Poitou-Charentes donnent des indications précises sur les surfaces, les toilettes, les vestiaires, les normes des matériels, l’hygiène corporelle (3). La province de Liège fournit des recommandations simples et très utiles concernant, entre autres, l’hygiène, le pied du sportif, la pollution atmosphérique (4).

INFECTIONS PRINCIPALEMENT TRANSMISES PAR CONTACT

La plupart des infections associées aux sports, dues à des contacts cutanés, sont responsables de 10 à 15 % des arrêts de pratique par blessures. Les conditions du retour aux activités sportives sont plus strictes pour les individus dont la pratique implique des contacts corporels.

Staphylocoque doré

Le staphylocoque doré résistant à la méthicilline (SDRM) est une cause fréquente d’infections cutanées dans les collèges et lycées où les athlètes pratiquent des sports de contact comme le football (américain) et la lutte. En général, les symptômes sont des cellulites ou des abcès cutanés avec possibilité de bactériémies, d’arthrites septiques, d’ostéomyélite, de fasciites, de myosites et de pneumonies dans 10 % des cas (5). D’autres infections non invasives sont possibles comme l’impétigo, les folliculites, les pustuloses.

► Le principal facteur de risque est la dermatite atopique, où la colonisation à S. aureus est quasi constante, ainsi que le portage nasal de staphylocoques. Les autres facteurs aggravants sont les contacts cutanés, les blessures de la peau, l’échange d’équipements sportifs et un index de masse corporelle élevé. On estime que 4 à 23 % des athlètes sont colonisés par le SDRM mais la présence de facteurs de risque est nécessaire pour expliquer ces infections. À titre d’exemples, l’incidence des infections de la peau et des tissus mous est de 11,3 à 20,9 p. 10 000 chez les footballeurs et de 28,1 à 60,8 p. 10 000 chez les lutteurs (6). Dans une étude portant sur 190 joueurs de foot, le portage nasal de S. aureus résistants à la méticilline (SDRM) était de 23 % (43 individus), parmi lesquels 10 développèrent des infections cutanées (impétigo, folliculites) durant la saison (7).

Streptocoques du groupe A

Les infections à streptocoque bêta-hémolytique du groupe A (SBHGA) sont surtout observées au rugby et dans les tournois de football pratiqués en salle, mais d'autres sports ont été impliqués. On observe des pyodermites, des cellulites, des impétigos pouvant entraîner des infections invasives. Le SBHGA a été signalé au cours d’épidémies d’angines chez les judokas et chez des footballeurs par échanges de boissons. Le diagnostic est basé sur les symptômes et signes cliniques et sur le test de diagnostic rapide (TDR) des angines.

Gestion et prévention des épidémies

► Il faut identifier les individus infectés de façon précoce aux staphylocoques et streptocoques bêta-hémolytique du groupe A. Les mesures rigoureuses d’hygiène des équipements et des surfaces doivent être prises. Pour éviter la dissémination d'infections, les experts américains conseillent l'utilisation de la la mupirocine topique chez les individus colonisés, et la chlorhexidine est pour la désinfection.

Pour le SDRM et le SBHGA, les mesures à prendre dépendent des sites corporels infectés. Toutefois, en milieu sportif, les examens bactériologiques doivent porter en priorité sur le nez et les lésions cutanées ouvertes.

La prévention de la dissémination de ces infections au reste de la communauté repose sur des mesures d’hygiène générale et sur la décontamination des surfaces et des objets. Le retour à la compétition des sportifs atteints d’angines ou d’infections cutanées à SBHGA ne peut avoir lieu qu’après au deux jours d’antibiothérapie adaptée.

► Le virus de l’herpès (HSV) est la cause d’épidémies chez les lutteurs (Herpes gladiatorum) et les joueurs de rugby (Herpes rugbiorum). Au cours d’une épidémie chez des lutteurs, le pourcentage des sujets atteints fut de 2,6 % (écoles secondaires) et de 7,6 % (collèges). La contamination a lieu par contact avec la peau de sujets porteurs d’infections cutanées. L’intervalle de temps entre l’exposition et la survenue des lésions est de 4 à 11 jours (moyenne 6,80 + 1,7 jours) (1). Celles-ci se situent surtout sur la face ventrale du corps ; des infections oculaires (conjonctivites, blépharites) sont rapportées. Le diagnostic est facile devant l’aspect des lésions, éventuellement les cultures ou les tests de diagnostic rapide. Le ski à haute altitude est aussi associé à des poussées d’herpès au bout de trois à quatre jours d’exposition solaire, car les UV sont des facteurs déclenchants.

► L’identification et l’isolement (avec suspension des compétitions) des individus infectés par H. gladiatorum (HG) et H. rugbiorum (HR) sont des mesures suffisantes, neuf fois sur dix, pour éviter une “flambée” de cas. Pour les lutteurs ou les rugbymen ayant souvent un déni de ces affections, un examen médical systématique est indispensable, avant les compétitions, à la recherche de lésions d’herpès (vésicules, ulcérations) en particulier du visage, la bouche et des yeux.

Les sujets ayant des herpès HG et HR récidivants doivent être identifiés et traités par le valacyclovir qui peut supprimer les poussées.

► Le molluscum contagiosum (MC), infection à pox virus considérée comme bénigne, affecte 5 à 10 % des enfants de moins de 16 ans. Des épidémies de MC ont surtout été décrites dans les piscines publiques. Les facteurs de risque sont l’eczéma atopique, le jeune âge (< 14 ans), les contacts de peau à peau, l’échange d’objets contaminés.

Le MC non compliqué guérit en six à douze mois, mais parfois plus (quatre ans), sans traitement particulier. Ceux appliqués (cryothérapie à l’azote liquide, curetage, hydroxyde de potassium, laser) sont d’efficacité variable. La meilleure prévention est l’éviction des facteurs déclenchants et le port de vêtements couvrants. Il faut limiter l’accès aux piscines.

► Teignes (Tinea Spp.). Les recommandations américaines s’accordent sur un minimum de deux semaines de traitement antifongique systémique (pour T. capitis), un minimum de trois jours de traitement antifongique systémique ou local par terbinafine ou naftidine, associé à un pansement occlusif (pour T. corporis), et l’exclusion des pédiluves et des piscines jusqu’à ce que le traitement soit effectué (T. pedis et T. cruris).

► Les verrues vulgaires (VV) sont des tumeurs bénignes très fréquentes (5 à 10 % de la population générale) dues à divers virus, en particulier le HPV (Human papillomavirus). Elles régressent souvent spontanément, d’où l’abstention thérapeutique généralement proposée. Le traitement se rapproche de celui du MC (destruction chimique ou physique, application de produits à base d’acide salicylique ou de rétinoïne (forme acide de la vitamine A) et, plus récemment, association de cantharidine et d’acide salicylique à des concentrations variables. Les lésions doivent être recouvertes.

► La gale et les pédiculoses, respectivement dues à Sarcoptes scabiei à Pediculus capitis, sont peu fréquentes chez les sportifs. Leur présence disqualifie les athlètes dans les compétitions sportives, en particulier celles qui impliquent des contacts d’individu à individu. Les sarcoptes peuvent survivre jusqu’à quatre jours dans les vêtements sans contact avec la peau et les poux ne survivent pas ailleurs que dans les cheveux. La gale justifie une exclusion de 3 jours.

INFECTIONS PRINCIPALEMENT TRANSMISES PAR VOIE AÉRIENNE

► Virus de la varicelle-zona. Bien que la varicelle puisse être transmise par voie aérienne, cette possibilité est plus rare chez le sportif. Les activités physiques peuvent être reprises lors de la phase croûteuse adhérente, en l’absence de surinfection bactérienne.

► Rougeole. Les patients atteints de rougeole sont contagieux quatre jours avant et après le début de l’éruption. L'exclusion est de 5 jours. Des épidémies ont été décrites au cours de plusieurs manifestations de gymnastique, ski et escrime.

► Oreillons. Avant l’introduction du vaccin contre les oreillons, il y a eu plusieurs épidémies dans diverses collectivités (écoles, prisons, orphelinats, casernes).

Complication classique après la puberté, l’orchite ourlienne évolue rarement vers une stérilité (1). L’incidence des oreillons a fortement diminué avec le vaccin triple “rougeole-oreillons-rubéole” (deux doses), mais des épidémies ont encore été enregistrées, dues à une vaccination incomplète. En vue d’une prévention efficace de la communauté, tout cas d’oreillons doit être immédiatement signalé et l'exlusion est de 9 jours après le début de la parotidite.

► La coqueluche. Exclusion pendant cinq jours après le début du traitement, ou de trois semaines après le début de la toux. Une chimioprophylaxie de l'entourage peut être indiquée.

AUTRES AFFECTIONS

Les shigelloses Exclusion jusqu’à 24 heures après l’arrêt de la diarrhée
Les giardiases Exclusion des piscines jusqu’à deux semaines après la guérison
Les noroviroses Reprise possible des activités deux jours après la guérison
L’influenza Reprise des activités après disparition complète de tous les symptômes ; certaines recommandations préconisent un traitement précoce de cinq jours par zeltamivir ou zanamivir.

Ces directives doivent être adaptées à chaque cas et tenir compte de la période d’asthénie secondaire à ces maladies, avant de reprendre une activité physique.

 


Source : lequotidiendumedecin.fr