Karl est un Allemand de 21 ans. En rupture avec sa famille, il est venu dans un foyer réservé aux SDF sur Perpignan. à son arrivée, dans notre bureau, nous sommes attirés par son comportement : réponses allusives, rires fréquents et immotivés. Un des éducateurs de la structure arrive alors et nous conduit dans sa chambre ; il y a fait une découverte intéressante : le sol est jonché de nombreuses fleurs et feuilles d’hortensia séchées. Dès lors, Karl nous a expliqué qu’il fumait régulièrement cette plante.
L’HORTENSIA UNE NOUVELLE DROGUE EN ALLEMAGNE ?
L’hortensia, plante de la famille des hydrangeacées embellit les parcs et les balcons. Cependant les nombreuses dégradations dont il fait l’objet outre-Rhin ont alerté les autorités. En fait les jeunes adultes et adolescents toxicomanes ont pris l’habitude depuis une dizaine d’années d’arracher les feuilles et les fleurs d’hortensia (plus précisément les pétales). Après les avoir séchées, ils les roulent et les fument comme des joints.
› Trois raisons poussent les jeunes allemands à consommer des joints contenant de l’hortensia :
– Compte tenu de la crise économique qui touche les jeunes (8,5% des moins de 25 ans sont au chômage), ceux-ci cherchent des solutions peu onéreuses. Même si la consommation de cocaïne et cannabis est plus faible depuis quelques années en Europe, le marché de la drogue (en pleine mutation) est moins structuré avec la consommation de substances à base de plantes.
– L’hortensia est une plante très facilement cultivable et utilisable, aucune législation ne limitant sa culture.
– La dernière raison est en relation avec les effets procurés par la consommation d’hortensia, proche de ceux procurés par le cannabis.
LES EFFETS DE LA CONSOMMATION DE FEUILLES ET FLEURS D’HORTENSIA
La consommation de cette plante par les jeunes a pour but d’obtenir un effet rapide et comparable à celui du THC (tétrahydrocannabinol) retrouvé lors de la prise de cannabis.
› Ainsi on observe lors d’une consommation aiguë :
– Une modification de l’humeur. Le patient est euphorique. Il ressent un bien-être incommunicable, une détente sereine, une joie indéfinissable, mais aussi une importante exaltation de l’humeur qui se traduit par des rires incoercibles et non motivés.
– Des perturbations intellectuelles comme des réminiscences mnésiques, des exaltations de l’imagination. La concentration est difficile, et il existe souvent des distorsions spatiotemporelles. Dans certains cas, on retrouve des troubles de la communication orale (propos sans queue ni tête, idées inappropriées, intrusion de mots…).
– La perception du vécu corporel est modifiée, le consommateur ayant l’impression de se sentir planer. Il perçoit une liberté de son corps. Cependant, on peut remarquer une réaction inverse et, dans ce cas, le patient a le sentiment d’être très lourd.
– Des modifications sensorielles. Il s’agit d’intensification de perceptions visuelles, tactiles, auditives. Souvent les consommateurs recherchent cet effet qui leur permet de mieux percevoir la musique ou l’ambiance de fête.
› A côté de ces manifestations psychiques, des manifestations physiques (mineures) sont observées : hypotension orthostatique, céphalées, mydriase, sécheresse buccale, irritation bronchique, et troubles du transit.
› Une consommation importante peut bloquer la chaîne respiratoire et provoquer secondairement une destruction du système nerveux central. Cet effet est à mettre en relation avec l’acide cyanhydrique dégagé lors de la combustion des pétales. L’intoxication due à cet acide peut survenir suite à une ingestion, une inhalation ou un contact avec la peau. Elle est due à l’ion cyanure.
à noter que le cyanure d’hydrogène a été utilisé par les Nazis sous le nom de Zyklon B dans les camps de concentration. Actuellement on fabrique ce produit en République Tchèque sous le nom d’Uragan D2.
Les risques respiratoires surviennent suite à une inhalation supérieure à 50 ppm pendant plus de 30 mn.
à des doses comprises entre 200 et 400 ppm, cette substance peut être létale chez l’homme pour une exposition de quelques minutes.
CONCLUSION
Même si de nombreux spécialistes en toxicologie considèrent cette consommation comme anecdotique, d’autres constatent une persistance, voire une augmentation de cette pratique. Le développement de cette toxicomanie (en particulier dans le nord de la France) est à mettre en relation avec l’évolution de la communication des jeunes (rôle des réseaux sociaux). Il est donc nécessaire d’observer ce comportement et ne pas la minimiser, car nous ne connaissons pas de manière parfaite les effets à long terme d’une telle consommation.
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