La vitamine D est une hormone stéroïde dont les apports naturels sont couverts à hauteur de 20 % par l’alimentation (poissons gras) et 80 % par la synthèse cutanée sous l’effet des rayons UVB du soleil.
Chez le sujet âgé, il existe de multiples causes d’hypovitaminose D :
– baisse des apports alimentaires,
– résistance cutanée,
– insuffisances hépatique et rénale,
– séquestration dans la masse grasse,
– catabolisme majoré par les antiépileptiques et immunosuppresseurs,
– syndrome néphrotique.
Ainsi, 85 % des sujets âgés de plus de 65 ans présentent une hypovitaminose D, qui peut s’accompagner de manifestations cliniques osseuses (ostéomalacie, ostéoporose, risque fracturaire) et non osseuses (propension à chuter en particulier) (1). Au contraire, la supplémentation prévient ou améliore le pronostic de ces différentes manifestations à l’échelle collective, ce qui explique pourquoi les médecins s’intéressent de plus en plus au statut vitaminique D de leurs patients âgés.
DOSAGE
Le nombre de dosages de vitamine D a décuplé entre 2005 et 2011, atteignant 6 280 771 en 2011, dont la majorité réalisée en médecine générale (74 %). Ce dosage ayant un coût (22,14 euros en 2011 [B80], 11,07 euros [B40] en 2018), il est indispensable d’adopter une attitude raisonnée.
Quelle forme doser ?
Il existe plus de 40 métabolites de la vitamine D, mais la majorité a une demi-vie très courte. Du fait de sa demi-vie de l’ordre de 21 à 30 jours, de sa quantité mesurable (en nmol/L) et de son mode de régulation (par les apports naturels et la supplémentation), le dosage de la 25-hydroxyvitamine D (25 (OH) D) est indiqué pour déterminer le stock de vitamine D dans l’organisme (1). En revanche, le dosage de la 1,25 dihydroxyvitamine D (1,25 (OH) 2D : demi-vie courte 4-15 heures, mesurable seulement en pmol/L, régulation par les hormones du métabolisme phosphocalcique) est réservé au diagnostic étiologique des hypercalcémies à parathormone basse.
Il n’y a pas d’argument pour utiliser préférentiellement des échantillons de type sérum ou plasma.
Quelle méthode de dosage utiliser ?
En France, les méthodes immunologiques, au cours desquelles la 25 (OH) D entre en compétition avec un traceur marqué pour la reconnaissance par un anticorps anti-25 (OH) D, sont les plus fréquemment utilisées et présentent l’avantage de mesurer à la fois la D3 et la D2, donc de ne pas négliger les apports exogènes en D2 (alimentation et/ou supplémentation).
Les techniques séparatives à détection directe (HPLC et LC-MS/MS) restent plutôt réservées à la recherche et à la toxicologie en raison de leur technicité complexe et de leur coût. Elles différencient les mesures de D2 et de D3 ; il faut donc additionner les deux mesures pour déterminer les réserves de l’organisme.
Récemment, un matériau de référence proposé par le programme anglais DEQAS a permis de limiter les variabilités inter-techniques et surtout inter-laboratoires. Ainsi, la majorité des méthodes immunologiques présente une imprécision moyenne inférieure à 10 %, correspondant à l’imprécision maximale autorisée pour les laboratoires de routine. C’est pourquoi la Haute autorité de santé (HAS) considère que, s’il reste souhaitable d’utiliser une seule et même technique pour suivre l’évolution de la concentration de 25 (OH) D chez un même patient ou au sein d’un groupe, il n’est pas indispensable de réaliser les dosages dans un laboratoire unique.
Chez qui pratiquer le dosage de vitamine D ?
Il n’y a pas de consensus en France (tableau 1).
Le Groupe de recherche et d’information sur l’ostéoporose (GRIO) avait proposé en 2011 et 2012 de réaliser un dosage de 25 (OH) D chez les personnes à risque d’hypovitaminose D :
– exposition solaire nulle ou quasi nulle,
– chutes à répétition,
– ostéoporose avérée,
– maladies favorisant l’ostéoporose,
– médicaments inducteurs d’ostéoporose,
– pathologies chroniques sévères favorisant l’hypovitaminose D (hépatopathies, néphropathies, bronchopneumopathies chroniques obstructives, insuffisance cardiaque et/ou respiratoire, cancers, diabète, obésité, maladies auto-immunes).
Ces recommandations n’ont été que partiellement suivies par un groupe de travail de la HAS en 2013, qui a retenu cinq indications de dosage correspondant aux situations dans lesquelles il existe un bénéfice reconnu de la supplémentation :
– les personnes âgées sujettes aux chutes répétées,
– la suspicion d’ostéomalacie,
– les antécédents de chirurgie bariatrique,
– les transplantés rénaux au-delà de trois mois,
– le respect des RCP des médicaments (2).
Enfin, depuis 2014, de nombreux experts ont proposé de combiner ces différentes propositions et d’élargir le champ des indications de dosage. Toutefois, à l’heure actuelle, seules les prises de sang réalisées dans le cadre des cinq indications retenues par la HAS font l’objet d’un remboursement en France.
SUPPLÉMENTATION
Il n’est pas possible de raisonner pour les suppléments de vitamine D comme pour les médicaments classiques, d’une part parce que les premiers ne constituent pas l’unique source de vitamine D, d’autre part parce qu’il n’y a pas de relation dose-dépendante entre la posologie des suppléments et la concentration de 25 (OH) D (ce qui explique que les manifestations cliniques soient reliées à la concentration de 25 (OH) D et non à la posologie des suppléments). Ainsi, la supplémentation doit répondre aux règles de Heaney, c’est-à-dire doit viser un « statut souhaitable en vitamine D » en recourant à des « apports suffisants » (3).
« Statut souhaitable » : quels sont les objectifs de la supplémentation ?
Plusieurs valeurs souhaitables ont été proposées par différents groupes d’experts et sociétés savantes. Il existe un consensus sur le fait qu’une concentration ≤ 50 nmol/L (20 ng/mL) devrait être évitée chez tout le monde, et qu’une concentration ≤ 75nmol/L (30 ng/mL) devrait être évitée chez au moins certains groupes de patients.
C’est pourquoi l’US Institute of Medicine (IOM) recommande, à propos des apports nutritionnels, d’amener la majorité de la population générale au-dessus de 50 nmol/L (4). L’objectif recherché est avant tout un effet préventif en santé à l’échelle de la population en bonne santé.
En parallèle, la US Endocrine Society s’est, elle, intéressée aux groupes à haut risque : les sujets très âgés (≥ 85 ans), les malades, les fragiles, les dépendants, et les personnes en institution. Elle recommande pour ces sujets à haut risque une concentration > 75 nmol/L (30 ng/mL) (5), l'effet recherché étant alors « curatif », positif sur la santé. À noter toutefois que les données s’accumulent aujourd’hui pour proposer un seuil souhaitable autour de 75 nmol/L chez tous les adultes, y compris ceux en bonne santé. Un groupe de l’IOM y travaille.
Les apports naturels sont-ils suffisants ?
D’une part, les apports de l'alimentation ne peuvent être considérés comme suffisants, puisque même dans les pays proposant une politique ancienne d’enrichissement des aliments comme les USA ou le Canada, 70 % de la population adulte n’atteint pas les apports nutritionnels recommandés en vitamine D. D’autre part, concernant l’ensoleillement, il est important de comprendre que si les UVB sont intéressants entre avril et octobre aux latitudes françaises, leur intensité est en revanche très insuffisante voire nulle sur la période d’octobre à avril.
Ainsi, en population générale en bonne santé (objectif 50 nmol/L), les apports naturels reposant sur l’alimentation et l’ensoleillement estival sont probablement suffisants et il n’y a pas d’indication à supplémenter systématiquement en vitamine D, mais plutôt de façon ciblée en fonction du résultat des dosages indiqués par la HAS. En revanche, les apports naturels sont insuffisants dans les groupes à haut risque (objectif 75 nmol/L), qui devraient être systématiquement supplémentés en vitamine D, sans dosage préalable.
Faut-il privilégier la supplémentation en vitamine D2 ou D3 ?
Plusieurs essais randomisés ont comparé les effets de doses uniques de vitamine D2 ou D3 per os ou intramusculaires sur la concentration de 25 (OH) D chez le sujet âgé. Leurs résultats ont montré que la vitamine D3 per os permettait d’obtenir les concentrations de 25 (OH) D les plus élevées et le plus durablement (1), ce qui en fait la voie privilégiée pour les schémas de supplémentation discontinue en vitamine D.
Quelle posologie de vitamine D ?
Il faut distinguer une étape de correction (remonter la concentration sérique de 25 (OH) D au-dessus de 75 nmol/L) et une étape d’entretien (maintenir dans le temps la concentration au-dessus de 75 nmol/L) (3) (tableau 2).
Concernant l’étape de correction, la dose doit être ≥ 1500 UI/j (Académie nationale de médecine) et ne pas dépasser 4000 UI/j (apport maximal tolérable). En pratique, il existe un consensus en France pour proposer le schéma suivant : 1 ampoule (80 000 UI ou 100 000 UI) de vitamine D3 per os tous les mois pendant trois mois (soit 2667 UI/j ou 3333 UI/j) (6).
Cette étape de correction doit être immédiatement suivie d’une étape d’entretien au cours de laquelle les patients reçoivent en théorie entre 800 et 1500 UI/j biodisponibles. La vitamine D étant lipophile, le schéma doit donc tenir compte de l’indice de masse corporelle (IMC).
Le consensus en France est de proposer 1 ampoule (80 000 UI ou 100 000 UI) de vitamine D3 per os :
– tous les trois mois pour les sujets avec un IMC < 25 kg/m²,
– tous les deux mois en cas d’IMC entre 25 et 30 kg/m²,
– tous les mois pour les IMC > 30 kg /m² (6).
Ces schémas sont proposés à titre indicatif. À noter par ailleurs qu’exiger une prise des suppléments à jeun constitue une erreur classique, à éviter si possible. La vitamine D étant lipophile, elle est mieux absorbée avec les graisses.
Enfin, un dosage de 25 (OH) D est utile (mais pas forcément remboursé) après six à neuf mois d’entretien, juste avant le supplément suivant, pour connaître la concentration résiduelle de 25 (OH) D (objectif > 75 nmol/L) et renseigner sur l’observance du traitement mais aussi sur la périodicité utile. Il sera alors possible d’ajuster la fréquence et/ou la posologie des suppléments, puis de poursuivre ce nouveau schéma d’entretien à vie sans refaire de dosage, sauf en cas de manifestations d’intoxication à la vitamine D.
Existe-t-il un risque d’intoxication ?Les intoxications sont excessivement rares (moins de 1 pour 20 000, selon la Mayo Clinic) et correspondent à l’apparition d’une hypercalcémie avec de possibles manifestations cliniques (lithiase calcique et/ou néphrocalcinose). Les intoxications ne surviennent jamais pour des concentrations de 25 (OH) D < 375 nmol/L (150 ng/mL), ni pour des posologies de supplémentation < 4000 UI/j (100 µg/j), voire 10 000 UI/j (250 µg/j) (1).
à retenir
L’hypovitaminose D est un phénomène très fréquent chez le sujet âgé et s’accompagne de manifestations cliniques squelettiques et non squelettiques.
La supplémentation en vitamine D concerne d’emblée, sans dosage préalable, les groupes à haut risque : les sujets de plus de 85 ans, les malades, les fragiles, les dépendants, les personnes vivant en institution.
Dans les autres situations, le remboursement du dosage de 25-hydroxyvitamine D sérique est limité aux indications suivantes : personnes âgées sujettes aux chutes répétées, suspicion d’ostéomalacie, personnes avec antécédents de chirurgie bariatrique, transplantés rénaux au-delà de trois mois, et respect des RCP des médicaments.
Le schéma de supplémentation orale repose sur une étape de correction, suivie d’une étape d’entretien qui doit être poursuivie à vie.
Un dosage six à neuf mois après le début de l’étape d’entretien (non remboursé si en dehors du cadre défini par la HAS) est utile pour ajuster si nécessaire le schéma de supplémentation.
Bibliographie
1- Annweiler C, Souberbielle JC, Schott AM, de Decker L, Berrut G, Beauchet O. Vitamin D in the elderly: 5 points to remember. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2011 ; 9 : 259-267.
2- Haute autorité de santé. Utilité clinique du dosage de la vitamine D. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1356838/fr/utilite-clinique-du-d… (accès au site le 05 octobre 2018).
3- Heaney RP. Guidelines for optimizing design and analysis of clinical studies of nutrient effects. Nutr Rev 2014 ; 72 : 48-54.
4- Institute of Medicine (US) Committee to Review Dietary Reference Intakes for Vitamin D and Calcium; Ross AC, Taylor CL, et al. : Dietary Reference Intakes for Calcium and Vitamin D. Washington, DC: National Academies Press, Institute of Medicine ; 2011.
5- Holick MF, Binkley NC, Bischoff-Ferrari HA et al. Evaluation, treatment and prevention of vitamin D deficiency: an Endocrine Society clinical practice guideline. J Clin Endocrinol Metab 2011 ; 96 : 1911-1930.
6- Annweiler C, Legrand E, Souberbielle JC. Vitamin D in adults: update on testing and supplementation. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2018 ; 16 : 7-22.
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