En révélant ce mercredi, lors du salon Santexpo, les résultats mitigés de l'activité d'hospitalisation à domicile, la Dr Élisabeth Hubert, présidente de la fédération nationale de ce secteur (Fnehad) a tenu à faire passer un message très politique au ministre de la Santé. « On parle beaucoup de l'hôpital, on commence à parler de l'ambulatoire mais nous avons aussi toute notre place, notamment dans l'évitement des urgences et de l'hospitalisation conventionnelle ! a expliqué une nouvelle fois la Dr Hubert. Je réclame une impulsion politique car l'évitement de l'hébergement hospitalier n'est pas encore, hélas, un réflexe naturel. Cette activité a besoin d'être promue, soutenue. Je ne suis pas parano mais c'est un problème d'incarnation d'un univers, c'est dommage… ». La veille, François Braun, dans son long discours inaugural, n'avait mentionné l'hospitalisation à domicile que de façon marginale. Or, l'HAD, explique sa présidente, ne veut plus se contenter d'un rôle « accessoire » ou de « supplétif » en cas de crise.
De fait, ce secteur, bien implanté dans les régions, estime être capable de montrer sa capacité d'accélération. Lors du précédent bilan d'activité arrêté à l'automne 2022, l'HAD affichait une inquiétante régression d'activité en journées. Finalement, novembre et décembre ont marqué un rebond spectaculaire (+10 %), lui permettant de finir l'exercice 2022 en légère croissance en journées (+0,5 %) et en nombre de patients (+1 %). « Nous avons été capables de réagir et de nous adapter et pourtant nous subissons comme tout le monde des problèmes de personnel… », explique l'ancienne ministre de la Santé du premier gouvernement Juppé.
Soins palliatifs : un rôle majeur à jouer
Dans ce contexte, la présidente de la Fnehad entend pousser plusieurs dossiers, en commençant par celui des soins palliatifs. De fait, plus de 75 000 séjours en soins palliatifs ont été réalisés en 2022 dans le cadre de l'hospitalisation à domicile, soit plus de 30 % des 230 000 séjours hospitaliers totaux en soins palliatifs. « Je ne supporte plus qu'on dise qu'une vingtaine de départements n'ont aucune offre de soins palliatifs, avance l'ancienne généraliste. Cela donne un mauvais signal, c'est ignorer que l'HAD offre cette possibilité dans ces départements – la Creuse, la Haute-Marne, le Cantal ou la Lozère. Vous avez des HAD qui font le job ! » Point positif, la circulaire à venir sur les soins palliatifs a été préparée en concertation avec la Fnehad, gage d'un ancrage plus solide. Une HAD peut, par exemple, être équipe mobile de soins palliatifs.
Sur le plan tarifaire, la présidente de la Fnehad salue la compensation par l'exécutif des charges exceptionnelles « à ce jour » pour les établissements d'HAD (inflation, hausses de salaires). Reste à savoir si cette compensation sera à la hauteur pour l'ensemble de l'année 2023, ce qui reste une « forte incertitude » avec une inflation autour de 6 %. Elle s'inquiète aussi que, pour les personnels soignants, la valorisation de la pénibilité (astreintes, travail de nuit) soit réservée pour l'instant au seul hôpital public. Et dénonce au passage le « tour de passe-passe » comptable qui a privé l'an dernier le secteur du déblocage complet de la réserve prudentielle (soit 4 millions d'euros de manque à gagner pour l'HAD).
T2A, médicament : vigilance de mise
Quant à la réforme programmée de la tarification à l'activité (T2A), c'est un dossier qui concerne au premier chef l'HAD (financée à 96 % par ce biais). La Fnehad défend toujours une tarification qui valorise comme aujourd'hui la « charge en soins » (selon des séquences). Elle est néanmoins favorable au développement de financements à la qualité, sur des objectifs de santé publique spécifiques ou encore à des dotations liées à des critères territoriaux (en zone sous-dotée par exemple).
Autre point de vigilance : le poids du médicament dans les comptes. Certes, l'enveloppe financière de certains produits coûteux spécifiques à l'HAD a été augmentée mais, dans le même temps, le gouvernement a sorti de la « liste en sus » (qui finance l'innovation) des anticancéreux d'usage courant, ce qui alourdit la charge budgétaire. « On est dans un déséquilibre », insiste Élisabeth Hubert. D'où la demande de la Fnehad d'un exercice de transparence financière sur la soutenabilité du prix du médicament (dans le prix moyen de journée).
Sur le plan macroéconomique, comme la FHF, la Fnehad appelle de ses vœux une « loi de programmation pluriannuelle », gage de visibilité, à l'instar de ce qui se fait dans le champ militaire ou agricole.
Prescripteurs, toujours des réticences ?
Enfin, si le travail partenarial doit s'intensifier avec les hôpitaux et la médecine de ville dans chaque territoire, il convient aussi de lever certaines « réticences » qui perdurent du côté des prescripteurs. « C'est encore le cas, regrette Élisabeth Hubert. Il existe toujours des freins au sein du corps médical, une réticence au lâcher prise ». Mais la présidente de la Fnehad balaie aussi devant sa porte : « l'HAD doit être plus réactive face aux demandes de l'hôpital, de la clinique ou du médecin généraliste. Nous devons faire des efforts pour trouver des solutions adaptées et aussi assurer le retour d'informations. »
Élisabeth Hubert invite de leur côté les prescripteurs à mieux « anticiper » en intégrant dès la consultation l'hospitalisation à domicile directement dans les parcours de soins (par exemple pour certains patients opérés, permettant de réduire les durées d'hospitalisation). « Si nous arrivons à faire ces efforts les uns et les autres, nous ferons un malheur et nous doublerons en quelques années l'activité de l'hospitalisation à domicile ! » Un autre message à qui veut l'entendre pour sortir de la vision hexagonale toujours « hospitalocentrée ».
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