« C'était un raz-de-marée » : parti en renfort à Mulhouse avec une équipe de soignants, un anesthésiste-réanimateur de Cagnes-sur-Mer raconte

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Publié le 21/05/2020

Crédit photo : DR

Le Dr Dominique Petit, 62 ans, est anesthésiste-réanimateur dans une clinique du sud de la France à Cagnes-sur-Mer. À partir de la mi-avril, il a organisé et coordonné l'envoi de soignants en soutien à ses confrères de l'hôpital de Mulhouse, durement frappé par l'épidémie. Après un mois sur place, il raconte le défi immense de gérer un tel « raz-de-marée » de patients, n'épargne pas les ARS, s'inquiète de la fatigue des personnels et appelle à maintenir ce dispositif de soutien local malgré le relâchement de la pression épidémique.

LE QUOTIDIEN : Comment est née l'idée d'aller prêter main-forte aux soignants de l'hôpital de Mulhouse ?

Dr DOMINIQUE PETIT : Nous avons pris cette initiative avec ma femme. Au sein de la polyclinique Saint Jean de Cagnes-sur-Mer, où nous travaillons, nous avions monté une réa "non-Covid" pour délester les hôpitaux alentour et sept lits de réa Covid. Mais quand nous avons vu que la vague n'arriverait pas jusqu'en région PACA, nous avons voulu aider ailleurs !

En tant qu'ancien médecin militaire, j'ai contacté un de mes camarades qui commandait l'élément militaire de réanimation de Mulhouse. Il m'a dit qu'à l'hôpital il y avait de gros besoins. Je me suis alors organisé avec le chef du pôle de réanimation sur place qui venait de créer un service de réveil post-réa Covid. Dans ces douze lits, il s'agissait de sevrer les patients de la ventilation assistée, de les réhabiliter en matière de déglutition et de nutrition, de faire de la kiné pour ceux atteints de neuropathies et en même temps de gérer tous les problèmes courants : thromboses, surinfections… C'était plus une réanimation "bis" qu'un service de réveil. Il y avait besoin d'une vraie équipe.

Combien de soignants se sont portés volontaires ?

Nous sommes arrivés le 11 avril à 20 soignants dont 4 médecins, 4 IADE, 8 infirmiers et 4 aides-soignants. Ma femme a organisé la venue d'une autre équipe de 28 personnes quinze jours après. Finalement, 11 soignants de la première équipe ont prolongé leur séjour de deux semaines. Sur ce nombre, 25 ont rempli le service de réveil que j'ai dirigé, les autres ont été répartis entre les réas médicales et chirurgicales et les soins continus de l'hôpital.

Quand j'ai quitté Mulhouse le 12 mai, 20 personnes étaient encore là. Au départ, la plupart des volontaires étaient originaires de la région PACA mais au final des personnels de toute la France sont venus nous prêter main-forte. Bordeaux, Toulouse, Bourg-en-Bresse, Bayonne, Monaco… C'était un vrai patchwork !

Comment avez-vous fait pour trouver tous ces soignants ?

La plupart des volontaires s'étaient mis en lien avec leurs ARS [agences régionales de santé, NDLR]. Mais pour coordonner leur venue, nous n'avons pu compter que sur nous car les ARS ne sont pas efficaces du tout. Certains médecins attendaient depuis plusieurs semaines d'être affectés ! Les ARS rendaient tout compliqué et ralentissaient les procédures.

Le plus simple était donc de nous organiser nous-même directement avec l'hôpital de Mulhouse. Nous avons aussi lancé des appels auprès des Ordres professionnels. J'ai par ailleurs contacté beaucoup de cliniques en région PACA. Au final, tout cela a pu être possible grâce à notre réseau à nous. Parfois, on se demande vraiment à quoi servent les ARS. Seule celle du Grand Est nous a aidés en nous trouvant des avions pour monter à Mulhouse et redescendre.

Un mois après votre arrivée, quelle était la situation sur place ?

Quand on est arrivé à Mulhouse, l'hôpital faisait face aux conséquences d'un raz-de-marée. Dans leurs murs, pas moins de 550 patients Covid étaient hospitalisés. Un jour, ils en ont intubé 29 dans la même journée. En réa, la jauge est montée jusqu'à 193 patients avec une capacité habituelle de 35 lits ! 212 personnes ont été évacuées vers d'autres établissements en France ou à l'étranger. Un soignant sur sept est tombé malade...

Quand on est parti, il y avait encore 200 malades Covid hospitalisés et 45 en réa. Une douzaine de patients transférés étaient en attente de leur retour. La durée moyenne de séjour dans notre service de réveil post-réa est de douze jours environ.

Il y en a encore pour trois mois de travail rien que pour éponger les conséquences du premier raz-de-marée. Je ne sais pas comment ils vont faire si une deuxième vague arrive. D'autant que les personnels sont fatigués, je ne sais pas s'ils vont pouvoir partir en vacances. Si personne ne se mobilise pour faire durer l'aide, ils vont être en grande difficulté.

Appel à volontaires

Le groupement hospitalier régional Mulhouse-Sud-Alsace (GHRMSA) cherche toujours des volontaires. Médecins anesthésistes-réanimateurs, infirmières anesthésistes (IADE), aides-soignantes, kinésithérapeutes peuvent se porter volontaires auprès de Caroline Belot (DRH) : caroline.belot@ghrmsa.fr. Mission de 15 jours minimum sur les trois mois à venir au sein de l'unité de réveil post-réanimation Covid-19. Les soignants volontaires sont nourris, logés et rémunérés. 


Source : lequotidiendumedecin.fr