Pr Yves Ville (Necker, AP-HP)

« Regrouper les moyens et fermer les micro-maternités  »

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Publié le 10/03/2023
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Chef du service d'obstétrique de l'hôpital Necker à Paris (AP-HP), le Pr Yves Ville, a présenté à l'Académie de médecine un rapport sur la « planification d'une politique en matière de périnalité en France » remis au ministère de la Santé.

Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Pourquoi l'Académie de médecine a-t-elle décidé de s'intéresser à la question de la fermeture des petites maternités ?

PR YVES VILLE. La crise de la périnatalité que nous traversons est une crise sanitaire, sans virus, mais qui n'est pas nouvelle et dont l'acutisation, en particulier chaque été, est toujours plus spectaculaire et douloureuse. Les fermetures de maternités font la une des journaux régionaux et les élus locaux s'en mêlent mais il n'y a jamais d'actions coordonnées. Ce n'est pas forcément le nombre d'accouchements réalisés qui est, en soi, un critère de fragilité. Selon le collège de gynécologie-obstétrique, une maternité en situation de tension sévère est une maternité qui ferme de façon séquentielle, qui recourt à l'intérim de façon extensive et qui dispose de moins de sept postes équivalent temps plein pour faire des gardes. Et quand on regarde ces critères, on se rend compte que cela touche 75 % des maternités de type I réalisant moins de 1 000 naissances par an et 100 % de celles à moins de 500.

Où sont-elles situées ?

Elles sont localisées essentiellement dans la fameuse diagonale du vide géographique. Mais dans cette même zone, on trouve également 54 maternités de type II qui ont des capacités de réanimation néonatale mais qui se retrouvent également fragilisées car elles font aussi moins de 1 000 accouchements par an. Or, ce sont elles qu'il faut absolument sauver en regroupant les moyens et en fermant les micro-maternités qui vont, de toute façon, finir par lâcher prise. Si on laisse faire, il y aura des femmes qui n'auront, du jour au lendemain, plus aucune solution.

Depuis le dernier décret de périnatalité de 2007, 40 % des maternités ont fermé et la majorité d'entre elles étaient des maternités de type I avec moins 1 000 accouchements. Encore 3 % ont fermé au cours des quatre dernières années. La première raison de la baisse du nombre d'accouchements dans ces maternités est, quoi qu'on en dise, le choix des femmes qui à 80 % préfèrent les établissements de niveau II et III, c'est-à-dire font le choix de la sécurité. C'est aussi lié au fait que la fécondité se déplace vers des femmes plus âgées et qui vivent dans des grandes agglomérations. Une petite maternité à 500 accouchements sans pédiatre ni obstétricien ni anesthésiste ne permet pas la sécurité.

L'éloignement des maternités n'est-il pas un facteur de risque ?

Le temps de trajet du domicile à la maternité ne doit pas être un totem. Que se passerait-il si on appliquait la recommandation du regroupement des petites maternités ? La part de la population générale habitant à plus d'heure d'une maternité passerait de 0,3 à 0,9 %. Ce temps de trajet est calculé pour le véhicule familial. Or si le travail commence inopinément, la femme enceinte doit pouvoir aussi recourir au Samu d'autant que les sages-femmes sont assez volontaires pour y exercer. Cela réduit mécaniquement le temps de trajet et permet d'assurer la continuité des soins.

Par ailleurs, l'obstétrique moderne c'est l'anticipation, le dépistage et la prévention. Si on met tous les outils (échographie du col, dépistage de la prééclampsie..) au plus près des domiciles des femmes, elles seront bien suivies, on anticipera les problèmes et elles pourront accoucher à bon port.  

Propos recueillis par Véronique Hunsinger

Source : Le Quotidien du médecin