Encadrement de l'intérim médical : un calendrier flou et une future prime de solidarité territoriale qui ne convainc pas

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Publié le 03/12/2021
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Crédit photo : S.Toubon

Nouvel épisode dans le feuilleton du plafonnement strict de la rémunération des intérimaires. Après le rétropédalage d’Olivier Véran, qui a décidé fin octobre de reporter le calendrier de mise en œuvre de la loi Rist, après les réactions de syndicats hospitaliers réclamant de « réelles mesures d'attractivité et de fidélisation » pour les PH, le gouvernement a balisé dans une instruction la phase intermédiaire pour préparer le cadrage de l'intérim médical.

Côté calendrier, le flou demeure toutefois puisque le gouvernement entend mettre en œuvre les nouvelles règles d'encadrement strict de l'intérim médical « dès que possible en 2022 ». En attendant, le délai supplémentaire « doit permettre de préparer les équipes de soins dans les territoires » et d’engager de manière concomitante des mesures d’accompagnement sur les ressources humaines. 

Phase de concertation

Pour rappel, les nouvelles mesures de lutte contre les dérives de l’intérim médical consisteront, à terme, à « renforcer le contrôle du comptable public » (qui exercera un contrôle de légalité sur les prestations d’intérim médical et les contrats de travail de gré à gré et procédera au rejet du paiement des rémunérations qui excèdent les plafonds réglementaires). Ce plafond concernant la mise à disposition d’un praticien par une entreprise de travail temporaire auprès d’un hôpital étant fixé à 1170 euros brut pour une mission de 24 heures.

Dans cette phase intermédiaire, le ministère entend « finaliser le diagnostic » de la situation au niveau des territoires et des établissements (volume de l’intérim au sein des hôpitaux, lignes de garde menacées, etc.), engager des concertations avec les acteurs de l’offre de soins et les élus, dialoguer avec les professionnels concernés concernant l’évolution des tarifs pratiqués ou encore mettre en œuvre des dispositifs de solidarité territoriale. Les ARS identifieront les établissements méritant un diagnostic approfondi et mettront en place une cellule de suivi particulier des situations à risques.

La prime de solidarité territoriale, solution qui fâche

Le ministère aborde aussi la nouvelle prime de solidarité territoriale (PST), censée « favoriser, sur la base du volontariat, les remplacements de praticiens entre établissements publics de santé », précise le ministère.

Cette prime doit valoriser « l’exercice d’une activité partagée entre plusieurs établissements publics de santé », après l'accomplissement des obligations de service du praticien. Ce dispositif devra donc être promu en priorité auprès des professionnels mobilisables dans les établissements « mis en difficulté ponctuellement ou durablement ». Et le ministère d’ajouter que certains médecins réalisent aujourd'hui des missions d’intérim « en dehors de leur temps de travail et souvent hors cadre réglementaire ». C’est à ces médecins que la PST « doit être proposée de manière prioritaire ». En clair, ce système territorial doit inciter les praticiens en poste à faire de l'intérim dans d'autres hôpitaux voisins, sur une base volontaire.

La PST est valorisée « 293,25 euros » pour une demi-journée de jour du lundi au vendredi ou le samedi matin et « 427,25 euros » pour une demi-journée de nuit ou pour une demi-journée de jour le samedi après-midi, les dimanches et jours fériés. Le directeur général de l’ARS pourra fixer une modulation du montant de la prime dans la limite de 20 % des montants prévus, « par établissement et par spécialité ».

Pousse-au-crime ?

Reste que les principales organisations de PH se montrent hostiles à ce dispositif. Début octobre, Action praticiens hôpital (APH) estimait déjà que « remplacer un intérimaire par un praticien épuisé qui travaillera au-delà de ses obligations de service » est « dangereux pour le praticien et encore plus pour le patient ».

Contactée par « Le Quotidien », la Dr Anne Geffroy-Wernet, présidente du SNPHARe, juge ce système territorial « délirant sur le plan de la santé ». En temps normal, les PH ont déjà des obligations de service de 10 demi-journées, pour un maximum 48 heures par semaine. Mais « le temps de travail effectif n’est pas compté, donc on fait plutôt 55 heures en moyenne », estime l’anesthésiste du CH de Perpignan. Qui ira faire des remplacements ailleurs ? Et de rappeler qu'à ces cadences de travail, « on ne soigne pas bien les patients », ce dispositif de PST serait donc « un pousse-au-crime ».

La mise en œuvre de la PST risque d’être difficile. La plupart des hôpitaux étant eux-mêmes confrontés à une pénurie de médecins, « quand il faudra aller aider quelque part, on fera moins de temps additionnel dans son établissement », selon la présidente du SNPHAR-e qui pense que cela reviendrait à « déshabiller Pierre pour habiller Paul »« Cela revient à faire de l’intérim avec les PH, au lieu de faire de l’intérim avec des intérimaires », ajoute la Dr Anne Geffroy-Wernet, qui aurait préféré que le ministère s’attaque au vrai problème de l'attractivité des carrières, des horaires et de la permanence des soins. « Est-ce que c’est normal de travailler 60 à 65 heures par semaine jusqu’à 67 à 68 ans ? De travailler la nuit ? On prend des risques énormes pour les patients. Je croise régulièrement des professionnels n’en peuvent plus… »


Source : lequotidiendumedecin.fr