Erreur du logiciel de paye au CHU de Toulouse : rattrapé par le fisc, un chirurgien exprime son désarroi et sa colère

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Publié le 31/08/2022
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Crédit photo : S.Toubon

La nouvelle avait fait l’effet d’une douche froide pour les 596 médecins hospitaliers concernés par une erreur de paramétrage du logiciel de paye au CHU de Toulouse.

Fin juillet, ils ont reçu un courrier en recommandé de la part du Mipih, le prestataire externe en charge de la gestion de la paie de l’établissement. Celui-ci demandait aux médecins (des PH, contractuels, assistants des hôpitaux, praticiens attachés) de régulariser leur situation auprès des impôts* et de l’Urssaf. La cause ? Une erreur portant sur la saisie des heures en déplacement des astreintes effectuées depuis trois ans ayant impacté le revenu net imposable et les cotisations CSG. 

Prélèvements erronés

Diffusé lors d’un webinaire destiné à informer les médecins concernés, organisé le 30 août par le CHU et le Mipih, le document explicatif consulté par « Le Quotidien » précise qu’il s’agit d’une « erreur de paramétrage du code paie 61E utilisé pour la saisie des heures réalisées en déplacement sur astreinte converties en temps de travail additionnel ».

En clair, les heures de déplacement en astreintes ont bien été comptabilisées et les praticiens ont perçu les rémunérations auxquelles ils avaient droit. Mais les prélèvements de l’Urssaf (CSG) et des impôts sont « erronés », précise le document. Le revenu net imposable déclaré sur les exercices 2020 et 2021 est « incorrect », ainsi que les cotisations CSG supportées par les praticiens sur ces exercices. De surcroît, le CHU n’exclut pas que le revenu net imposable sur l’exercice 2019 ait été « indûment majoré », tout comme « certaines cotisations salariales ».

Un accompagnement insuffisant ?

Contactés par « Le Quotidien », le CHU de Toulouse et le Mipih affichent leur volonté de « transparence ». Un accompagnement individualisé a été mis en place pour que les médecins se soient pas « mis en difficulté ». Deux réunions d’informations se sont déroulées, tandis que des solutions d’échelonnement sont proposées pour la régularisation de la CSG (étalement du remboursement sur 24 mois à partir de janvier prochain). En ce qui concerne les impôts, le Mipih propose l’accompagnement d’un cabinet d’avocats fiscalistes.

Mais ce soutien est jugé insuffisant par certains PH. Le Dr Costel Apredoaei, chirurgien orthopédiste, doit rembourser au total la somme de 23 000 euros pour les trois dernières années. À la retraite depuis peu, le chirurgien a contacté le Mipih qui se serait contenté de l’inviter à « contacter les impôts ». Pire : après un premier recommandé reçu le 23 juillet, il en a reçu un deuxième le 24 août, évoquant de « nouveaux éléments de régularisation des revenus imposables ». En clair, les montants à régulariser qui figuraient dans le premier courrier n’étaient pas les bons puisqu’ils ont été entretemps revus à la baisse…

« Couteau sous la gorge » 

Le deuxième recommandé évoque maintenant des « actions de contrôle sur l’exercice 2019 ». Cela signifie que le prestataire s’est « peut-être aussi trompé en 2019. Jusqu’à quand va-t-il revenir ? 2010 ? », enrage le médecin qui rappelle que cet opérateur externe s’est déjà « trompé deux fois ». Il est donc « en train de perdre confiance ».

Le chirurgien a essayé de joindre par téléphone le CHU de Toulouse, sans succès, assure-t-il. L'établissement lui a pourtant demandé par courrier de régulariser sa situation auprès de l’Urssaf. « Le CHU me met le couteau sous la gorge en me demandant de payer 4 500 euros en janvier prochain ou 190 euros par mois durant deux ans ». Pour le reste des montants à rembourser, il est sommé de prendre contact avec les impôts…

Externalisation et perte d'attractivité

Le Dr Apredoaei ne comprend pas, surtout, pourquoi le CHU « ne s’implique pas plus » pour réparer son erreur. Et il s'apprête à contacter son assurance médicale pour essayer de trouver une solution, expliquant qu’il n’a pas les moyens de régler l’intégralité de la facture, car il gagne désormais « 2 500 euros net par mois ». Et d’ajouter : « Tant que ce n’est pas réglé, je ne payerai pas ». Le médecin fait valoir qu’il n’a « pas fraudé », que l’hôpital doit aussi « assumer ses erreurs » et que lui, praticien hospitalier, a « travaillé pour le CHU, pas pour une entreprise extérieure ».

De son côté, le Dr Pierre Rumeau, gériatre au CHU de Toulouse et président du Syndicat national des praticiens hospitaliers (SyNPH), met en cause directement cette externalisation de la gestion des salaires. D’autant que « les directeurs sont aussi fortement incités, par des objectifs chiffrés d’économies sur la masse salariale, à externaliser d'autres fonctions : gestion des payes, interprétation des scanners des urgences, nettoyage des services, etc. » Selon le médecin, quand un hôpital devient aussi « externalisé », il risque, à terme, de « perdre sa réserve de personnels et de compétences » car « les jeunes médecins risquent de fuir. »

* Le CHU de Toulouse ne peut communiquer les montants dus qui relèvent de données personnelles et confidentielles. Cela va de quelques euros à plusieurs milliers euros en fonction du nombre de déplacements par astreintes réalisés et payés par le CHU.


Source : lequotidiendumedecin.fr