Carrières, pénibilité à l'hôpital : après la suspension des négociations, les syndicats de PH perdent patience et en appellent à Matignon

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Publié le 19/05/2023
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Crédit photo : Phanie

La patience des syndicats de praticiens hospitaliers commence à être à bout. Aucun d'entre eux n'a digéré la suspension des négociations sur les carrières par la direction générale de l'offre de soins (DGOS) qui auraient dû se tenir en début de semaine. Fait rare, un courrier commun de l'ensemble des intersyndicats représentatifs du Conseil supérieur des personnels médicaux (CSPM) a été envoyé à la Première ministre pour réagir à cette annulation de dernière minute – les syndicats avaient été prévenus le vendredi soir – par l'administration « faute de mandat ».

Le Ségur de la santé impuissant  

Et pour mettre un coup de pression supplémentaire, Action praticiens hôpital (APH) a commencé à dévoiler les résultats préliminaires de son enquête en ligne « To be or not to be PH » lancé le 3 avril et qui a déjà recueilli plus de 5 000 réponses. Les premiers résultats sont sans appel : 92 % des médecins interrogés estiment que les accords du Ségur de juillet 2020 n'ont amélioré « ni leurs conditions d'exercice, ni l'attractivité de la carrière ».

L'unanimité constatée dans les réponses aux différentes questions conforte l'intersyndicat dans ses revendications. Dans le détail, côté carrières, 94 % des praticiens (concernés ou non par la mesure) estiment que le décalage de quatre ans d’ancienneté entre PH nommés avant et après le 1er octobre 2020 est « une injustice à corriger ». Ils sont aussi 90 % à rejeter le décompte du temps de travail en demi-journées qui ne prend pas en compte la réalité du nombre d’heures de travail. Enfin, 88 % des PH « dénoncent le mode de désignation actuel des responsables de pôle et de service ».

En attendant la présentation des résultats complets, APH met en garde. « L’exécutif doit rapidement se ressaisir s’il veut respecter, les engagements du président de la République pour restaurer un hôpital public apte à remplir ses missions », en référence aux vœux aux soignants d'Emmanuel Macron en janvier.

Blocage de Bercy

Mais selon l'analyse d'APH, le blocage des négociations viendrait de Bercy. Les pourparlers engagés depuis plusieurs semaines portaient sur les rémunérations, la permanence des soins, les conditions d'exercice ou encore la gouvernance, avec forcément un impact budgétaire sur les comptes de la Sécurité sociale. « Nous pensons avoir convaincu la DGOS [direction du ministère de la Santé] sur la nécessité de valoriser et reconnaître l’investissement des praticiens hospitaliers universitaires ou non, leur engagement et leur fidélité, explique l'intersyndicat. Cela n’a visiblement pas suffi à emmener l’ensemble des autres ministères en charge du budget de la Sécurité sociale et de l’Ondam hospitalier ». 

Ce statu quo risque de détourner les médecins de l'hôpital public, redoute aussi APH. D'autant que les cliniques (et parfois le privé non lucratif) proposeraient « pour contourner les nouvelles règles de l'intérim », mises en place depuis le 3 avril, « de juteux contrats de praticiens contractuels, bien plus intéressants que le statut de praticien hospitalier ».

Clés de la bourse  

Le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes‑réanimateurs élargi (Snphare) enfonce le clou et accuse également Bercy de freiner. « Comment ceux qui ont les clés de la bourse peuvent-ils ignorer le travail constructif et nécessaire réalisé entre les représentants des praticiens hospitaliers et la DGOS d’une part, et les injonctions présidentielles à trouver des solutions avant l’été d'autre part ? » écrit ce syndicat (composante d'APH).

L'annulation des séances de négociation prévues lundi et mardi dernier marque « une absence évidente de toute volonté politique d’améliorer l’exercice médical à l’hôpital et tend à transformer l’hôpital public en un vaste désert médical, se désole aussi l'INPH. C’est acté, délibéré. Ce ne sera pas toléré ». L'organisation présidée par la Dr Rachel Bocher s'inquiète au passage des annonces de François Braun de remettre sur le métier le décret de compétences des infirmières. « Pour quoi faire si ce n’est que pour créer une nouvelle profession médicale intermédiaire afin de palier la défaillance de l’État à former suffisamment de médecins pour prendre en charge la santé de nos concitoyens ».

Courrier à Matignon

Dans leur courrier commun à Élisabeth Borne, les organisations de PH réitèrent leurs quatre revendications laissées en friche depuis le Ségur de juillet 2020 : revalorisation de la permanence de soins, revalorisation des carrières passant par l'octroi de quatre années d'ancienneté pour tous, amélioration de la retraite des hospitalo-universitaires et amélioration des conditions de travail. Les syndicats du secteur s'adressent aujourd'hui à Matignon pour la seconde fois. Ils avaient déjà adressé une demande de rendez-vous à la Première ministre à la fin mars.

Il n'y a pas que les PH qui s'impatientent. La Fédération hospitalière de France (FHF) qui organise Santexpo – son grand salon annuel – la semaine prochaine à Paris, réclame régulièrement la revalorisation des gardes et des astreintes. Son président Arnaud Robinet devrait le rappeler à François Braun, lors de l'inauguration de l'événement mardi prochain. En janvier, lors de ses vœux aux soignants à l'hôpital de Corbeil-Essonnes, Emmanuel Macron avait promis des avancées concrètes pour juin.


Source : lequotidiendumedecin.fr