Face au Covid, le tour de vis de Véran : à Marseille, la mairie dénonce un « affront », à Paris, l'AP-HP prête à déprogrammer

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Publié le 24/09/2020
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Crédit photo : S.Toubon

Il n'y a pas que sur les terrains de football que Paris et Marseille s'opposent. Au lendemain des annonces par Olivier Véran du durcissement des règles et mesures sanitaires et alors que la barre des 1 000 patients en réanimation a été franchie ce jeudi, les deux plus grandes villes de France ont réagi, chacune dans leur registre.

Lors d'une conférence de presse organisée en urgence à la mi-journée, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a annoncé avoir prévu des déprogrammations d'opérations chirurgicales « à compter de ce week-end ». C'est la conséquence d'une reprise de l'épidémie en Île-de-France qui alerte les autorités sanitaires.

132 patients en réa à l'AP-HP

« Nous sommes proches de la saturation », souligne le Pr Rémi Salomon, président de la commission médicale d'établissement (CME) de l'AP-HP. Les chiffres sont inquiétants. Le nombre de patients Covid hospitalisés dans les établissements du CHU francilien est passé de 150 au début du mois à 330 le 23 septembre. « Nous en attendons 600 à la fin du mois », estime François Crémieux, directeur général adjoint. Parmi eux, 132 sont actuellement en réanimation contre 50 il y a trois semaines. « Il devrait y en avoir 200 d'ici octobre », prédit le responsable. 

Les capacités de réanimation de l'AP-HP sont aujourd'hui déjà occupées à 25 % par des patients Covid (et nombre d'entre eux sont ventilés). « Les déprogrammations qu'on souhaitait à tout prix éviter sont désormais nécessaires », a assumé François Crémieux. « Nous passons au palier 2 qui consiste à déprogrammer jusqu'à 20 % de notre activité traditionnelle pour prendre en charge correctement les patients Covid », explique-t-il. Le palier 3 impliquerait 50 % de déprogrammations.

« La progression du virus est lente mais inexorable et tout aussi inquiétante qu'en mars », résume le Pr Bruno Riou, renommé directeur médical de crise le 10 septembre. Avec le Pr Xavier Lescure, infectiologue à l'hôpital Bichat, le médecin se félicite des mesures annoncées par Olivier Véran, en particulier concernant les fermetures des bars et restaurants après 22 heures dans la capitale. « Nous sommes tous des asymptomatiques en puissance, il faut rester très vigilant », a déclaré ce dernier.

Punition

À l’inverse, à Marseille, les annonces d'un durcissement ont du mal à passer, au point de provoquer une polémique politique.

Dans la cité phocéenne, bars et restaurants sont contraints de fermer complètement à partir du samedi 26 septembre et pour au moins quinze jours. « Rien dans la situation sanitaire ne justifie cette annonce », a aussitôt tweeté la nouvelle maire de la ville, Michèle Rubirola, elle-même médecin généraliste. Son premier adjoint, Benoît Payan, a dénoncé « un affront » et des « restrictions incroyables ». Il réclame un délai de 10 jours avant l'application de nouvelles mesures pour faire un point sur l'évolution de l'épidémie. Le président LR de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) Renaud Muselier, lui aussi médecin, a assimilé ces annonces à une « punition collective »

Interrogé ce jeudi par les sénateurs de la commission Covid, Olivier Véran a assumé sa décision : « Si nous prenons des mesures importantes à Marseille et en région PACA, c'est parce que ça va très vite. nous sommes à plus de 30 % de saturation des lits de réa de patients Covid. »

Véran droit dans ses bottes

Le ministre de la Santé a opposé « l'ensemble des maires » qui ont fait preuve selon lui de réceptivité aux mesures – et avec qui il n'a « pas eu de difficultés » – et « la situation marseillaise ». « J'ai eu la maire de Marseille plusieurs fois au téléphone cet été […] et je l'ai sensibilisée au mois d'août, lui disant que les indicateurs à Marseille devenaient mauvais ». Sur place le 27 août, le ministre dit avoir indiqué aux élus de la ville que la prise « de mesures plus fortes plus tard » était « à craindre » si l'épidémie n'était pas enrayée par des « mesures de gestion ».

« Par la suite, les élus marseillais ont considéré que consulter n'était pas concerter. Sans doute. Mais concerter ne veut pas dire forcément tomber d'accord. Et le principe de responsabilité doit primer […] lorsqu'il faut protéger la vie des gens, pour éviter que les gens meurent. » « Je l'assume, et je l'assumerai à chaque fois que ce sera nécessaire », a-t-il lancé, passablement énervé. 

N'ayant « aucun regret » d'avoir anticipé la première vague en déclenchant le plan blanc généralisé à l'échelle du pays, entraînant des déprogrammations de masse dans les blocs opératoires, Olivier Véran assume aujourd'hui de « ne pas annuler toutes les chirurgies programmées », car « beaucoup de malades ont reporté leurs opérations » (prothèses, greffe). « Nous travaillons aujourd'hui à partir d'indicateurs plus fins pour annuler le moins d'opérations possible », a-t-il précisé. 


Source : lequotidiendumedecin.fr