Entretien avec le nouveau président de la FHF

Frédéric Valletoux : « L’hôpital n’est pas isolé dans sa bulle »

Publié le 11/10/2011
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Crédit photo : S TOUBON

LE QUOTIDIEN - Les médecins vous connaissent peu. Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à l’hôpital ?

FRÉDÉRIC VALLETOUX - Le dossier de l’hôpital de Fontainebleau a été mon premier gros chantier en tant que maire. Je m’y suis attelé tout de suite. Nous avons signé un accord de coopération avec l’hôpital de Nemours en juillet 2006, six mois après mon arrivée, alors que les deux hôpitaux se regardaient en chien de faïence depuis dix ans. J’ai approché les questions de santé publique par le biais de la problématique locale à laquelle j’ai été confronté : dans ce coin d’Ile-de-France un peu délaissé, de petits hôpitaux avaient à bouger, à organiser des coopérations, à mieux parler à la médecine de ville. J’ai eu envie d’accompagner ce changement. Différentes spécialités coopèrent à présent, cela se passe bien. Il s’agit d’un accord gagnant-gagnant, qui repose sur un projet médical commun. L’hôpital de Fontainebleau est également engagé dans une coopération public privé, décidée quelques mois avant que je sois élu maire. En tirant la pelote, cela m’a amené à mettre un pied à la Fédération. J’ai pris la présidence de la fédération francilienne à l’automne 2009.

IL FAUT MIEUX RÉMUNÉRER LES ACTES PERTINENTS, ET MOINS LES ACTES DE CONFORT

Et maintenant la présidence de la FHF. Vous êtes plus jeune que vos prédécesseurs, comptez-vous incarner une forme de rupture ?

Plus jeune je ne sais pas, c’est quelque chose qui passe rapidement, mais effectivement je ne suis pas médecin, je ne suis pas parlementaire, ni ancien ministre ou secrétaire d’État. Néanmoins mon engagement est cohérent vis-à-vis des années passées. Je m’inscris dans le droit fil de ce qu’ont bâti mes prédécesseurs - Gérard Larcher, Claude Evin et Jean Leonetti, pour citer les trois périodes que j’ai connues. La FHF doit continuer à porter haut et fort l’étendard du service public hospitalier, et à défendre les intérêts de l’hôpital public. La maison doit aussi conserver son originalité et sa force, où toutes les composantes se retrouvent - médecins, gestionnaires, élus et usagers. Je veillerai à ce que tout le monde se sente bien à la fédération, et s’y sente impliqué. Je suis quelqu’un de très ouvert, qui privilégie le dialogue. J’arrive à cette présidence sans œillère, sans barrière, et parfois sans toujours connaître les interlocuteurs avec lesquels je vais devoir discuter. Peut-être que cela me donne une force, celle de l’écoute et de la main tendue.

Votre première déclaration, en tant que président de la FHF, a consisté à demander l’arrêt de la convergence tarifaire public privé. Était-ce un passage obligé ?

Non, c’était d’actualité. Il n’y a pas de posture, je ne singe personne. Il se trouve que le PLFSS 2012 [projet de loi de financement de la Sécurité sociale ] est le temps immédiat, et c’est maintenant qu’il faut porter un certain nombre de combats. L’effort d’économies demandé aux hôpitaux nous paraît disproportionné. C’est oublier la capacité d’adaptation passée des hôpitaux qui ont fait la preuve, depuis des années, qu’ils ne sont pas figés dans le conservatisme, et qu’ils savent s’adapter, se moderniser, et faire des économies (2,5 milliards d’euros depuis 2005). L’hôpital n’est pas isolé dans sa bulle, il connaît l’état des finances publiques, et il continuera à faire des efforts. Mais ces efforts doivent être mieux partagés avec nos partenaires privés.

La FHF dénonce les effets pervers de la T2A. Faut-il en sortir ?

Il n’y a pas de rejet de la T2A, qui a des effets globalement positifs. Mais il faut procéder à des adaptations urgentes, conforter les enveloppes qui financent les missions de service public, et faire en sorte que ces enveloppes ne soient pas des variables d’ajustement que l’on gèle et que l’on réattribue en fin d’exercice. Il faut mieux rémunérer les actes pertinents, et moins rémunérer les actes de confort ou les actes qui visent à conforter la situation de certains établissements. La FHF portera ce sujet dans le cadre de sa plateforme en vue de l’élection présidentielle.

La plateforme de la FHF se veut prospective. Décrivez-nous l’hôpital de 2030.

Ce sera un hôpital plus ouvert, qui valorisera les filières, les réseaux, et qui restera le cœur de l’offre de soins. Son organisation dépendra des spécificités locales et géographiques. Nous ferons des propositions sur le numérique et l’e-santé. L’hôpital d’hier était centré sur le court séjour, l’urgence. L’hôpital de demain devra s’adapter pour répondre aux maladies chroniques. J’ajoute que la FHF donnera le coup d’envoi, le 3 novembre, d’une grande campagne de promotion du métier de médecin à l’hôpital. L’hôpital manque de médecins : l’objectif est de changer son image auprès des étudiants en médecine.

Comment avez-vous vécu, à titre personnel, le slogan présidentiel sur le « patron unique à l’hôpital » ?

Ce slogan ne m’a pas choqué en soi, il dit une vérité, mais il manque de nuance. Personne n’a jamais imaginé, et le Président le premier, qu’il puisse n’y avoir qu’une seule « tête » à l’hôpital. L’unité de commandement s’organise autour de la communauté médicale. On peut parler aussi de la place des élus et des usagers. Dans la pratique, qu’observe-t-on ? Les crispations d’avant le vote de la loi HPST [Hôpital, Patients, Santé et Territoires] se sont beaucoup dégonflées. Aujourd’hui, on ne constate plus de tensions entre les directeurs et les médecins. Je n’entends plus d’élus se plaindre qu’ils sont totalement exclus de la gouvernance. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas des ajustements à la marge à faire. Il serait peut-être utile, par exemple, qu’on revienne à un EPRD voté par le conseil de surveillance.

L’HÔPITAL CONNAÎT L’ÉTAT DES FINANCES PUBLIQUES

Zéro déficit en 2012 : une utopie ?

C’est un objectif qu’il faudra revoir, de fait. Il faut fixer des objectifs réalistes.

Le personnel représente 70 % du budget des hôpitaux. Faut-il comprimer les effectifs pour contenir les dépenses ?

Il faut se méfier des approches globales. Il peut y avoir dans certains établissements des économies encore possibles, comme il peut y avoir, a contrario, des situations de grande souffrance et des pénuries de personnel. Mais globalement, ce n’est pas à l’hôpital que se trouvent les plus gros bataillons si l’on considère toute la fonction publique. L’hôpital regagne des parts de marché. Je ne pense que ce soit là que l’on puisse mener des campagnes de réduction d’effectifs.

PROPOS RECUEILLIS PAR DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9022