Entretien avec le président du SMPS

Jérôme Goeminne : « Il faut donner un plus grand pouvoir de décision aux managers médicaux »

Par
Publié le 01/12/2020
Article réservé aux abonnés

Le nouveau président du Syndicat des managers publics de santé (SMPS) affiche sa volonté de donner beaucoup plus de place aux médecins (chefs de service, de pôle, présidents de CME) dans la gouvernance des hôpitaux. Il promeut la cosignature des décisions stratégiques et le développement des délégations de responsabilités.

Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Quelle place les médecins doivent-ils prendre dans la gouvernance des hôpitaux ?

JÉRÔME GOEMINNE : Nous avons une conviction, c'est qu'il faut reconnaître une place égale aux managers médicaux comparativement aux managers soignants, administratifs, logistiques, techniques ou de direction. Je parle des médecins chefs de service, chefs de pôle, présidents de CME et, dans quelques établissements, des coordonnateurs et directeurs médicaux. Nous travaillons avec eux au quotidien et cela se passe bien. La crise du Covid l'a montré, c'est parce que la gouvernance fonctionne dans les hôpitaux que nous avons pu faire face.

Mais il faut davantage les intégrer et les reconnaître. Aujourd'hui, ces managers médicaux n'ont pas accès à des formations et ne sont pas valorisés à la hauteur de leur fonction. Il n'est pas normal qu'il n'y ait pas d'indemnité pour les chefs de service. Et il est dérisoire que le président de CME d'un hôpital de proximité ne soit valorisé que quelques centaines d'euros par mois au vu de son investissement dantesque ! Les managers médicaux ont une expérience remarquable dans leur fonction, ils apportent énormément au service hospitalier. Il ne faut pas qu'à l'issue de leur mandat ils redeviennent de simples praticiens. C'est un gâchis pour tout le système.

Qu'est-ce que vous proposez pour mieux les intégrer à la gouvernance ?

Il faut systématiser les bonnes pratiques qui ont été mises en exergue par le rapport Claris [sur la gouvernance et la simplification hospitalière, NDLR]. Je propose par exemple qu'on systématise la cosignature pour les décisions stratégiques internes et qu'on développe les délégations de pôles et de services. En clair, il faut donner un plus grand pouvoir de décision aux managers médicaux.

Concrètement, il faut déléguer quasiment toutes nos décisions. Les investissements, qu'ils soient biomédicaux ou généraux, doivent revenir aux entités polaires ou aux services. Ce sont les managers médicaux qui savent mieux que quiconque ce qui se passe sur le terrain, faisons leur confiance. Je pense qu'il faut aussi déléguer les moyens de remplacement et certains éléments de paye.

Dans la plupart des établissements, les CME donnent leur avis sur des décisions stratégiques comme les orientations budgétaires. Il faut rendre cela systématique. Ce sont deux leviers complémentaires. La CME doit avoir un objectif stratégique, les pôles et les services assument un rôle opérationnel.

Quelle serait la place des directeurs dans tout cela ?

La délégation n'existe que s'il existe un cadre clair. Il faut donner les règles : comment, quoi et dans quel montant. Il faut aussi définir avec l'ensemble de la communauté hospitalière, les élus de territoire et les pouvoirs publics la stratégie, le chemin dans lequel doit s'inscrire l'hôpital. Ce cadrage stratégique appartient au directeur en lien avec les communautés médicale, soignante, administrative, logistique et technique mais aussi avec les usagers et également les pouvoirs publics. C'est une capacité à emmener tout le collectif dans le même sens.

La proposition de loi Rist en cours d'examen va-t-elle dans le bon sens ?

C'est une bonne chose de remettre les services hospitaliers au centre du dispositif. Mais dans la vraie vie, ils l'étaient restés. L'enjeu, c'est de réussir à faire descendre les délégations jusqu'à cet échelon. Là où nous sommes vigilants, c'est qu'il est indiqué dans ce texte que le chef de service est nommé par décision conjointe du directeur et du président de CME. Or, c'est impossible juridiquement. En droit, la codécision n'existe pas. Il faut plutôt systématiser la cosignature. S'il y a un désaccord, un blocage formel, l'intérêt de l'établissement est représenté par le directeur, il faut réussir parfois à ce qu'il impose la décision.

Propos recueillis par Martin Dumas Primbault il faut déléguer quasiment toutes nos décisions

Source : Le Quotidien du médecin