Il a « révolutionné » le métier des médecins anesthésistes-réanimateurs. Signé par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur, mais aussi Simone Veil en tant que ministre des Affaires sociales, de la santé et de la ville et son délégué à la santé, Philippe Douste-Blazy, le 5 décembre 1994, le décret de sécurité de l’anesthésie célèbre ses 30 ans. Dans un communiqué diffusé jeudi 6 décembre, le syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (Snphare) vante les bénéfices de ce texte réglementaire en matière de santé publique : « Il a sauvé des vies, en permettant de diminuer en quelques années d’un facteur 10 la mortalité liée à l’anesthésie », souligne le syndicat.
C’est en effet ce fameux décret qui a systématisé la tenue d’une consultation en amont de toute anesthésie pour une intervention chirurgicale programmée, en lieu et place d’un rendez-vous en « urgence » le jour même de l’opération. C’est ce même texte publié au Journal officiel qui a sécurisé la surveillance du patient tout au long de son parcours de soins par le médecin anesthésiste-réanimateur ou, par délégation, l’infirmier anesthésiste diplômé d’État (Iade). Et ce, y compris durant la période post-opératoire grâce à la création des salles de surveillance post-interventionnelle. « Elles ont remplacé la surveillance en salle de réveil ou, pire, dans les couloirs de bloc ou chambres d’hospitalisation », s’enthousiasme la Dr Anne Wernet, présidente du Snphare.
Renforcer les ressources humaines
Si ces mesures ont porté leurs fruits, le syndicat appelle à des efforts supplémentaires. Il prescrit davantage de moyens en matière de ressources humaines : « En sus du retard d’internes formés actuellement (manque de 300 internes), 600 à 1 000 nouveaux internes en anesthésie-réanimation par an sont nécessaires pour maintenir une offre de soins adaptée aux besoins de la population », insiste-t-il dans un communiqué. Le Snphare préconise ainsi d’affecter, de jour comme de nuit, un médecin sur une à deux salles d’intervention avec une Iade dans chaque salle et de limiter la durée de travail des praticiens, de façon à réduire les risques liés à la dette de sommeil et la fatigue induites par la permanence des soins. « Au bout de 24 heures de garde, on n’a plus les yeux en face des trous, c’est vraiment source d’erreurs médicales », alerte la Dr Wernet qui plaide pour la suppression de la dérogation permettant de réaliser des gardes de 24 heures et la diminution des obligations de service à 39 hebdomadaires.
Le décret périnatalité « devenu totalement obsolète »
Mais l’urgence se trouve surtout dans les maternités selon le Snphare, où les modalités relatives à la sécurisation des anesthésies n’ont pas été mises à jour depuis 1998. « Le décret périnatalité est devenu totalement obsolète ! s’emporte l’anesthésiste de Perpignan. C’est un vrai danger de ne pas avoir d’anesthésiste sur place dans les maternités de moins de 1 500 accouchements ». Signé par Lionel Jospin, alors Premier ministre, Martine Aubry dans le rôle de ministre de l’Emploi et des solidarités et Bernard Kouchner, secrétaire d’État à la santé, le décret du 9 octobre 1998 fixait en effet le fonctionnement de la réanimation néonatale de la manière suivante : dans les maternités opérant moins de 1 500 accouchements par an, pas d’obligation à avoir un anesthésiste systématiquement sur place. Pour celles faisant naître 1 500 à 2000 bébés à l’année, un anesthésiste doit être présent sur place mais n’est pas dédié exclusivement aux accouchements. Un exercice loin d’être évident : « Parfois le service obstétrique n’est pas au même étage que celui où se trouve l’anesthésiste au moment où on a besoin de lui, ou pire, il doit changer de bâtiment », décrit la Dr Wernet. Enfin, pour les grandes maternités réalisant au moins 2 000 accouchements, un anesthésiste-réanimateur doit être présent tous les jours de l’année 24 heures sur 24 dans l’unité d’obstétrique.
Une révision du décret de 1998 avait été entamée mais interrompue début 2020 avec la crise sanitaire. Le Snphare appelle à reprendre ce travail. « Il y a certes le problème des petites maternités qui devraient peut-être fermer mais il y a aussi celles qui ont sensiblement grossi depuis 1998 et qui réalisent jusqu’à 5 000 accouchements à l’année alors que le ratio de soignants n’ont pas bougé d’un iota », souligne la présidente du syndicat. Le Snphare recommande ainsi un effectif minimum de un binôme médecin-anesthésiste-réanimateur et IADE par tranche de 2000 accouchements dans les maternités.
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