Assistance publique - Hôpitaux de Paris

Le président de la CME de l’AP-HP à l’offensive

Publié le 13/11/2012
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Crédit photo : S TOUBON

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Crédit photo : S TOUBON

LE QUOTIDIEN - L’accueil de patients étrangers fortunés envisagé pour réduire le déficit de l’AP-HP a fait grand bruit cet été. Depuis, silence radio. Le projet est-il enterré ?

PR LOÏC CAPRON - C’est en bonne voie. La CME n’a pas rendu d’avis mais personnellement, je suis contre. Je l’ai dit dès le mois d’août. C’est une idée clivante au sein de l’hôpital, qui risque de créer une médecine à deux vitesses. Le risque social est disproportionné par rapport au possible gain financier. L’Institut Gustave Roussy peut se permettre d’accueillir des patients étrangers car ses flux de patients sont réglés comme du papier à musique, ce n’est pas le cas à l’AP-HP. A contrario je suis très favorable à ce que l’AP-HP s’exporte et coopère avec des pays comme la Chine ou les pays du Golfe. Il faut aussi développer la filière qui permet à des internes étrangers de venir en stage à l’AP-HP. Le rayonnement de la France est en jeu.

Quatre syndicats de personnel non médical de l’AP-HP ont demandé le départ de Mireille Faugère en septembre, jugeant le dialogue social au point mort. Que pensez-vous de la gouvernance interne ?

Je l’ai très vite trouvée bancale. Pendant les six premiers mois de mon mandat, j’ai été mis de côté, diabolisé, exclu de tout. La direction générale avait pour interlocuteur privilégié le directeur de la politique médicale, qui est un médecin - ce qui fait de l’AP-HP un cas unique en France. Un médecin nommé par la direction, donc obéissant... Or c’est au président de la CME que la loi HPST confie les affaires médicales. J’ai fait lire la loi à l’AP-HP. C’est remonté à l’ARS, qui m’a donné raison. Une mission de conciliation est en cours, je ne veux pas que cela traîne trop. J’ai posé des conditions : suppression de la direction de la politique médicale, remplacement par une direction des affaires médicales pilotée par un non médecin. Cela n’est pas négociable. Depuis que j’ai crevé l’abcès en août, l’atmosphère s’est détendue, et je travaille beaucoup mieux avec la directrice générale.

L’encadrement du secteur privé à l’hôpital est un sujet d’actualité. En débattez-vous avec vos confrères ?

Une majorité de médecins à l’AP-HP sont contre le secteur privé. Mais avant d’aller se battre, que chacun regarde ce qu’il fait dans sa semaine, et reconnaisse le vieux dicton de Cohn Bendit : « Nous sommes tous des juifs allemands ». Certains font de l’expertise pour l’industrie pharmaceutique. Chacun a sa petite « gratte ». Personnellement, je défends l’existence du secteur privé à l’hôpital. Le supprimer fera partir des praticiens et baisser l’excellence médicale. Je n’ai jamais voulu mettre ce sujet en débat à la CME, pour ne pas faire exploser ma communauté médicale. Je me suis contenté de rappeler : « La loi, rien que la loi, toute la loi ». Si la loi n’est pas respectée, c’est au législateur de mettre les barrières, pas à la CME. Les sanctions d’abus sont du ressort de la commission de l’activité libérale, qui travaille sous la responsabilité de la direction. C’est à la direction de faire le gendarme. Pas à moi.

Quel regard portez-vous sur le mouvement des internes ?

Je comprends leurs revendications sur le secteur II. En revanche, les conditions de travail... Cela a du mal à nous émouvoir. Je vais sur mes 63 ans. À mon époque, les internes étaient des moines soldats. Il n’y avait pas de repos compensateur, on nous confiait des responsabilités plus lourdes, on ne nous payait pas mieux. Bien sûr que les chefs de service ont tort de faire revenir leurs internes au lendemain d’une garde, mais si ça désorganise complètement leur service, s’ils ne peuvent plus opérer... Que faire ? Le repos de sécurité est un progrès, mais on ne peut pas l’appliquer toujours. Les 35 heures sont passées par là, je suis imperméable à cela.

Les internes défendent aussi la liberté d’installation. L’AP-HP manque d’anesthésistes. Comment voyez-vous l’avenir ?

Je pense que le problème national sera réglé dans une dizaine d’années avec l’ouverture du numerus clausus. À l’AP-HP, il faut tout faire pour retenir les anesthésistes et les radiologues, et le problème sera réglé dans cinq ans. Je crois beaucoup aux incitations financières. Il faut aussi revoir le fonctionnement des blocs. C’est un énorme chantier ouvert.

Trois médecins internistes ont quitté Saint-Antoine pour le privé. Le chef des urgences de Saint-Louis a démissionné de ses fonctions administratives. Ras-le-bol isolés ou reflet d’un malaise plus large ?

Je n’ai pas de statistiques mais je crains que les départs ne s’intensifient. Les deux situations sont différentes. À Saint-Antoine, il y a plusieurs facteurs. Le service de médecine interne est dégoûtant ; l’espoir de promotion des trois PH a été ruiné car le successeur du chef de service a été désigné ; la médecine interne, à tort, n’est pas perçue comme noble à Saint-Antoine.

Pierre Taboulet, lui, est en burn out. Il a écrit à la direction générale pour décrire la situation. Dix jours plus tard, personne ne lui avait répondu! Le DPM aurait dû décrocher son téléphone. Moi, je suis allé le voir, on a parlé. C’est toute la différence entre un médecin nommé directeur et un médecin élu.

PROPOS RECUEILLIS PAR DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9188