Assistance publique - Hôpitaux de Paris

Le projet médical de nouvel Hôtel-Dieu fait des vagues

Publié le 13/09/2012
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Crédit photo : S TOUBON

SYMBOLIQUE, et à haut risque. Le projet de nouvel Hôtel-Dieu que porte la directrice générale de l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) divise la communauté médicale et les élus parisiens. Mireille Faugère avance sur des œufs. Son idée : supprimer tous les lits de l’Hôtel-Dieu, et en faire une vitrine de la médecine de demain. Un lieu ouvert 7 jours sur 7, offrant des consultations spécialisées de 8 heures à 23 heures, en secteur I, exclusivement. Un lieu ouvert aux médecins hospitaliers et libéraux, qui se partageraient les équipements et le plateau d’imagerie.

L’épine des urgences.

Tout est à imaginer : le parcours de soins, son financement. L’AP-HP se dit prête à expérimenter pour sortir du tout T2A. « On prend un risque », concède Mireille Faugère. Ses détracteurs l’accusent de vouloir tuer l’Hôtel-Dieu. Ses soutiens applaudissent des deux mains - mais sous couvert d’anonymat, tel ce PU-PH : « Offrir des soins ambulatoires en secteur I en plein cœur de Paris, ça a de l’allure. L’avenir est à l’ambulatoire. L’hôpital n’est pas forcément un endroit où on couche les gens ».

Le calendrier se précise. Plusieurs services seront transférés à Cochin début 2013 (pneumologie, chirurgie thoracique, réanimation). L’ophtalmologie devrait suivre rapidement. Reste la question, épineuse, des urgences : 43 000 passages par an, ce n’est pas rien. Cochin pourrait en absorber une partie, à condition de fluidifier l’aval et d’organiser les transports en amont. Les urgences de l’Hôtel-Dieu vont-elles fermer ? La patronne de l’AP-HP tranchera dans un mois. D’ici là, les opposants au projet se mobilisent. « La maison médicale proposée ne peut remplacer les urgences, tempête le Dr Gérald Kierzek, urgentiste. Les urgences de l’Hôtel-Dieu sont toutes neuves et performantes. Les réorganiser, ce n’est pas les démanteler. Qu’on ne nous parle pas de pacte de confiance, alors que la ministre ne nous reçoit pas! ».

Réunion houleuse de la CME.

Le Dr Kierzek, tout à son combat, se sent lâché par « l’élite médicale » qui siège à la CME (Commission médicale d’établissement) de l’AP-HP. « La T2A met en concurrence les équipes et conduit à des divisions machiavéliques, grince-t-il. Quand le bateau coule, chacun essaie de sauver son activité et ses postes ». Certains confrères à Cochin s’en frotteraient les mains. « L’un d’eux m’a dit : l’Hôtel-Dieu, c’est la vieille pleine aux as dont on attend l’héritage ».

La CME s’est réunie mardi pour débattre du projet de la direction. Une séance houleuse, à nouveau. Un membre de la CME confesse son scepticisme : « Le projet médical reste flou, les mots sonnent creux. Faire de l’Hôtel-Dieu un hôpital de santé publique, cela ne veut rien dire ». D’ailleurs, les médecins de ville peinent à s’y retrouver. Le Dr Marie-Laure Alby, médecin généraliste dans le 14e arrondissement, siège au conseil de surveillance de l’AP-HP. Elle regrette l’absence de dialogue entre la ville et l’hôpital, alors que le projet impacte directement l’offre de premier recours dans Paris intra muros. Adresser ses patients à Cochin pour l’ophtalmo, elle n’y tient pas trop. « Je ne connais pas l’offre de soins à Cochin. C’est comme chez le dentiste : on vous retire les dents, et on ne sait pas ce qu’on vous met après ».

La CME de l’AP-HP - dont l’avis est purement consultatif - a posé une condition : que le projet se fasse à coût constant. La vente du siège de l’AP-HP, avenue Victoria, pourrait rapporter 120 ou 130 millions d’euros. Le projet de la direction - qui prévoit également le transfert des 800 personnes du siège à l’Hôtel-Dieu - coûte 150 millions. Où trouver les millions manquants ? Mireille Faugère compte sur une aide ministérielle. « Ça sera difficile car il y a tout et n’importe quoi dans ce projet d’Hôtel Dieu, glisse cette personne, au sortir de la CME. Pourquoi vouloir y installer l’école de chirurgie, alors que les cadavres ne pourront être entreposés sur place - l’évêque aurait opposé son veto -, et devront être amenés par camion frigorifique ? Ce n’est pas digne d’une école moderne ».

Le Dr Kierzek, lui, prévient : « Si l’on remplace les blouses blanches par les costumes gris à l’Hôtel-Dieu, ce serait un très mauvais signal. Ça voudrait dire l’abandon de l’hôpital public ».

DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9157