Un praticien raconte la fragilité des indépendants

Les « laissés-pour-compte » de la santé

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Publié le 13/02/2017
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Ils sont trois millions d'actifs indépendants en France, qualifiés de « non-non » par l'auteur car « ni salariés du régime général, ni du régime agricole »Représentant 10 % de la population active, ils se retrouvent souvent en situation de grande vulnérabilité lorsqu'ils sont confrontés aux aléas médicaux de la vie.   

Ces indépendants n'ont guère le droit à l'erreur. Ils travaillent « avec un filet de protection médico-professionnelle très lâche qui ne les protège pas toujours d'une chute fatale », résume l'auteur qui cite la pénibilité, les accidents du travail et les maladies professionnelles. Le Régime social des indépendants (RSI) a « des cotisations élevées et des prestations modestes » et les cotisations retraite demandent « un surcoût assurantiel ».

Le Pr Deschamps illustre ces problématiques à travers vingt histoires de vie, particulièrement anxiogènes. Celle d'un généraliste de garde qui tarde à se rendre chez une jeune asthmatique. La fillette décède, le généraliste ne s'en remettra pas. En burn-out, il refuse de s'arrêter et finit par se suicider. Les médecins libéraux n'ont une prise en charge sociale qu'après trois mois d'arrêt, un délai de carence parfois « synonyme de faillite et d'opprobre », indique l'auteur.

Peu d'informations sur les risques

Cet autre indépendant a monté son entreprise de nettoyage de moquette. Il aura le cerveau détruit par un des solvants utilisés. « L'indépendant ne bénéficie d'aucune information concernant les risques encourus et ne sera pas indemnisé en cas de maladie professionnelle », relève l'auteur. Jérémy, chauffeur routier à son compte, a le dos broyé par les milliers de kilomètres avalés au volant. Il devra se résoudre à vendre son camion. « Les salariés incapables de poursuivre leur activité peuvent bénéficier de droits pour cesser de travailler mais les indépendants ne bénéficient pas de prestations équivalentes », explique le Pr Deschamps.

Autre récit : un dermatologue contaminé par une hépatite virale à cause d'une patiente, ex-toxicomane, à qui il a prodigué une dermabrasion. Là encore, pas d'IJ avant 90 jours d'inactivité. « Les professions considérées comme valorisantes ne sont pas à l'abri des aléas de la vie (...), le statut de médecin non salarié est d'une sécurité précaire », insiste l'auteur dont les histoires de vie (le barman brûlé, la coiffeuse allergique, le cancer du voyagiste…) font réfléchir sur la prise en charge médico-sociale de ces indépendants.  

* Éditions universitaires européennes, 80 pages, 21,90 euros.

M.F

Source : Le Quotidien du médecin: 9555