« J’ai passé une première fois les EVC (Épreuves de vérification des connaissances). Sans succès. Ce n’est pas possible de passer un concours sans avoir de temps pour le préparer », explique le Dr Karim Fatnassi, 49 ans, médecin généraliste. Diplômé en 2006 en Algérie, il a exercé pendant 18 ans en tant que généraliste libéral dans son pays. Le 7 décembre 2020, après avoir rencontré celle qui deviendra sa femme, il décide de venir travailler dans les Hauts-de-France. Le Dr Fatnassi exerce d’abord à l’Hôpital de Chauny en tant que FFI (Faisant fonction d’interne) pendant cinq mois, puis devient praticien attaché associé dans un service de soins de suite et de réadaptation (SMR) à Hirson. En avril 2022, la direction lui propose un poste dans un service de médecine gériatrique et médecine polyvalente où sévit un cruel manque de médecins. La situation est telle que l’été 2023, il est amené à travailler dans trois services différents.
Passer les EVC pour mettre fin à des statuts précaires : pas si simple !
Les EVC sont la première étape de la procédure d’autorisation d’exercice en France. Elles s’adressent aux praticiens, quelle que soit leur nationalité, dès lors qu’ils ont obtenu leur diplôme dans un État non-membre de l’Union européenne. Au terme de cette procédure, les praticiens l’ayant réussie peuvent exercer pleinement leur profession en France et obtenir un numéro RPPS.
Pour ces médecins étrangers, le problème réside dans la difficulté de préparer les EVC. Avec la loi Valletoux, ils sont obligés de passer l'examen dans l’année puisqu’ils ne bénéficient que d’un visa de 13 mois, renouvelable une fois. Pourtant, beaucoup d’entre eux exercent en France depuis au moins quatre ans, et y ont construit leur vie, comme Karim dont la femme et la fille vivent en France. Ils sont donc contraints d’enchaîner les CDD et de rester dans un statut précaire.
Arrivé en France en 2019, le Dr Zakarya*, 38 ans, médecin généraliste de formation, partage le même constat : « L’hôpital a besoin de nous, mais nous avons besoin de temps pour préparer l’examen. Nous sommes entre deux feux, témoigne-t-il. Ils nous laissent travailler pendant des années dans les hôpitaux français et, à chaque fois, les lois sont modifiées par l’ajout de restrictions. Je trouve cela anormal. Notre lot, c’est toujours l’instabilité, toujours le doute, l’incertitude… »
En général, ils sortent des lois à la dernière minute pour nous garder
Zakarya*
Zakarya, travaille depuis cinq ans dans un hôpital psychiatrique dans les Pyrénées-Orientales. « La poursuite de mon contrat est conditionnée par la réussite aux EVC. Nous n’avons pas le temps de réviser, car l’hôpital a sans cesse besoin de nous. Nous ne pouvons pas non plus prendre de vacances pour réviser. Dans le même temps, à l’examen, les exigences sont placées un peu au-dessus de la barre. »
L’an passé, le jury a en effet décidé de ne garder que les candidats dont la moyenne était supérieure à 12. Au final, 241 candidats ont été retenus au lieu des 500 initialement prévus. « À la fin, ce n’est ni un concours, ni un examen. Il ne suffit ni d’obtenir 10 ni d’être placé parmi les 500 premiers », déplore Zakarya.
Il lui manquait quatre mois pour bénéficier de la loi Stock. Grâce à la loi Valletoux, il a gardé son statut de praticien attaché associé. « J’ai passé les EVC, mais je ne les ai pas obtenus. Cette année, je vais les repasser, même si je n’ai toujours pas eu le temps de les préparer », ajoute-t-il avec lucidité.
Sans la validation de ces épreuves, avec un contrat qui se termine à la fin de l’année 2024, il craint de se retrouver au chômage, malgré son engagement constant depuis son arrivée en France. Son seul espoir, une nouvelle modification des lois. « En général, ils sortent des lois à la dernière minute pour nous garder », conclut-il désabusé.
*nom modifié
Plafonnement de l’intérim médical : le gouvernement doit revoir sa copie, maigre victoire pour les remplaçants
Au CHU Healthtech Connexion Day, guichets innovation et tiers lieux à l’honneur
Zones de conflit : ces hôpitaux français qui s’engagent
À l’hôpital public, le casse-tête du recrutement des médecins spécialistes