Gestion des centres de santé

L'ouverture au privé, nouveauté qui divise

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Publié le 25/10/2018
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centre de sante

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Crédit photo : PHANIE

Le récent congrès des centres de santé avait cette année des allures de manifeste. Son fil rouge ? « Pour un service public de santé de proximité ». On imagine l'accueil qui serait réservé aux avocats du secteur privé lucratif…

Pas de quoi effrayer pour autant Lamine Gharbi. Le président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) a répondu favorablement à l'invitation des organisateurs. Sa venue n'était pas innocente : une ordonnance de janvier 2018 a autorisé les établissements privés à ouvrir et gérer des centres de santé, sous réserve de non-distribution des bénéfices. Une ouverture encadrée en quelque sorte.  

Lamine Gharbi a annoncé la couleur, un brin provocateur. « Et si on renommait ce congrès "Pour un service de santé au public de proximité" », a-t-il proposé. Sur le fond, l'avocat des cliniques est convaincu que les établissements privés à but lucratif peuvent très bien assurer des missions de service public… que d'autres n'arrivent plus à assumer. C'est le cas pour l'ouverture de services d'urgences mais aussi de la gestion de centres de santé. Pour le patron de la FHP, « les centres de santé sont même l'avenir du maillage territorial », à condition que les cliniques y aient toute leur place. « Sous réserve aussi de balayer devant notre porte », concède Lamine Gharbi.

Il propose ainsi que les établissements privés, parfois critiqués pour leur propension à privilégier les activités rentables, soient jugés à l'aune de la qualité et du service rendu au public. Et de la même façon qu'il préconise une « charte zéro refus » à laquelle les cliniques devraient adhérer pour ouvrir un service d'urgences, il imagine un système similaire pour ouvrir et gérer centre de santé, sans discrimination. Une façon de montrer patte blanche. 

Sélection 

Mais pour le Pr André Grimaldi, professeur émérite de diabétologie à la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) et ardent défenseur du service public hospitalier, ce plaidoyer du privé n'est pas vraiment convaincant. « L'hôpital et la clinique sont fondamentalement différents », insiste-t-il, dès lors qu'ils ne répondent pas aux mêmes règles – nature de l'établissement, pratique de certaines activités, gestion de la précarité sociale, prévention, financements… « Nous appliquons tous le juste soin, seulement vous c'est au profit de votre établissement alors que nous c'est au profit de la Sécurité sociale », affirme-t-il. Je ne reproche pas à Lamine Gharbi de vouloir être rentable, car s’il ne l'est pas, il met la clé sous la porte. » 

Pour le Pr Grimaldi, cet impératif de rentabilité implique une sélection des patients qui contredit l'idée même de service public. « Dire qu'on fait la même chose est une tromperie », conclut le diabétologue. 

Martin Dumas Primbault

Source : Le Quotidien du médecin: 9697