Pr Loïc Capron (AP-HP)

« Mon mandat à la CME, ce fut une lutte »

Publié le 14/12/2015
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

LE QUOTIDIEN : Quel bilan dressez-vous de votre travail à la tête de la CME de l’AP-HP ?

PR LOÏC CAPRON : Je suis content. J’ai fait le ménage dans la gouvernance interne. C’est ma plus grande satisfaction ! Avant mon arrivée, le directeur général nommait un confrère corvéable à merci à la tête de la direction de la politique médicale (DPM). J’ai luxé cette structure qui faisait écran entre la direction générale et la CME. Le conflit a été très violent mais c’est l’avantage d’être élu par ses pairs et non nommé : on peut dire "merde" au DG.

La relance du site Internet de la CME me ravit tout autant. Je veux de la transparence sur les actions de la CME, ce qui n’est pas au goût de tout le monde. Avec Martin Hirsch, la communication à l’AP-HP, c’est l’affaire de la direction générale ! J’ai tenu bon. Mon mandat à la CME, ce fut une lutte. C’est dire non.

Je n’ai qu’un regret : avoir échoué à me rapprocher des doyens franciliens. Le « turn over » devrait apaiser les tensions.

Au printemps dernier, les CME de l’AP-HP, de Marseille (AP-HM) et Lyon (HCL) ont rejeté dans un vote historique le budget de leurs établissements. Que s’est-il passé ?

C’était un vote de protestation contre la politique de la ministre de la santé, qui tourne le garrot un peu plus chaque année autour du cou des hôpitaux. Ras le bol ! La conférence des présidents de CME de CHU est à l’origine de cette décision. Si on avait réussi notre coup, tous les CHU auraient refusé le budget. Ça n’a pas été le cas et Marisol Touraine nous a ignorés. C’était un coup d’épée dans l’eau.

Pour la petite histoire, j’ai plaidé en faveur de ce budget, acceptable au regard des concessions de la direction. Sur un budget de 7 milliards d’euros par an, avec 2 milliards de dette et un petit déficit, on sauvegardait l’emploi et la capacité d’autofinancement.

Mais je n’ai rien pu faire contre la verrue de l’Hôtel-Dieu. En rejetant le budget, la CME a surtout accusé une fin de non-recevoir à la vente de nos bijoux de famille (l’hôtel Scipion et de l’institut du Fer à Moulin) pour ce projet à 150 millions d’euros, également refusé sur son volet médical, à une voix près.

La saga de l’Hôtel-Dieu est-elle un échec pour vous ?

Oui, c’est mon camouflet. J’ai toujours été contre cette relique. Je voulais m’en débarrasser. Mais Matignon et l’Élysée en ont fait un symbole politique, qui devait à tout prix rester dans le giron de l’AP-HP. C’était l’ordre de mission de Martin Hirsch. Bon gré mal gré, nous avons donc fabriqué un petit projet vendable : une moitié du bâtiment médical, une autre boutique à souvenirs pour les Russes. En votant non, la CME m’a rappelé que j’avais vendu mon âme au diable.

Quel sera le grand défi de la prochaine CME ?

La concordance des temps médicaux et soignants, enclenchée par la réforme du temps de travail des personnels non médicaux. J’ai embrassé le directeur général quand il a ouvert ce chantier ! J’ai convaincu la CME de le soutenir. Sans la communauté médicale, Martin Hirsch était cuit. Mais plus personne ne bronche ou presque. Il a gagné.

Sur le terrain, ça va être dur, c’est vrai. Les chirurgiens et les anesthésistes doivent être à l’heure. Pareil dans les services de médecine. La visite en salle à heure fixe temporise le travail médical. C’est un enjeu d’attractivité majeur. Un service qui tourne bien, c’est un service attirant pour les internes.

Que pensez-vous de Martin Hirsch ?

C’est un antagoniste redoutable. Nous partageons la même idée du service public mais nous nous différencions sur les moyens de parvenir à nos fins. Il connaît nos hôpitaux pour y avoir passé quelques années mais quand il me parle de médecine, il reste un externe qui s’adresse à un vieux professeur. Sa vive intelligence a souvent compensé ce fossé.

Qu’allez vous faire désormais ?

Je reste à l’AP-HP jusqu’au 31 août. J’ai repris le chemin de l’école en septembre. J’apprends le management hospitalier et le jargon des politicards. Pas question de reprendre le soin, ce serait une escroquerie ! Martin Hirsch m’a chargé d’une première mission : remettre sur les rails un hôpital gériatrique oublié de l’Oise. Ensuite, je deviendrai consultant. Ma spécialité : la prévention des crises médicales dans les services.

Propos recueillis par Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du Médecin: 9458