Anne Ferrer (CHU de Montpellier) : « Si on ne laisse pas un peu de liberté, les médecins vont la chercher ailleurs »

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Publié le 21/04/2023
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Auparavant directrice générale adjointe du CHU de Toulouse, Anne Ferrer a pris la tête du CHU de Montpellier fin mars. Dès son arrivée, elle a eu à accompagner le plafonnement du salaire des médecins intérimaires avant de s'attaquer au gros chantier immobilier en cours.

Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN. Comment vous adaptez-vous au plafonnement du salaire des médecins intérimaires ?

ANNE FERRER Nous avons eu l’opportunité d’anticiper collectivement l'article 33 de la loi Rist car nous connaissions les textes depuis un an. Cela a laissé le temps au dialogue et à l’organisation d’une préservation de l’offre de soins. Je crois que les acteurs se sont correctement mis en réseau sous l’égide de l’ARS. La réalité d’ici, c’est que l’appel à l’intérim s'opère davantage dans les CH que les CHU. Nous devons donc, en lien avec l'université, amener nos jeunes professionnels à se rendre tôt dans les territoires. Ils connaîtront ainsi mieux les établissements et pourront davantage envisager de s’y installer si, dès la formation, des postes d’assistants partagés entre le CHU et ces hôpitaux sont créés. C’est un travail qui s’envisage sur le temps long. 

C’est joli sur le papier... 

Non, ça marche vraiment. Et ça va marcher de mieux en mieux. Dans une discipline un peu fragilisée dans un des établissements du GHT, nous envisageons une dynamique de pool entre deux hôpitaux. Cela comprend des process qualité partagés avec les mêmes habitudes et les mêmes gouvernances, ainsi qu’un système de prime. Il ne faut pas rendre cette démarche urticante. Bien sûr, on peut toujours intervenir dans l'urgence mais l’idée, c’est davantage de travailler sur le fond, comme cela a été fait en radiologie avec les plateaux d'imagerie médicale mutualisée (Pimm) à Toulouse. Dans les semaines à venir, cela va permettre de substituer un système fondé sur les intérimaires par une organisation inter établissement au sein du GHT. 

Les salaires, moins élevés que dans le privé, ainsi que la lourdeur du devoir d’assurer la permanence des soins nuisent aujourd’hui à l’attractivité de l’hôpital public. Comment y remédier ?

Nous avons clairement vu au sein des équipes un changement avant/après crise Covid. Il y a eu beaucoup de départs. Il y a une réflexion nationale à laquelle le CHU de Montpellier prend part et je crois que le ministère prend cette question à bras-le-corps. Il faut que l’on discute avec les chefs de service et avec les PH pour ouvrir un projet managérial par pôle et par service. Je suis très ouverte sur la façon d’organiser les temps partiels, les temps partagés, ou celui alloué à d’autres activités, car ce qui est certain c’est que si on ne laisse pas un peu de liberté, les médecins et les personnels soignants vont la chercher ailleurs. On n’est plus dans une perspective de carrière à vie, même si l'hôpital est en mesure de le proposer. Il faut que l’on s’adapte aux plus jeunes. Ce qui restera toujours, c’est la permanence des soins. Nous devrons l’accompagner différemment et le ministère, je le crois, va faire bouger les lignes en la matière.

De quelle manière ?

Financière notamment. Le doublement du montant des gardes reconduit jusqu’à fin août en est une illustration.

Comment envisagez-vous le dialogue avec les cliniques privées ?

Il n’est pas dans ma nature de perdre mon temps sur des choses stériles. Bien sûr, si je prends des coups je sais les rendre. Mais avec nos partenaires du privé nous pouvons créer des montages pertinents où chacun à sa place dès lors que le projet médical a du sens, que c’est lui qui prime, et qu'ainsi nos équilibres respectifs sont préservés. Je l’ai fait à Toulouse avec la clinique Pasteur où nous avions des surexpertises rares dans le secteur pédiatrique. Nous avons monté un groupement de coopération sanitaire et assuré la permanence des soins ensemble. Dès lors que les équipes médicales se parlent et développent un projet commun où le patient est au cœur de la prise en charge, ce n’est pas à nous, direction, d'ériger des murs.

Quelle est la priorité de votre mandat ?

C'est de mettre en œuvre le schéma directeur immobilier. Il prévoit dans les 10 à 15 prochaines années de modifier en profondeur les sites que nous connaissons aujourd’hui. Le chantier a commencé avant moi puisque le centre de recherche et d'Innovation en Biologie Santé, qui regroupera 22 équipes dans le futur bâtiment unique de biologie, sera livré fin 2024. Nous devrons nous montrer vigilants sur les dépenses pour répondre au juste besoin de santé publique.

Faut-il recouvrir les fresques des internats que certains jugent dégradantes alors que d’autres leur confèrent une valeur patrimoniale ?

Voyez que dans mon bureau, j’aime les tableaux anciens. Les fresques sont au sein des internats. Un groupe pluridisciplinaire, composé notamment d’un sociologue et d’un juriste, se penche sur le sujet avec les internes pour savoir si c’est de l’art, une mémoire carabine ou autre chose. Les bonnes ou mauvaises langues disent que je figure sur la fresque de Toulouse. En tout cas, je n’ai pas d’a priori et je préfère laisser les acteurs décider.

Quels sont vos rapports avec le CHU de Nîmes alors que votre établissement partage avec lui la même faculté de médecine ?

Avant même d’être nommée, c’est-à-dire au moment de ma candidature à Montpellier, j'ai appelé Nicolas Best, le directeur général du CHU de Nîmes, pour qu’avant même d'être éventuellement retenue, nous puissions établir ensemble une culture de collaboration qui perdure.

Propos recueillis à Montpellier par Guillaume Mollaret

Source : Le Quotidien du médecin