Arnaud Robinet (FHF) : « 30 % des postes de PH sont vacants, c'est du jamais vu ! »

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Publié le 19/05/2023
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La 57 e édition de Santexpo, le salon annuel de la Fédération hospitalière de France, se tient du 23 au 25 mai à Paris. Une première pour son nouveau président Arnaud Robinet qui entend en faire un événement très politique. Désengorgement des urgences, revalorisation des carrières hospitalières, plafonnement de l'intérim, réintégration des personnels non vaccinés… : le patron de la FHF s'explique sur tous les sujets chauds.

Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

LE QUOTIDIEN : Comment accueillez-vous la réintégration des personnels non vaccinés à l'hôpital ?

ARNAUD ROBINET : Pour la FHF, cela n'a jamais été un sujet majeur. C'est une question qui a été utilisée de manière complètement politicienne par certains élus et partis politiques. On parle de 4 000 personnes sur 1,2 million d'agents qui composent la fonction publique hospitalière dont à peine 400 infirmières… Ce n'est pas parce qu'on va les réintégrer, à supposer qu'ils le souhaitent, que cela va résoudre le problème des ressources humaines à l'hôpital. Je rappelle que 99 % des personnels ont été vaccinés et ont assumé leurs missions pendant la crise sanitaire. La recommandation de la HAS a beaucoup questionné. Mais ce que j'ai trouvé scandaleux, c'est que l'Assemblée nationale ait voté en première lecture non pas la suspension de l'obligation vaccinale, mais son abrogation qui pourrait nous laisser désarmés en cas d'apparition de variants plus dangereux.

Êtes-vous satisfait du plafonnement de la rémunération des médecins intérimaires ?

L'intérim reste utile de manière ponctuelle. Mais la FHF soutenait l'application du plafonnement de la rémunération prévue dans la loi Rist d'abord pour des raisons budgétaires. L'intérim représente un coût de 1,5 à 2 milliards d'euros chaque année. Je préférerais qu'on utilise cet argent pour mieux rémunérer les gardes et les astreintes. Cette pratique pose également des questions de cohésion des équipes et d'éthique. On ne peut pas accepter qu'un praticien investi et fidèle à l'hôpital public gagne autant qu'un intérimaire qui ne vient dans le service que pour quelques gardes.

Bien évidemment, l'application de la loi n'est pas sans conséquence sur le fonctionnement quotidien des établissements et nous observons un bras de fer avec une partie des médecins intérimaires. Mais la Première ministre a rappelé qu'elle veut être ferme sur ce sujet et je salue sa détermination.

Combien d'hôpitaux ont été contraints à des fermetures ?

Nous avons demandé à nos fédérations régionales de nous faire des remontées mais nous n'avons pas de vision globale à ce stade car c'est très fluctuant. Il y a eu des fermetures ponctuelles de services d'urgences, voire de maternités, mais qui avaient déjà commencé avant l'application de la loi. Les chiffres affichés par le syndicat des médecins intérimaires sont sans doute exagérés. Et nous avons bénéficié d'une solidarité du secteur privé dans beaucoup de territoires. Bien sûr, nous avons des inquiétudes pour cet été, mais des solutions seront trouvées. Il ne faut pas agiter un chiffon rouge et laisser croire à nos concitoyens que l'accès aux soins serait rendu difficile.

Des mesures d'urgence avaient été prises pour l'été 2022 mais elles n'ont toujours pas été pérennisées. Ne commencez-vous pas à vous impatienter ?

Évidemment. Mais comme souvent en matière de politique de santé, quels que soient d'ailleurs les gouvernements, on sait mieux gérer l'urgence que le long terme et les difficultés se sont accumulées pendant des années. La FHF a réclamé la pérennisation des mesures comme la revalorisation des gardes et astreintes. Mais ce n'est pas la seule solution. La généralisation du service d'accès aux soins (SAS) annoncée par le ministre est une très bonne nouvelle que nous attendions. Il y a aussi la question de la meilleure coordination de la permanence des soins entre le public et le privé, ainsi qu'avec la médecine de ville.

Souhaitez-vous justement le retour des gardes obligatoires pour les libéraux ?

Non, je ne suis pas pour les mesures coercitives et je pense que les médecins libéraux prendront leurs responsabilités. Mais il faut les inciter et ça, c'est un sujet qui relève de la négociation de la convention médicale entre leurs syndicats et l'Assurance-maladie. Certains ont la fâcheuse habitude d'avoir des propos caricaturaux et de pointer du doigt qui les libéraux, qui l'hôpital. Notre système de santé marche sur deux jambes : l'hôpital public a besoin des libéraux et les libéraux ont besoin de l'hôpital public. Je refuse d'opposer les uns aux autres et je regarde aussi les solutions qui marchent. Je pense aux maisons médicales de garde à l'entrée des établissements publics, qui tournent grâce à la médecine de ville, comme dans ma ville de Reims.

Soutenez-vous la proposition de loi sur l'accès aux soins déposée par votre prédécesseur, le député Horizons Frédéric Valletoux ? 

Ce n'est pas parce qu'une proposition est portée par un ami et une formation politique que j'apprécie que je dis amen à tout ! Sur l'hôpital public, le texte comporte de bonnes mesures. En revanche, cette PPL m'inquiète un tout petit peu en raison de son calendrier alors que les négociations conventionnelles sont censées reprendre bientôt. Je crains que ce texte ne fasse l'objet d'une série de dépôts d'amendements, notamment du groupe transpartisan du député PS Garot, qui pourraient remettre en cause la liberté d'installation. Moi, je suis opposé à la coercition.

S'agissant de la PDS en établissement, trouvez-vous que les cliniques jouent le jeu ?

Le côté positif de la crise sanitaire est que la complémentarité entre le public et le privé avait fonctionné dans beaucoup de territoires. Une fois la crise atténuée, certains ont parfois repris des mauvaises habitudes mais je pense que les ARS savent taper du poing sur la table quand c'est vraiment nécessaire.

Le président de la République a promis le désengorgement des urgences d'ici à fin 2024. Comment avez-vous réagi ?

Je dis "chiche" ! J'ai commencé à échanger avec François Braun sur ce sujet et la généralisation du SAS est une bonne nouvelle. L'hôpital prendra ses responsabilités. Mais il reste que la vraie difficulté aujourd'hui, ce sont les ressources humaines et le manque de médecins.

Vous dites que l'attractivité de l'hôpital est la « mère des batailles ». Que préconisez-vous pour que les hôpitaux arrivent à recruter sur les 15 000 postes de PH vacants ?

Aujourd'hui, 30 % des postes de PH sont vacants, c'est du jamais vu ! 99 % des établissements connaissent des difficultés de recrutement. C'est pourquoi nous avons un devoir collectif de réussite pour améliorer les conditions de travail, revoir les formations et augmenter les rémunérations.

La FHF est mobilisée pour que tous les leviers possibles soient actionnés et elle a présenté ses propositions en janvier. Nous pensons qu'il faut augmenter le nombre d'étudiants en médecine et passer de 10 000 par an à 12 000. La qualité de l'encadrement des internes est aussi très importante et leur formation ne doit pas se faire uniquement dans les CHU mais également dans les CH. Nous souhaitons aussi la création d'un millier de postes d'hospitalo-universitaires.

Néanmoins, nous allons vivre encore une dizaine d'années compliquées. Il sera nécessaire de favoriser la coopération interprofessionnelle en augmentant le nombre d'infirmières en pratique avancée (IPA) et en refondant le décret d'actes infirmiers. En outre, le ministère de la Santé a ouvert en mars une concertation avec les syndicats de PH sur les carrières. Il faut aller vite et leur donner des perspectives.

Emmanuel Macron a réclamé une réforme de la gouvernance hospitalière. Comment vous positionnez-vous ?

Nous connaissons bien le Pr Claris qui siège au bureau de la FHF. Son précédent rapport était consensuel et il aurait peut-être déjà fallu faire le bilan des mesures tirées en 2021. Je crois que binôme directeur/président de commission médicale d'établissement (CME) fonctionne bien, la crise sanitaire l'a montré. Mais il ne faut pas oublier les doyens.

Le second sujet, davantage prioritaire, est celui du management de proximité au niveau des services, un échelon qu'il faut renforcer. Il me semble aussi nécessaire d'améliorer la formation au management des médecins. La récente grève des internes a rappelé que les conditions de travail sont aussi importantes que la rémunération.

Le chef de l'État souhaite la sortie du tout T2A. L'approuvez-vous ? 

La tarification à l'activité correspond à 50 % des recettes en moyenne des hôpitaux et elle est utile. Mais il faut effectivement pouvoir financer les parcours de soins, développer la prévention et rémunérer prioritairement les activités pertinentes au regard des besoins de santé. Nous avons salué ces orientations du président de la République. Mais nous demandons surtout une loi de programmation budgétaire pour l'hôpital, à l'image de ce qui existe pour l'armée, pour avoir des perspectives de long terme.

Vous êtes-vous retrouvé dans la démarche du Conseil national de la refondation en santé ?

Il est certain que les diagnostics sont connus. J'avais dit qu'il ne fallait pas que ce soit une usine à gaz. Mais la démarche a eu le mérite de mettre tout le monde autour de la table, notamment au niveau des territoires. Et la FHF défend justement la territorialisation des politiques de santé comme nous l'avons montré avec les expérimentations de responsabilité populationnelle pour la BPCO, le diabète de type II et l'insuffisance cardiaque qui font travailler ensemble les acteurs publics et libéraux. Les premiers résultats ont déjà montré une diminution des hospitalisations.

Propos recueillis par Véronique Hunsinger

Source : Le Quotidien du médecin