L'hospitalisation à domicile s'essouffle, la Dr Élisabeth Hubert (Fnehad) veut changer de braquet

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Publié le 18/05/2022
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Crédit photo : S.Toubon

Comment accélérer et réussir la transition vers l’hospitalisation à domicile (HAD) ? Comment renforcer la place de cette alternative dans l’organisation territoriale ? Lors du salon Santexpo, qui se tient pendant trois jours à Paris, la Dr Élisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements d'HAD (Fnehad), a salué le chemin parcouru mais surtout affiché sa volonté d'accélérer la dynamique, à l'aube d'un nouveau quinquennat.

L'ancienne ministre de la Santé du gouvernement Juppé (1995) a cité plusieurs avancées dont la feuille de route pour l'HAD (2021-2026) ou la mise en œuvre de la réforme des autorisations d’activité de soins d’HAD. Sur ce dernier point, les quelque 286 établissements d’HAD ont été confortés comme les acteurs hospitaliers experts de la coordination pour prodiguer au domicile des soins complexes. Ils peuvent développer des prises en charge hospitalières spécialisées au domicile, dans des domaines tels que la pédiatrie, la réadaptation ou l’obstétrique.

Baisse d'activité 

Pour autant, le recours à l'hospitalisation à domicile, initialement dopé par la crise sanitaire, s'essouffle de façon inquiétante. Alors que le secteur avait vu son nombre de journées bondir de plus de 10 % en 2020 (6,6 millions de journées d'hospitalisation, 154 000 patients pris en charge), cette croissance a ralenti lors du premier semestre 2021 (+ 7,8 %) avant de connaître « un effondrement » de la dynamique, lors du semestre suivant (+ 2 %), a alerté ce mercredi la Dr Élisabeth Hubert. Pis, le premier trimestre de 2022 affiche une régression autour de 4 %. « Pour la première fois, on a une activité qui baisse », se désole la présidente de la Fnehad.

Les raisons ? L’activité MCO (court séjour) ne s’est pas encore rétablie dans les hôpitaux, analyse l’ancienne ministre. « Or, nous sommes très dépendants des prescriptions de l’hospitalisation conventionnelle », rappelle la Dr Hubert. « C’est inquiétant, les maladies et les malades n’ont pas disparu. Cela veut donc dire que les gens ne sont pas soignés. »

Autre raison souvent évoquée : le manque de notoriété de l'hospitalisation à domicile, qui est prescrite par les médecins traitants ou les praticiens hospitaliers. Or, un généraliste sur deux n'a jamais eu d'information sur cette offre et 50 % des médecins interrogés estiment que l'HAD est « peu connue des libéraux ». Une des pistes serait de former les médecins et les infirmiers à recourir à cette activité « par le biais de stages obligatoires » au sein des établissements d'HAD tout au long des cursus.  

Paradoxes

Autre raison de ce repli : les patients viendraient en HAD « à des stades plus lourds, plus graves et restent moins longtemps ». Une situation paradoxale : « On entend dire partout que les établissements sont sous tension, que l’on manque de bras. Mais les hôpitaux ne laissent pas partir les malades ! » « On garde des malades cinq ou six jours, alors que l’on pourrait les faire sortir au bout de trois jours », souligne la Dr Hubert. Une tendance qui existerait principalement dans les établissements de petite et moyenne capacité, plus dépendants d’une activité quotidienne. « Comme ils savent que les lits ne vont pas tourner, ils se disent qu'il vaut mieux avoir quelques milliers d’euros liés à un lit occupé trois jours de plus qu’un lit inoccupé », tacle la présidente de la Fnehad qui dénonce un calcul à courte vue. 

Les dysfonctionnements ne sont pas uniquement liés à un manque de moyens mais aussi à un « problème d’organisation », résume l’ex-ministre, persuadée que la France reste beaucoup trop hospitalo-centrée. Et ce n’est pas le Ségur de juillet 2020 qui a supprimé cette « vision d’un autre temps ». Les professionnels continuent à « raisonner en silos, avec l’ambulatoire d’un côté, et de l’autre l’hospitalier », ce qui ne peut conduire qu’à un « échec », tance Élisabeth Hubert. D'où la nécessité de repositionner l'hôpital, beaucoup trop axé sur la gestion des lits. « La valeur ajoutée de l’hospitalisation, ce sont ses plateaux techniques, son expertise, les innovations thérapeutiques, la recherche. Ce n’est pas de faire de l’hôtellerie », recadre la Dr Hubert.

Un financement plus incitatif ? 

De son côté, l'hospitalisation à domicile doit s'ancrer davantage sur « son cœur de métier, la complexité des soins délivrés » – soins palliatifs, plaies et pansements complexes, surveillance post-chirurgicale, etc. – et développer des compétences « qui nous rendent incontournables et irréfutables ». Autre chantier : développer, à l’image de la chimiothérapie à domicile, de « nouveaux services aux patients » et élargir la gamme des indications (comme les anticorps monoclonaux en oncologie).

Mais pour relever ces défis, il sera indispensable de dépasser « l’affrontement financier entre l’hospitalisation de jour et l’hospitalisation à domicile ». Le nœud du problème est identifié : « Un établissement qui confie un patient en HAD se coupe à 100 % de sa propre rémunération », glisse Élisabeth Hubert. D’où l’importance à ses yeux de rénover le mode de financement. Les activités hospitalière et ambulatoire sont tellement « interpénétrées qu’on ne peut plus être dans le blanc ou le noir », explique l’ancienne ministre qui souhaite « intégrer le fait qu’il n’y a pas obligatoirement un seul acteur » et « tenir compte du service rendu ». Dans sa plateforme 2022, la Fnehad souhaite que le mode de financement « favorise financièrement les établissements et les praticiens » qui privilégieront le recours à l'HAD au nom de la pertinence et de la qualité des soins. 


Source : lequotidiendumedecin.fr