Rose, une petite jeune femme de 20 ans, toute menue, ne fait pas son âge. On la croirait encore adolescente. Mais elle a déjà vécu bien des épreuves dans sa courte vie. Enceinte à l’âge de quinze ans, elle a accouché seule dans son village, Mahanoro, qui se trouve à quatre jours de marche et à douze heures de car de l’hôpital de Brickaville dans la province malgache de Tamatave, où est situé le navire-hôpital Africa Mercy de l’ONG Mercy Ships.
Rejetée par son petit ami et par l’ensemble de sa famille, sa charge mentale et sa « honte » se sont alourdies avec l’anomalie de son fils Danielo, petit garçon atteint d’un kyste protubérant de la paroi thoracique. Le cas de Rose est emblématique. Nombre de jeunes femmes à Madagascar se retrouvent enceinte avant 15 ans, souvent en raison de violences sexuelles ou par méconnaissance de la contraception insuffisamment diffusée dans le pays. L’école, payante, empêche un grand nombre d’enfants d’avoir accès à une éducation de base. Rose n’y est jamais allée.
Deux euros par semaine pour (sur)vivre
Sans argent, elle a dû travailler dans une mine d’or pour pouvoir survivre, sans jamais lâcher Danielo, qui l’accompagnait dans son travail pénible et dangereux. Elle vivait avec deux euros par semaine. C’est par la radio qu’elle a entendu dire que l’ONG humanitaire Mercy Ships, présente à Madagascar depuis le début de l’année, organisait dans le pays des sélections de patients opérables. Les opérations à Madagascar sont payantes et très peu de personnes peuvent se le permettre, la majorité n’ayant aucune couverture sociale. Seule à décider du sort de son fils, contre l’avis de sa famille qui ne croyait pas aux bienfaits de la chirurgie, Rose est entrée en contact via des amis avec une infirmière de l’hôpital de Brickaville, qui l’a mise en contact avec Mercy Ships et soutenue au quotidien. Pour raconter l’histoire de Rose, Jessica, une Malgache, traductrice dans l’équipe de communication de l’ONG, fait le lien avec « Le Quotidien ». L’ONG s’appuie sur plusieurs habitants pour échanger avec les patients, y compris pour annoncer des mauvaises nouvelles en cas d’impossibilité d’opérer.
Un second souffle pour Rose
Après un long périple pour arriver au Hope Center, établissement situé à terre qui gère le pré et le post-opératoire, Rose est arrivée le 2 octobre. L’opération a eu lieu avec succès le 19 octobre. La jeune femme est toujours stressée par les perspectives du futur sans argent et sans soutien familial, mais s’avoue soulagée du rétablissement de son fils. Elle rêve pour lui qu’il aille à l’école. Son autre rêve est professionnel : Rose aimerait ouvrir une boutique de vêtements. L’opération est la première réussite de Mercy Ships. La seconde réside dans le second souffle redonné à Rose et à son petit garçon, très dynamique. L’ONG applique dans la pratique le proverbe africain des petits pas : « Seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin. »
Hope Center, aux petits soins pour les patients de Mercy Ships
Hannah Ostermeier, une jeune femme américaine, est la championne de la logistique. Directrice du Hope Center, l’établissement qui héberge 260 patients avant et après leur chirurgie ainsi que leurs aidants et où travaillent 32 personnels jour et nuit, elle nous explique au pas de charge le fonctionnement de l’institution. À tour de rôle, une quinzaine de personnes travaillent à la cuisine, ainsi que 18 personnels de jour, 10 de nuit et 5 administratifs. Le Hope Center a fait l’objet d’une rénovation en 2023, en même temps que l’Africa Mercy. Il a ouvert ses portes quelques semaines après que ce dernier est arrivé au port de Tamatave, en février 2024. Il est installé dans l'enceinte du CHU de Tamatave et héberge environ 240 patients, dont près de la moitié sont des « caregivers » (aidants). « Lundi 21 octobre, cela a été le jour le plus intense, source d’un très gros stress », témoigne Hannah. La veille, 45 personnes sont arrivées au centre pour être opérées le lendemain, la plupart de la cataracte. Hanna ne montre aucun signe de fatigue, alors même qu’elle a dû gérer une coupure d’eau et de courant cette nuit. Son travail de coordinatrice entre le Hope Center et le bateau – où en plus des patients pour les opérations chirurgicales est transporté le linge de l’hôpital (drap, serviettes, moustiquaires) – est colossal. Elle nous montre des dizaines de briques de lait prêtes à être consommées par les patients, dont beaucoup d’enfants, mais aussi les jerricanes d’eau entreposés en cas de coupures d’eau, récurrentes à Madagascar. Le centre a des partenariats locaux pour fournir du pain et de l’eau. Il anime un atelier hebdomadaire pour apprendre aux femmes à fabriquer des serviettes hygiéniques réutilisables. En décembre, quand l’Africa Mercy rejoindra Durban pour sa réfection de deux mois, le Hope Center va aussi fermer ses portes. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’Hannah pourra prendre des vacances bien méritées.
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