Plus de huit Ehpad publics sur dix déficitaires, le « seuil d’alerte dépassé » pour la FHF

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Publié le 18/04/2024
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La Fédération hospitalière de France (FHF) a publié jeudi 18 avril une enquête détaillée sur la situation financière des Ehpad public. Leur déficit atteint 800 millions d’euros en 2023, soit une hausse de 60 % en un an.

Crédit photo : Sébastien Toubon

Près de 85 % des Ehpad publics enregistrent un résultat déficitaire pour l’exercice 2023, soit presque un doublement en cinq ans, et ce malgré un taux d’occupation moyen qui a remonté à 94,4 %. C’est le principal enseignement tiré de l’enquête nationale* menée par la Fédération hospitalière de France (FHF) en mars 2024 et rendu publique le 18 avril. La Fédération avait déjà alerté à plusieurs reprises sur la situation catastrophique de ces établissements dans un contexte compliqué post-affaire Orpea.

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Une tendance à la généralisation des situations déficitaires.

Pour les Ehpad ayant des résultats déficitaires, le niveau déjà très élevé du déficit moyen (3 226 euros par place en 2022) s’est encore aggravé en 2023. Le secteur accuse une augmentation de 19 % (3 850 euros par place). La somme des déficits constatés auprès des 619 Ehpad déficitaires ayant répondu à l’enquête, représente un montant global de 360 millions d’euros. Extrapolé sur l’ensemble des Ehpad publics relevant de la fonction publique hospitalière, sur la même proportion d’établissements déficitaires, ce montant est estimé par la FHF à près de 800 millions d’euros. Ajouté à celui de l’année 2022 qui était de l’ordre de 562 millions d’euros, « le déficit cumulé pourrait représenter plus de 1,3 milliard d’euros », selon la Fédération.

Des aides jugées insuffisantes

Ces résultats tiennent compte des crédits exceptionnels versés en juillet et en décembre 2023. Ces établissements ont en plus reçu des aides et avances de trésorerie de la part des autorités de tarification : près de 40 % ont bénéficié de crédits exceptionnels des agences régionales de santé (issus du fonds d’urgence et/ou de crédits non reconductibles) et 11,4 % d’entre eux se sont vu attribuer des crédits exceptionnels par le conseil départemental.

En 2023, un Ehpad sur trois a rencontré des difficultés de trésorerie; un sur cinq a eu besoin d’avoir recours à une ligne de trésorerie ; un sur trois a différé le paiement de certaines charges pour soulager sa trésorerie. Près d’un quart d’entre eux a sollicité la commission départementale de suivi des difficultés financières, un dispositif créé à l’été 2023 réunissant les financeurs et les créanciers publics ayant pour mission d’examiner les difficultés de trésorerie et d’accorder des aides ponctuelles ou des souplesses dans le paiement des dettes sociales ou fiscales.

Un taux d’occupation pas encore revenu à la normale

Fait remarquable, alors que leur déficit est fort, en 2023 la reprise de leur activité se confirme. Entre 2019 et 2021, le taux d’occupation moyen s’était effondré de cinq points, passant de 96,7 % à 92 %. Il est remonté à 93,4 % en 2022 et 94,4 en 2023. Les Ehpad n’ont donc pas complètement retrouvé leur taux d’occupation d’avant-crise sanitaire.

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Entre 2019 et 2021, il a été constaté une diminution globale de l’activité de l’ordre de 5 points.

Quelles sont les causes principales de cette dégradation financière ? Première indication : 278 Ehpad pointent une augmentation moyenne de 21 % des charges de la section hébergement entre 2020 et 2023.

98 % des sondés évoquent l’impact de l’inflation sur les charges d’exploitation (énergie, alimentation). 84 % citent la compensation incomplète des revalorisations salariales par les pouvoirs publics. 74 % mentionnent l’évolution insuffisante des tarifs d’hébergement. Seuls 42 % d’entre eux invoquent la baisse de l’activité.

Augmenter les tarifs soin et hébergement de 5 %

En conséquence, la FHF sollicite, « à court terme, des pouvoirs publics », une augmentation de 5 % du forfait soin des Ehpad pour assurer le financement des 6 000 recrutements par an nécessaires pour atteindre l’engagement gouvernemental de 50 000 postes supplémentaires d’ici 2030, une augmentation de 5 % sur les tarifs hébergement administrés par les conseils départementaux (tarifs à l’aide sociale), et l’engagement de la révision des règles socio-fiscales qui pénalisent les établissements publics par rapport au secteur privé. La Fédération émet aussi le vœu d’« une feuille de route claire », c’est-à-dire « qu’une loi de programmation pour le Grand Âge soit élaborée au plus vite », appelant à « refonder les modèles de financement de A à Z », afin de répondre aux besoins des aînés.

*Ont répondu 733 Ehpad publics (autonomes et rattachés à un établissement public de santé), 335 Ehpad publics autonomes et 398 Ehpad rattachés à un centre hospitalier


Source : lequotidiendumedecin.fr