Paradoxalement, l'exécutif pourrait avoir fragilisé le dialogue avec les praticiens hospitaliers (PH) en les réunissant au ministère de la Santé, quelques jours avant la mobilisation du 14 novembre pour l'hôpital. Son erreur ? L'ordre du jour d'une réunion du Conseil supérieur des personnels médicaux (CSPM), jugé en décalage complet avec les attentes du secteur en proie à une crise qui ne se calme pas.
« C'est grotesque, l'hôpital agonise et on nous convoque pour parler… de notre assurance chômage. » Le Dr Renaud Péquignot, président d'Avenir hospitalier (AH), ne décolère pas depuis cette réunion à laquelle il était convié comme tous les syndicats de PH représentatifs. Depuis les élections professionnelles en juillet, c'était la première fois que le nouveau CSPM était ainsi réuni. L'instance chargée d'examiner les textes concernant le statut ou l'exercice des PH devait plancher ce jour-là sur trois documents relatifs à l'assurance chômage, à la rupture conventionnelle et au cumul d'emploi.
Rien, donc, sur les rémunérations et les carrières, revendications pourtant centrales des syndicats, et alors qu'Agnès Buzyn s'est engagée à rouvrir ce dossier laissé en jachère par Marisol Touraine. « Alors que 30 % des postes médicaux sont vacants à l'hôpital, quel PH va s'intéresser à son assurance chômage ? », s'agace le Dr Renaud Péquignot. « C'est soit de la bêtise, soit de la provocation », analyse le chef du service de médecine et réadaptation des Hôpitaux de Saint-Maurice (Val-de-Marne) qui explique avoir fini par quitter la réunion au bout de 45 minutes.
« Cela montre que le gouvernement ne veut pas engager de négociations », abonde Jacques Trévidic, président de l'Intersyndicale Action praticiens hôpital (APH). Le pharmacien hospitalier à Caudan (Morbihan) s'interroge sur le sens de cette séance qu'il juge « non seulement vexante mais dérisoire ». « Le ministère veut peut-être entrer dans une épreuve de force pour justifier une volte-face après la journée de mobilisation du 14 novembre ? »
APH et le syndicat Jeunes Médecins dénoncent d'une même voix l'attitude « désinvolte » du ministère à l'heure où « la colère gronde dans l'ensemble des établissements publics, reflet d'une dégradation de cette institution publique qui prend l'eau de toute part ». Il font aussi valoir que la période épidémique « pointe son nez ».
Timing maladroit pour l'INPH
D'autres syndicats de PH sont beaucoup moins sévères. Pour le Pr Sadek Beloucif, président du Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes, biologistes et pharmaciens des hôpitaux publics (SNAM-HP), le CSPM n'est pas un lieu de négociation syndicale où on peut espérer revoir la grille salariale. « Mes collègues se sont trompés de cible », recadre le PU-PH.
Une position partagée par son homologue de la Coordination médicale hospitalière (CMH), le Dr Norbert Skurnik. « Selon l'article 194 de la loi Touraine, le CSPM n'a aucune validité pour négocier quoi que ce soit », analyse le psychiatre. Le Dr Rachel Bocher, présidente de l'Intersyndicat national des PH (INPH) épingle de son côté la « maladresse dans le timing » du ministère en réunissant cette « instance très technique ».
La prochaine convocation du CSPM est fixée le 19 novembre, soit cinq jours après la grande mobilisation hospitalière du 14. Agnès Buzyn en personne pourrait intervenir pour « faire des annonces » aux médecins hospitaliers, croit savoir APH. La question de l'attractivité sera-t-elle à l'ordre du jour ? La ministre a promis mi-octobre un « plan de soutien » pour l'hôpital dans le courant du mois de novembre.
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