Pénibilité et fins de carrière à l'hôpital public

Retraites : les PH veulent (aussi) tirer leur épingle du jeu

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Publié le 13/01/2020
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Les praticiens hospitaliers affûtent leurs arguments pour convaincre le gouvernement de prendre en considération la pénibilité de leurs métiers. D'autant que le premier ministre l'a assuré : cette fois, l'hôpital ne sera pas oublié.  Travail de nuit, gardes après 60 ans, statuts… : les PH mettent tout sur la table.

Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

En 2014, les praticiens hospitaliers (PH) avaient fait des pieds et des mains pour s'infiltrer dans la réforme des retraites de Marisol Touraine, qui ouvrait un compte pénibilité pour les salariés du privé. En vain.

Cinq ans plus tard, rebelote. Alors que le gouvernement enchaîne les réunions de concertation avec les centrales syndicales interprofessionnelles, les PH sont en embuscade au ministère de la Santé.

Car depuis la présentation de la réforme, le 11 décembre, l'hôpital est fébrile. Édouard Philippe l'a assuré : la pénibilité sera « l'un des piliers de l'universalité [du nouveau] système de retraite »« Nous donnerons la possibilité aux personnes qui exercent des métiers usants de partir deux années plus tôt que les autres. Le compte pénibilité [ou C2P pour compte professionnel de prévention, NDLR] sera ouvert à la fonction publique et en particulier à l'hôpital » et le seuil du travail de nuit sera « abaissé afin que davantage d'agents puissent bénéficier d'un départ anticipé », a précisé une semaine plus tard l'hôte de Matignon, évoquant les infirmières et les aides-soignantes.

Concrètement, ce compte doit permettre de mesurer la pénibilité endurée au quotidien par les hospitaliers et de la valoriser – en cumulant des points, susceptibles d'être transformés en trimestres ou de favoriser un passage à temps partiel en fin de carrière sans perte de salaire. Le 7 janvier, les travaux relatifs à la pénibilité ont fait l'objet d'une première réunion de cadrage avec les partenaires sociaux.

En parallèle, les syndicats de la fonction publique hospitalière sont reçus à partir d'aujourd'hui par Agnès Buzyn pour ouvrir une concertation en bilatérales autour du second pilier de la réforme : « l'aménagement des fins de carrière » et l'ouverture de la « retraite progressive » (passage à temps partiel) à l'hôpital pour alléger le temps de travail des personnels les plus âgés. 

Paradoxe

Si les PH ne sont pas conviés à ces grandes manœuvres prévues jusqu'en février, ils estiment être concernés par les six facteurs de risques du C2P (dix avant 2017) : travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, activités en milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit, travail répétitif. « Le praticien soulève les patients, le chirurgien est en posture debout et, au bloc, le bruit est permanent. On fait du travail posté [en 3x8, 2x8, 2x12, NDLR], on assure quatre à cinq gardes par mois, des astreintes… Entre la fatigue, l'anxiété, le risque cardiovasculaire et les troubles du sommeil, l'impact sur la santé des PH est considérable. Être exclus du champ de la pénibilité est un grand paradoxe ! », analyse le Dr Anne Wernet, présidente du SNPHARe. 

La semaine dernière, les syndicats APH (centrale dont fait partie le SNPHARe) et Jeunes médecins ont, à leur demande, été reçus au ministère de la Santé. Dans son projet de loi, le gouvernement propose de travailler 110 nuits par an (au lieu de 120) pour bénéficier des points relatifs au travail de nuit, et de faire passer le seuil de 50 à 30 nuits pour honorer le critère du travail en équipes alternantes.

C'est sur ce dernier point que se positionnent les deux syndicats de médecins hospitaliers. APH souhaite obtenir la retraite à taux plein et un départ anticipé d'un an pour les PH ayant dépassé le seuil de 900 gardes ou astreintes déplacées sur une carrière de 30 ans. Les seuils pourraient être modulés selon les spécialités et la tension démographique.

Autre espoir : basculer – grâce aux points pénibilité et sans perte de salaire – vers des postes ou tâches moins exposés (médecin DIM, missions extrahospitalières, recherche, lien ville/hôpital, etc.) à partir de 55 ans, ou même interdire les gardes obligatoires après 60 ans. 

Les PU-PH et l'injustice

Reçue en février au ministère, l'INPH revendique de son côté une « retraite décente » pour les PU-PH, qui cotisent uniquement sur leurs revenus universitaires et non sur leurs émoluments hospitaliers. « Un PH perçoit presque 1 000 euros de retraite en plus qu'un PU-PH, quelle injustice ! », tonne Patrick Léglise, délégué général adjoint. Le syndicat compte défendre ses idées dans le cadre plus large des négociations statutaires qui devraient reprendre dans les prochaines semaines. 

Reste à savoir si les médecins hospitaliers ne seront pas une nouvelle fois laissés au bord du chemin. Contacté, le cabinet de Laurent Pietraszewski, secrétaire d'Etat chargé des retraites, confirme que « le compte professionnel de prévention est ouvert à tous les Français ». À l'hôpital, l'abaissement des seuils de pénibilité s'appliquera « à tous ». Et de conclure : « Tous les Français sont inclus dans le système de retraite. Donc les praticiens hospitaliers sont inclus ».

Anne Bayle-Iniguez
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Source : Le Quotidien du médecin