Proposition de loi Rist : les syndicats hospitaliers redoutent le retour des « officiers de santé »

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Publié le 26/01/2023
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Crédit photo : S.Toubon

Les syndicats de médecins libéraux ne sont pas les seuls à s’opposer à la proposition de loi (PPL) de la députée et rhumatologue Stéphanie Rist (Loiret, Renaissance), qui vise à ouvrir l’accès direct et à élargir les compétences de plusieurs professionnels de santé. Les syndicats hospitaliers sont aussi vent debout contre le texte. À l’image de l’intersyndicale Actions praticiens hôpital (APH) qui demande le retrait de l’article 1 - sur les infirmières en pratique avancée (IPA) - « dans sa totalité ».

Celui-ci permettrait d’ouvrir « le primo-recours, le primo-diagnostic et la primo-prescription » aux IPA dénonce APH qui considère que l’ambition du texte est de « créer un "Canada dry" de docteur permettant d’irriguer l’ensemble des territoires ». Or, l’exercice médical, à l’hôpital ne peut se concevoir « sans la coordination d’une équipe médicale et paramédicale », selon l’intersyndicale qui estime que le médecin « doit rester celui qui réalise le diagnostic et la stratégie thérapeutique, car seule la formation de médecin le permet ».

« Médecine à deux vitesses »

En cause, l’article 1 de la PPL Rist qui crée un nouveau statut « d’infirmier en pratique avancée praticien ». Des « super IPA » qui pourront ainsi « intervenir en première ligne » sur des pathologies courantes « identifiées comme bénignes ». Mais « comment définit-on ce qui est bénin ou pas ? Pour affirmer que c’est bénin, il faut être médecin », indique au « Quotidien » la Dr Anne Geffroy-Wernet, la présidente du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (Snphare). Quand un patient vomit et a mal à la tête, « il peut avoir une méningite comme une gastro-entérite », rappelle l’anesthésiste-réanimatrice du CH de Perpignan qui estime que « cela n’a pas de sens de transférer des responsabilités dans des situations aiguës ».

La Dr Anne Geffroy-Wernet n’est pas opposée à la délégation de tâches, à condition que le médecin reste « maître de la stratégie thérapeutique ». Comme les syndicats de médecins libéraux, elle met en garde contre une « médecine à deux vitesses », mais aussi le retour des « officiers de santé » de la période révolutionnaire. À l’époque, deux décrets de 1793 avaient permis à ce nouveau corps d’exercer la profession médicale sans le titre de docteur en médecine. En autorisant les IPA à traiter les pathologies d’urgence, la France reviendrait « deux siècles en arrière », estime l’anesthésiste-réanimatrice.

Inquiétudes pour les Iade

Une inquiétude partagée par conseil national professionnel d'anesthésie-réanimation et médecine péri-opératoire (CNP ARMPO). Contacté par « Le Quotidien », son président, le Dr Laurent Delaunay, estime également que l’ouverture de l’accès direct pourrait entraîner le « retour des officiers de santé du début du XIXe ».

Au-delà des IPA, le médecin-anesthésiste de Haute-Savoie craint que les infirmiers anesthésistes diplômés d'État (Iade) soient à leur tour intégrés dans la PPL Rist. Si, pour le moment, les amendements qui évoquaient la question des Iade ont été « mis de côté », il n’est pas impossible que le transfert de compétences des IPA s’étende aux Iade, considère-t-il.

« Sanctuariser l’anesthésie »

Or, si le projet de loi venait à donner aux Iade les prérogatives du médecin anesthésiste-réanimateur (autonomie de prescription, etc. ), il s’opposerait selon lui au décret de 1994, « qui a permis de sécuriser l’anesthésie », mais aussi au décret de compétences des Iade de 2017. Ce dernier prévoit que « les Iade travaillent sous la responsabilité du médecin anesthésiste. Mais l’accès direct et les possibilités de prescription ouvertes par la PPL Rist sont incompatibles avec ces deux décrets », observe le Dr Delaunay.

Selon lui, il est donc fondamental « de préserver le binôme médecin/infirmier qui permet de travailler en toute sécurité, avec une bonne qualité de soins, et, surtout, en bonne entente ». C’est la raison pour laquelle il milite pour la définition d’un « statut clair des Iade, différent des IPA ». Une troisième voie qui « reconnaîtrait leurs pratiques actuelles dans le cadre des décrets existants ».

Les ARM reconnus comme professionnels de santé

Mais la proposition de loi Rist a toutefois fait quelques heureux : les assistants de régulation médicale (ARM). Suite à un amendement du gouvernement, ceux-ci ont désormais le statut de professionnels de santé. Une nouvelle saluée par l’Association française des assistants de régulation médicale (Afarm), l’Union Nationale des Assistants de Régulation Médicale (Unarm) ainsi que le Samu-Urgences de France (SUdF) heureux que « cette anomalie historique » soit « en voie d’être corrigée ».

Les trois organisations en profitent pour exiger une nouvelle grille de rémunération. Pour que la qualification des ARM soit « reconnue niveau 5 soit bac +2 », en tenant compte de leurs missions et de leur niveau de responsabilités.


Source : lequotidiendumedecin.fr