Panne des numéros d’urgence : 11 % des appels n’ont pas pu aboutir, l'origine du bug dévoilée

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Publié le 14/06/2021
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Crédit photo : S.Toubon

Le mercredi 2 juin, entre 16 h 45 et minuit, une panne historique a paralysé l’ensemble des numéros d’urgence. Au total, 11 800 appels aux services d’urgences n’ont pas pu aboutir, soit 11 % des communications, a précisé Orange.

L’opérateur, à l’origine de la panne, a détaillé les conclusions de son rapport interne sur l’incident, réalisé par l’Inspection générale du groupe. Mandatée par le P-DG d’Orange, Stéphane Richard, l’enquête éclaire les origines du bug.

La coexistence de deux systèmes téléphoniques

Si Orange se dit « conscient de cette responsabilité », il confirme qu’il « s’agit bien d’un dysfonctionnement logiciel ». Pour bien comprendre les ressorts de cette panne, il faut revenir aux fondamentaux du réseau téléphonique français. Actuellement, deux systèmes téléphoniques coexistent. L’ancien monde d’abord - le « réseau téléphonique commuté » ou RTC - qui fait fonctionner le téléphone fixe par le réseau cuivre, branché à la fameuse prise T. De l’autre côté, la téléphonie sur IP, ou « VoIP », c'est-à-dire le téléphone branché à la box Internet.

Depuis 2018, Orange a annoncé vouloir progressivement mettre fin au RTC, pour généraliser à l’ensemble de la France la téléphonie sur IP. Or, la même année, 70 % des sociétés française continuaient à utiliser le vieux système. Actuellement, 90 % des services d’urgences fonctionnent toujours sur le RTC.

Pour faire cohabiter ces deux technologies, des plateformes - ou « calls servers » - permettent de passer d’un système à l’autre. C’est au niveau de cette interconnexion qu’a eu lieu le dysfonctionnement, entraînant la panne nationale.

Une « opération de modernisation » qui tourne mal

Alors qu’Olivier Véran évoquait une opération de maintenance, le bug a plus précisément eu lieu lors d’une « opération de modernisation et d’augmentation capacitaire du réseau, débutée début mai, pour répondre à l’accroissement du trafic », indique Orange.

« Cette défaillance logicielle est désormais identifiée par le partenaire fournisseur des équipements concernés (du calls servers N.D.L.R.) et un correctif a été adressé », souligne l’opérateur, sans pour autant nommer le prestataire. Le bug a touché simultanément les 6 serveurs, prévus pourtant comme soupape en cas de panne.

Vers la création d'un numéro d'urgence des urgences ?

Orange reconnaît des erreurs dans la gestion de la panne, comme « le retard dans l’activation de la cellule de crise managériale » qui a entraîné « une communication tardive vers toutes les parties prenantes ». Néanmoins, l’opérateur accuse aussi à bas bruit l’obsolescence des services de l’État, et propose de les accompagner « dans l’accélération de la migration vers la technologie IP des centres d’appels des services publics et des entreprises en RTC, pour renforcer la résilience de ces équipements ».

Par ailleurs, l’Inspection générale du groupe émet une poignée de recommandations pour éviter qu’une nouvelle panne générale ne se reproduise. Parmi les propositions : la création d’une sorte de « numéro d’urgence des urgences » ; en d'autres termes, la mise en place « d’un numéro dédié, disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, pour les parties prenantes (services de l’État, CHU, Samu…) en cas de dysfonctionnement sur les numéros d’urgence ».

Orange préconise également l’utilisation massive du SMS pour avertir de la panne et des consignes à suivre. Enfin, le groupe propose de réduire de 2 heures à 30 minutes « maximum » le délai de déclenchement d’une cellule de crise en cas de nouvelle perturbation touchant les services « vitaux ».

Cinq victimes présumées

En parallèle de l’enquête interne diligentée par Orange, le gouvernement a mandaté l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) d’un audit « de contrôle de la sécurité et de l’intégrité » des réseaux existants. Les conclusions sont attendues pour la mi-août. Stéphane Richard doit être auditionné à ce sujet mercredi 16 juin par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.

Pour l’heure, cinq décès présumés ont été recensés à la suite de la panne. « Nous déplorons des victimes qui sont susceptibles d’avoir été causées par ce grave incident », avait indiqué Jean Castex le 4 juin, précisant qu’il se prononçait « sous réserve évidemment de ce que diront les enquêtes, notamment les enquêtes judiciaires qui sont ouvertes ».


Source : lequotidiendumedecin.fr