Vente aux enchères de la radio d’une blessée du 13-Novembre : le Pr Masmejean « regrette amèrement » avoir commis une « grossière erreur »

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Publié le 24/01/2022

Crédit photo : AFP

Quelles raisons obscures ont poussé le Pr Emmanuel Masmejean, chirurgien à l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) de l’AP-HP, à mettre aux enchères la radio d'une victime des attentats du 13-Novembre ? Selon l'enquête de Mediapart publiée ce samedi, le cliché de l'avant-bras de la patiente, sur lequel apparaissent une fracture ouverte et une balle de kalachnikov, était mis en vente au tarif de 2 776 dollars, sur OpenSea. Cette plateforme de vente de NFT, ces « jetons non fongibles », des actifs numériques uniques, qui s'appuient sur la technologie blockchain, est très prisée par les collectionneurs ou les spéculateurs sur le marché de l’art.

Chirurgien orthopédiste réputé, membre de la Société française de chirurgie de la main (SFCM) et de l’Académie nationale de chirurgie, le Pr Emmanuel Masmejean, affirmait sur OpenSea être le « créateur » et le « propriétaire » de cette œuvre. Sur les 22 blessés des attentats soignés à l’HEGP, il en a personnellement opéré cinq dont la jeune femme de la radio, à laquelle il n'aurait pas demandé d'autorisation de publication, selon Mediapart.

Dimanche, le Pr Masmejean a fini par admettre, dans un communiqué transmis à la SFCM, avoir commis une « erreur grossière » qu’il « regrette amèrement ». Il estime avec le recul s’être « totalement égaré dans une démarche inepte et déplacée qui a légitimement offensé ceux que j’avais eu l’honneur de soigner : les victimes d’attentats. » Il a également adressé ses excuses « à celles et ceux qui ont été légitimement heurtés et tout particulièrement aux patients rescapés des attentats du 13 novembre 2015 ». Il dit également avoir « détruit l’œuvre en question (moins de 48 heures après sa mise en ligne) » et n'en avoir tiré aucun profit. « Il n’en reste pas moins que soigner dans le cadre du service public hospitalier est toute ma vie et que je souhaite pouvoir continuer à servir cette vocation » conclut-il.

Faute professionnelle

Contacté lundi par « Le Quotidien », le président de l’Académie nationale de chirurgie, le Pr Albert-Claude Benhamou, estime qu’il est encore « prématuré de se prononcer sur la réalité de l’infraction que notre confrère aurait commise ». Il rappelle que l’Académie n’a « pas de pouvoir d’enquête » pour vérifier la véracité de ces informations. Cependant, « si les faits évoqués sont avérés par les instances en charge de le faire, si des documents radiologiques de blessés du Bataclan ont été publiés sans demande d’autorisation, c’est une faute professionnelle qui doit être sanctionnée », selon le Pr Benhamou qui avoue avoir « du mal à comprendre » la démarche de ce « chirurgien de la main exceptionnel », qui a « une excellente réputation ».

De son côté, l’AP-HP a vivement réagi dès samedi midi, estimant que cette publication était « particulièrement problématique, choquante et indécente ». L’Assistance publique rappelle qu’elle est « attachée au respect de la dignité des patients », notamment les victimes des attentats du 13 novembre. Le soir même, c’est le directeur général de l’AP-HP, Martin Hirsch, qui estimait sur Twitter que cet acte, « d’une gravité exceptionnelle », était « contraire à la déontologie » et mettait en cause le secret médical. Selon lui, il prend « une résonance d’autant plus abjecte dans le contexte du procès en cours et de ce qu’ont enduré les victimes des attentats ». Martin Hirsch a donc annoncé qu’il allait saisir le Conseil de l’ordre, faire un signalement à la justice en application de l’article 40 du code pénal, mais aussi « saisir les ministres qui disposent du pouvoir disciplinaire ».

La SFCM a également réagi par communiqué : « en voulant faire commerce d’une pièce de dossier médical, notre confrère a violé le secret médical qui est la base de la confiance de nos patients. » Selon elle, « un cliché radiographique n’est pas une œuvre d’art, et rien ne justifie qu’un médecin puisse en tirer profit ». Le Pr Masmejean a immédiatement quitté ses fonctions au bureau de la société savante.


Source : lequotidiendumedecin.fr