La réforme des études, levier contre des déserts médicaux ?

Jeunes et doyens planchent sur une formation professionnalisante dans les territoires 

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Publié le 26/10/2017
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Et si la réforme des études médicales – autour d'une formation plus professionnalisante dans les territoires – était la meilleure arme contre les déserts ? Cette question a été débattue lors du dernier congrès de l'Ordre des médecins.   

Aujourd'hui, les CHU ne sont pas du tout « égaux » en matière d'attractivité, rappelle le Pr Stéphane Oustric, généraliste à Toulouse et vice-président de la section santé publique et démographie médicale à l'Ordre national. « Des postes sont ouverts dans des régions dans le besoin mais à la fin de la formation, il y a moins de diplômés, souligne-t-il. Par exemple, 47 % des internes dans le Limousin n'y restent pas ». Une déperdition très problématique pour les secteurs concernés et qui pose la question des modalités pratiques de la formation initiale.  

L'Ordre a suivi une cohorte de 1 200 internes toulousains de médecine générale entre 2005 et 2015 et analysé leur choix de début de carrière. Le résultat est clair : plus les internes effectuent de stages en ambulatoire, plus vite ils s'inscrivent à l'Ordre après l'obtention de leur diplôme et optent pour une installation en libéral dans la région même de formation. C’est l'inverse dans le Grand-Est. Christophe Lannelongue, directeur général de l'ARS, souligne que beaucoup de carabins quittent le nid de leur formation dès l'obtention du sésame. « Sur 200 internes, 40 % repartent dans leur territoire d'origine », commente-t-il. Et pour les autres, le délai entre la fin de l'internat et la primo installation est « long ».

Donner envie aux jeunes médecins de rester sur place et de s'installer dans les régions fragiles, le Nord-Aveyron l'a bien compris. Le département s'est organisé pour accueillir les juniors dans des maisons et pôle de santé, avantages à la clé. 8 % des internes de médecine générale choisissent de rester sur place après ces stages – contre seulement 1 % pour d'autres départements de la région. Désormais, 23 généralistes exercent dont huit ont moins de 40 ans. Cette embellie locale reste exceptionnelle.

Stages hors de l'hôpital en début de cursus

Comment convaincre les jeunes de s'installer en libéral, si possible dans les régions qui en ont besoin ? La diversification des terrains et modes d'exercice est un levier. « La formation doit montrer la réalité », affirme Christophe Lannelongue. Maxence Pithon, président de l'ISNAR-IMG, suggère de favoriser la création d'internats ruraux dans des zones isolées où les internes pourraient partager leurs expériences.

Des progrès ont déjà été réalisés grâce à la réforme du troisième cycle. « Deux stages minimum seront en ambulatoire », résume Maxence Pithon. Pas toujours suffisant. « Les internes en fin de formation ne sont pas prêts à s'installer », résume-t-il. Des modules sur la gestion du cabinet ou d'une structure de santé seraient bienvenus.

Les lignes de la formation initiale bougent. Une mission sur le second cycle des études est en cours, dirigée par le Pr Jean-Luc Dubois-Randé, président de la conférence des doyens, et Quentin Hennion-Imbault, ex-représentant de l'Association nationale des étudiants de France (ANEMF). « On va mettre très tôt les étudiants au contact de la médecine et en dehors de l'hôpital », annonce le Pr Dubois-Randé, qui trace quelques pistes. Les stages en ambulatoire débuteront dès la 3e année. Enfin, les épreuves classantes nationales (ECN) seraient supprimées dans leur forme actuelle, l'objectif étant de rendre le second cycle plus professionnalisant.

L'étudiant pourrait construire son projet professionnel, sans se focaliser sur le sacro-saint concours de l'internat. « Les étudiants négligent aujourd'hui leurs stages pour réviser », regrette Maxence Pithon, président de l'ISNAR-IMG. Sans compter que les ECN sont peu discriminantes. « Tout un projet de vie peut être brisé » avec ce système, ajoute-t-il.

Mobilité et double cursus 

L'Association des étudiants en médecine de France (ANEMF) planche de son côté sur les aménagements du cursus, après avoir mené une large concertation entre août et novembre. Selon le chef de file de l'ANEMF, Yanis Merad, le second cycle crée « des étudiants clonés ». « La maquette est unique et contraignante. Il faut laisser de la place au double cursus, à la mobilité et valoriser l'engagement étudiant », confie-t-il. D'autres réflexions sur le statut de l'étudiant à l'hôpital, la diversification des stages hors hôpital, les alternatives aux ECNi et le parcours professionnel seront au cœur des propositions. 

Sophie Martos « Les étudiants négligent aujourd'hui leurs stages pour réviser » Maxence Pithon, Président de l'ISNAR-IMG.

Source : Le Quotidien du médecin: 9613