LES CHU perdront-ils bientôt le monopole de la formation des internes ? La loi Bachelot entend redistribuer les cartes, en autorisant les cliniques à y participer à certaines conditions.
La FHP (Fédération de l’hospitalisation privée) n’a pas attendu le vote du Parlement pour démarcher les internes : elle fait sa pub dès à présent.En dernière page de la revue des internes « AVM », le message s’étale, en grosses lettres : « Internes en médecine, les cliniques se préparent à vous accueillir. Préparez-vous à venir chez nous! ». Un encadré présente les chiffres clés de l’hospitalisation privée, et une note en bas de page invite les internes intéressés par un stage en libéral à contacter la FHP. « C’est une anticipation raisonnable sur l’issue des débats », comment le délégué général de la FHP, Philippe Burnel.
La loi Bachelot (Hôpital, patients, santé, territoires) devrait être votée au printemps. Les députés, la semaine dernière, en ont validé le passage qui permet aux cliniques de remplir des missions de service public. Reste la lecture au Sénat. Sans attendre, la FHP a rencontré la Conférence des doyens mardi, histoire de sonder la profession. L’accueil, de l’avis de Philippe Burnel, a été cordial. Au final, la Conférence des doyens se serait prononcée en faveur de l’accueil des internes par les cliniques privées, mais de manière non unanime. « Des doyens, à titre individuel, nous ont fait savoir qu’il y étaient opposés », expose Philippe Burnel. A l’instar du Pr Patrick Berche (Paris V), « farouchement hostile » à la perspective : « Le service public prend en charge les urgences et la précarité et forme infirmières et médecins avec des objectifs très précis. Le privé en a d’autres, il a une motivation liée au recrutement et sa finalité est de gagner de l’argent ». Le doyen parisien redoute que les établissements privés ne consacrent pas suffisamment de temps à l’enseignement. « J’ai peur qu’on utilise des jeunes avec toute leur dynamique pour des tâches lucratives et pour un salaire faible et que ces jeunes soient recrutés ensuite avec des salaires beaucoup plus intéressants que ceux des chefs de clinique ».
L’objectif de la rencontre de mardi était de bâtir une feuille de route. Les doyens ont posé des conditions, que détaille le délégué de la FHP : « Il faudra qu’une équipe s’engage, et non un médecin seul. Une équipe qui a du temps, et qui fait un travail de qualité. Idéalement, il faudrait que les internes ne soient pas isolés, mais qu’ils soient plusieurs sur un même site ». Les doyens ont déjà fait savoir qu’ils souhaitent le respect d’un certain nombre de gardes fous, et notamment le fait que l’agrément soit donné au responsable d’une spécialité sur un projet précis, pendant une durée déterminée et pour certaines spécialités qui ne peuvent pas être enseignées dans des conditions satisfaisantes dans des hôpitaux publics : chirurgie de la main, proctologie, chirurgie ambulatoire ou du genou...
La FHP et les doyens ont prévu de se revoir en juin, pour un bilan d’étape. D’ici là, les doyens vont recenser les besoins, et la FHP va recenser les cliniques et les équipes médicales intéressées par l’accueil des internes. « Nous avons conscience que les doyens et les coordonnateurs de disciplines en région ont la main, reprend Philippe Burnel . Nous ne doutons pas de l’intérêt des internes pour notre secteur, ni des compétences de nos cliniques. Le plus difficile sera d’obtenir les agréments auprès des patrons de discipline. Après, il faudra que l’offre et la demande concordent. Nous verrons bien ».
Suspension de l’interne de Tours condamné pour agressions sexuelles : décision fin novembre
À Clermont-Ferrand, un internat où « tout part en ruine »
« Pour la coupe du monde, un ami a proposé quatre fois le prix » : le petit business de la revente de gardes
Temps de travail des internes : le gouvernement rappelle à l’ordre les CHU