« La rémunération, c'est tabou ».
Selon le Dr Sophie Augros, présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR), il est nécessaire d'informer les futurs confrères sur les rémunérations auxquelles ils peuvent prétendre pour exercer sereinement une fois diplômés. Joignant le geste à la parole, trois généralistes d'une trentaine d'années, un remplaçant, une ex-collaboratrice et une jeune installée ont accepté de comparer leur statut et leurs revenus devant 200 internes réunis en congrès à Nancy.
Le statut, un choix personnel
Le Dr Pierre-François Angrand a choisi d'être remplaçant. Il a démarré son activité fin 2015 et a connu un rythme plus soutenu en 2016. Il supplée sept médecins, pendant des périodes de quelques jours à plus d'un mois à un rythme de 20 à 30 consultations par jour. « J'effectue des remplacements réguliers et pendant les vacances scolaires », précise-t-il. Le jeune remplaçant des Hauts-de-France affirme avoir travaillé entre 100 et 150 jours en 2016. « J'ai fait un choix, confie-t-il à l'assistance. J'ai limité mon activité. Si vous remplacez un médecin à un rythme de 40 patients par jour, vous gagnerez plus. En revanche, il faut vous y prendre tôt. »
Le Dr Charline Boissy a-elle choisi de s'orienter vers la collaboration en 2014 dans une zone semi-rurale en Rhône-Alpes. Elle travaillait trois jours par semaine avec une demi-journée en plus en hiver en cas d'affluence, à un rythme de 25 consultations par jour. Elle était aussi médecin salariée d'une association un jour par semaine. « Je commençais à 9h et je rentrais à 19h », résume-t-elle. La collaboration a été mise en place par l'Ordre pour donner envie aux généralistes de s'installer, précise le Dr Augros. Le médecin collaborateur n'a pas à gérer les charges mais verse une redevance pour l’utilisation du cabinet (dans le cas présent une rétrocession de 20 % des honoraires). « Le contrat est signé pour deux ans mais il peut être rompu. Il faut surtout écrire noir sur blanc les conditions afin d'éviter les tensions », ajoute le Dr Boissy.
Enfin le Dr Augros, installée, a relaté son expérience de création d'un cabinet (avec une autre généraliste) en 2012 en Rhône-Alpes. En 2015, elle travaillait 3,5 jours par semaine ainsi qu'un samedi sur deux. Elle réalise entre 20 et 24 consultations quotidiennes et deux à cinq visites à domicile par semaine (elle est le médecin traitant de 780 patients). Le Dr Augros est maître de stage universitaire (MSU) et consacre à cette activité une journée et demi-hebdomadaire. « À la différence du remplaçant, on touche l'intégralité de la ROSP, les forfaits, les aides à l'installation ou les avantages en place. Le remplaçant est connu pour être précaire. Toutefois, vous pouvez choisir où, quand et comment vous voulez travailler », résume-t-elle. Plusieurs mains se lèvent dans la salle, les internes sont désireux de connaître le nombre de gardes réalisées dans l'année et l'impact de la nouvelle convention sur ses honoraires. «Je vais gagner plus notamment avec le forfait médecin traitant de l'enfant et le C à 25 euros», répond-elle. « Je réalise deux gardes par mois au cabinet et quatre le week-end sur l'année », explique-t-elle.
Des différences de revenus mais aussi de charges
Afin d'être complets dans leur présentation, les trois généralistes ont dévoilé en toute transparence leurs recettes, détaillé leurs charges et leur bénéfice, affichant sans surprise d'importantes différences. « En novembre et décembre 2015, j'ai encaissé 2 504 euros, puis j'ai réglé l'URSSAF, j'ai mis dans ma poche 2 327 euros pour les deux mois, soit un revenu inférieur à un salaire d'interne », raconte le Dr Angrand, sous les rires des congressistes. En 2016, son activité s'intensifie et ses revenus nets se sont élevés à 33 157 euros. « Mes recettes ont été de 35 483 euros (rétrocession, remboursement de frais kilométriques…), mes dépenses (URSSAF, CARMF, CFE etc.) ont atteint 2 326 euros », détaille-t-il.
Les recettes du Dr Boissy sont plus importante et ont représenté 91 638 euros en 2015 pour sa deuxième année de collaboration. « Il s'agit d'une vraie montée en charge par rapport au remplacement », indique-t-elle. Toutefois, ses dépenses ont aussi augmenté d'un cran pour culminer à 37 925 euros dont 20 380 euros de rétrocession, 4 800 euros de frais de voiture, 3 000 de CARMF, 3 100 d'URSSAF, 900 de comptable… Au final, avec le salaire versé par l'association avec laquelle elle travaille, son revenu net imposable s'est élevé à 63 146 euros, qu'elle considère « équilibré ».
Sans surprise, le Dr Augros, installée, présente les recettes les plus élevées. En 2015, elles culminaient à 145 471 euros. Néanmoins ses dépenses ont atteint 58 143 euros ont principalement concerné les cotisations à la CARMF (30 %), le reste comprend les frais de gestion, les salaires… À cela s'ajoute la rétrocession aux confrères qui la remplacent dix semaines par an (20 901 euros). Son revenu net s'est établi à 63 312 euros soit sensiblement autant que celui du Dr Boissy. « Quand on commence on a peur de ne pas toucher un salaire suffisant. Je vous rassure ce n'est pas l'argent qui motive mais le cadre dans lequel vous travaillez », conclut-elle.
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