Loi « Orientation et réussite des étudiants » : Act Up et le Planning familial s'inquiètent quant à la prévention

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Publié le 05/02/2018

L'association Act Up et le Planning familial ont exprimé, dans une tribune, leurs craintes quant à l'avenir de la prévention des IST et de l'accès aux soins des étudiants, alors que doit être votée cette semaine la loi « Orientation et réussite des étudiants » au Sénat. Ce projet de loi prévoit de mettre fin à la délégation de service publique des mutuelles SMER et LMDE, et d'intégrer les étudiants au régime général.

Ces deux mutuelles ne percevront plus respectivement 4 et 7 euros par an et par étudiant pour assurer des missions de prévention. De plus, 600 employés de ces deux entités qui vont être transférés à la caisse primaire d'assurance maladies afin de traiter l'afflux d'étudiants.

Le projet de loi passera en première lecture au Sénat le 7 février pour un vote le 8 février. Le gouvernement ayant engagé une procédure accélérée le 22 novembre 2017, le projet de loi pourrait ne faire l'objet que d'une seule lecture au Parlement et ne pas avoir à passer par l'étape de la commission mixte paritaire. Le vote du 8 février tiendrait alors lieu d'adoption définitive.

Les initiatives en faveur de la prévention menée par les mutuelles étudiantes « ne fonctionnaient pas toujours très bien, reconnaît Adeline Druelle, co-responsable de la commission jeunesse d'Act Up, mais elles avaient le mérite d'exister. Elles menaient par exemple des actions dans les soirées étudiantes comme des bars sans alcool, organisaient les jeudis de prévention, sans compter les partenariats comme celui avec la ligue contre le cancer ».

Pour le Pr Laurent Gerbaud, président de l’Association des directeurs de services de santé universitaires (l’ADSSU), le danger est ailleurs : « Les complémentaires santé assureront sans doute toujours leurs missions de prévention, mais la fin du monopole de la SMER et de la LMDE attire d’autres assureurs cherchant à cibler les filières d'étudiants qui auront un haut revenu. Depuis l'été dernier, on voit débarquer de nouvelles mutuelles qui, sous couvert de prévention, veulent financer leurs campagnes de publicité à destination des étudiants les plus "intéressants". »

Les SIUMPPS tirent la langue

Les signataires de la tribune craignent les effets du passage d'une cotisation annuelle de 217 euros allouée à la prise en charge pour la sécurité sociale à une cotisation de 90 euros destinée financer divers pans de la vie étudiante comme le sport, la culture, le social et la santé. « Cela représente 200 millions de manque à gagner pour la Sécurité sociale selon le rapport du Sénat », commente le Pr Gerbaud.

Le projet de loi prévoit que le Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) collectera cette contribution dans le but d’améliorer les conditions de vie et d’études des étudiant(e) s. « À ce jour, nous ne savons pas comment s’organisera cette répartition ! » préviennent les signataires qui demandent que les 25 millions d’économie que fera l'état en ne rémunérant plus les mutuelles soient réaffectés au financement de la santé des étudiants. « Les clés de répartition seront votées université par université », précise le Pr Gerbaud.

Les signataires demandent aussi la réouverture du débat sur une possible expérimentation du tiers payant pour les étudiants, d'avantage de moyens pour les services universitaires ou interuniversitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (SIUMPPS). « Nous prenons l’exemple d’un SIUMPPS parisien où en matière de prévention VIH/Sida, seules 7 séances de dépistage VIH-VHC ont lieu dans l’année pour 75 000 étudiant(e) s ! » illustrent-ils.

« Il n’y a pas eu d’investissement dans les locaux et le personnel des SIUMPPS depuis les années 50, résume le Pr Gerbaud, entre 1998 et 2018, notre dotation est passée de 3,5 à 5 euros par étudiant. Nous sommes piégés par le maximum d’emplois que peuvent créer les universités. Le manque de locaux nous empêche aussi de recruter ou de nous équiper : à Clermont-Ferrand, je partage mon bureau avec d’autres médecins, et je dois régulièrement en sortir car il sert aussi de lieu de consultation ».

Sur les 54 SIUMPPS français, 30 sont devenus des centres de santé. Ce changement de statut aurait théoriquement dû ouvrir de nouvelles sources de financement via le conventionnement de ces centres. « Mais les financements nous sont refusés car nous n’avons pas assez d’affections longue durée chez nos patient ou que nous ne sommes pas ouverts le samedi », rapporte le Pr Gerbaud.

L'alcool priorité numéro 1

La prévention des IST chez les jeunes est considérée comme un chantier d'urgence par de nombreux acteurs. Le Pr Gerbaud identifie d'autres priorités : « Le problème numéro 1 est l'alcool, affirme-t-il ; ensuite vient la sexualité, pas uniquement la question des IST mais aussi celle du consentement. Beaucoup de filles nous parlent de rapports non consentis avec violence physique et imprégnation alcoolique. Un autre domaine oublié est celui de la rupture amoureuse et le bien-être émotionnel. Dans nos enquêtes, 20 % des garçons et des filles font état de violences émotionnelles, et respectivement 2 et 6 % parlent de violences sexuelles. Enfin, il y a un réel problème de sédentarité chez les étudiants », conclut-il.

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Source : lequotidiendumedecin.fr