Management, médecine du travail, statut d'étudiant hospitalier : des efforts réclamés à tous les étages

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Publié le 04/12/2020
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Les étudiants en santé, particulièrement exposés aux risques psychosociaux

Les étudiants en santé, particulièrement exposés aux risques psychosociaux
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Le phénomène est connu et illustré depuis des années : les étudiants en santé sont particulièrement vulnérables aux risques psychosociaux. En 2017, une étude de référence réalisée par les syndicats de jeunes médecins en formation (carabins, internes et chefs de clinique) rapportait qu'un junior sur trois était confronté à un épisode dépressif au cours des études, 60 % déclaraient des troubles de l'anxiété et 24 % avaient déjà eu des idées suicidaires.

Ces risques, examinés lors d'un colloque organisé par les étudiants en médecine mi-novembre, se sont exacerbés pendant la crise sanitaire. Selon les estimations du Centre national d'appui (CNA), créé en 2019 pour améliorer la qualité de vie des étudiants en santé (QVES), plus de 50 % d'entre eux présentaient des signes de détresse psychologique lors de la première vague (lire aussi page 4).

Une seconde enquête menée par l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI) confirme que 47 % des internes ont déclaré des symptômes d’anxiété en sortant du premier confinement (et 30 % de stress post-traumatique). 

Services en tension

Cette détérioration est multifactorielle. Alors que leur apprentissage est déréglé depuis mars (en cours comme en stage), les étudiants en santé nourrissent cette année des inquiétudes liées à la validation des cursus, éprouvent une fatigue accrue au sein de services en tension et craignent de prodiguer de mauvais soins par manque d’encadrement. « Habituellement, l'étudiant est déjà soumis à la pression des épreuves classantes nationales et à celle des stages dans l'apprentissage de ses compétences, mais avec cette crise, toute cette pression s'est exacerbée. Ils sont pris en étau, d'un côté ils veulent aider et de l'autre il y a leurs examens, explique Loïc Lemoine, étudiant en 6e année à Brest et ancien membre de l'ANEMF chargé des affaires sociales. À cela s'ajoute des discours accusateurs remettant la faute des contaminations sur les jeunes qui n'arrange pas la santé mentale. »

Ce n'est pas tout. La première vague a laissé un goût amer à nombre de jeunes qui s'étaient mobilisés. « Des internes et des externes se sentent floués, reprend Loïc Lemoine. Il y a eu des problèmes de versement de salaire ou pour faire respecter leurs droits. Les directions des affaires médicales ne sont pas toujours au point sur le statut d'étudiant hospitalier. Il y a une crise de confiance. »

Des cadres à former 

Fin novembre, les organisations d'internes et d'étudiants ont rencontré Olivier Véran pour l'alerter sur la nécessité de faire respecter toutes les promesses : maintien effectif de chaque formation, interdiction de garder en poste des jeunes contaminés, intégration systématique des internes aux cellules de crise Covid, instruction aux hôpitaux pour rappeler la loi sur le temps de travail et le repos de sécurité. 

L'accompagnement en stage est jugé primordial. Les syndicats de jeunes réclament la formation prioritaire des encadrants hospitaliers (PH, coordonnateurs, chefs de clinique) à la détection et gestion des risques psychosociaux. Ils souhaitent aussi la mise en œuvre de la visite médicale à l'entrée de l'internat, inscrite dans le Ségur, et de visites complémentaires au cours du 3e cycle.

Tolérance zéro

Dans les Universités, les doyens planchent sur un dispositif national de signalement anonyme pour remonter les cas de maltraitance. Il existe certes des cellules de soutien dans les facs mais elles s'occupent principalement des difficultés universitaires. « Nous aimerions créer un espace sur l'UNESS [Université numérique en santé et sport, NDLR] ou sur le CNA pour que les étudiants déclarent anonymement des cas graves répréhensibles pénalement pour les accompagner, souligne le Pr Patrice Diot, président de la conférence des doyens de médecine. C'est la tolérance zéro. »

Le Pr Christine Ammirati, conseillère en charge de la santé et de la formation auprès de Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, pousse les étudiants en santé à briser l'omerta. « Osez parler ! Derrière il y aura du soutien et une action. L'humiliation, le harcèlement ou le non-respect du temps de travail peuvent mener à des retraits d'agrément. » 

S.M.

Source : Le Quotidien du médecin