Bac+8 mais interdite d’exercer, reconvertie dans la boucherie… elle va enfin devenir médecin après 10 ans de galère

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Publié le 29/01/2022

Crédit photo : Phanie

Lætitia Monnier n’aura jamais perdu espoir. Elle aura bien eu raison. Dix ans après avoir été contrainte de renoncer à la médecine malgré ses études terminées, cette mère de famille de 47 ans va soutenir sa thèse de doctorat dans les prochains mois, ultime sésame avant son installation dans un petit village de l’Aisne. Entre-temps, elle aura multiplié les expériences professionnelles et les formations, allant jusqu’à se reconvertir dans la boucherie et travailler dans le rayon charcuterie d’un supermarché.

Comment en est-elle arrivée là ? Lætitia Monnier fait partie des « privés de thèse », interdits d'exercer faute d'avoir soutenu leur thèse avant 2012, date butoir fixée par un décret de 2004. Elle avait pourtant terminé ses études de médecine, validé l'ensemble de sa formation théorique et pratique dès 2003, avant d'enchaîner les remplacements en cabinet de ville. Les aléas de la vie, des problèmes familiaux et personnels l'ont conduit à mettre entre parenthèses sa vie professionnelle et à repousser ses travaux de doctorat… jusqu'à cette date fatidique de 2012.

À l'époque, au moins une centaine d'étudiants se seraient retrouvés dans cette impasse, faute d'avoir été alertés par les facultés de médecine, disent-ils, de l'existence de cette réglementation.

« Bac + zéro ! »

C’est à ce moment-là que la galère commence vraiment pour Lætitia. « C’est très compliqué de redémarrer à partir de rien, de s’entendre dire qu’on vaut un Bac + zéro », confie-t-elle.

Elle enchaîne les boulots dans les supermarchés, suit des formations pour devenir bouchère, conductrice de machines automatisées… sans jamais tirer un trait définitif sur la médecine, sa vocation. « Il y en a qui sont partis dans l’éducation nationale, l’immobilier… Moi non. J’ai toujours voulu faire médecine, je ne me sentais pas capable de faire autre chose. Mais il fallait bien que je survive financièrement, d'autant plus que j'étais seule à élever ma petite fille ».

Elle s’accroche à un espoir : depuis 2014, le SNJMG (Syndicat national des jeunes médecins généralistes) a entrepris des démarches auprès du ministère de la Santé et du Défenseur des droits pour réintégrer dans le circuit les « privés de thèse ».

« J'ai fondu en larmes »

Fin 2017, c’est la délivrance. Un projet de décret prévoit de redonner une chance à ces étudiants. « Je me souviens très exactement de ce que je faisais quand je l’ai appris, raconte la future généraliste, émue. Le cœur qui explose, j’ai fondu en larmes, je voyais enfin le bout du tunnel. » Il faudra attendre courant 2018 pour que le texte entre en application. Une quarantaine de candidats repêchés sont invités à suivre une remise à niveau et doivent s’engager à exercer dans une zone sous-dotée médicalement.

En mai 2019, Lætitia Monnier retrouve le CHU de Reims pour entamer un cycle de stages dans les services de maladie infectieuse, aux urgences et en pédiatrie. « J’étais morte de trouille, se souvient-elle. J’avais peur de laisser mourir quelqu’un. »

Une médecine beaucoup plus protocolisée

Il lui faut s’adapter à l’informatique omniprésente, elle qui n’avait connu que les dossiers papiers à l’hôpital. La médecine aussi a évolué, reconnaît-elle, beaucoup plus protocolisée que 20 ans auparavant. Mais elle s'accroche. Pas facile de se replonger dans cet univers hospitalier avec des internes qui ont 15 ou 20 ans de moins qu'elle, d'assurer des gardes difficiles qui plus est en pleine période d'épidémie de Covid, et d'affronter, parfois, le regard pas toujours compréhensif de certains professionnels et universitaires.
« Heureusement, j'ai aussi rencontré des gens bienveillants, qui m'ont soutenu, conseillé et qui m'ont fait confiance, qui ont cru en moi », confie Lætitia.

Dans quelques mois, si tout se passe comme prévu, elle s'installera à Beaurieux (Aisne), où un maire l'attend patiemment. En période de pénurie médicale, le retour de ces « privés de thèse » est une véritable bénédiction pour certaines communes.


Source : lequotidiendumedecin.fr