Les aléas de la réforme du troisième cycle

Choix de stage : les internes pas rassurés par le « big matching »

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Publié le 14/01/2020
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En grève illimitée, les jeunes redoutent le nouveau système algorithmique de choix de stage pour la dernière phase d'internat. Une procédure qui entre en vigueur cette année.

Les modalités d'affectation dans un stage de phase 3 soulèvent des inquiétudes

Les modalités d'affectation dans un stage de phase 3 soulèvent des inquiétudes
Crédit photo : S. Toubon

Un anglicisme un peu barbare, le « big matching » : voilà ce qui attend en 2020 les internes avant l'entrée dans la dernière phase* du troisième cycle, dite de consolidation.

Depuis des semaines, l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI) et l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) alertent sur cette procédure rénovée de choix de stage dont les modalités floues ne manquent pas d'inquiéter.

La réforme du 3e cycle (R3C) mise en route en 2017 prévoit un nouveau processus de choix de postes pour cette dernière étape de formation. Si, dans l'ancien régime, les jeunes choisissaient leur dernier terrain de stage à la faveur de leur rang de classement aux ECN, les futures promotions devront se fier en partie à un algorithme décisionnel.

L'Université numérique en santé et sports (UNESS) doit créer une plateforme numérique permettant à chaque interne de formuler une liste de vœux de postes dans sa région (chacune proposant des terrains de stages agréés). En pratique, l'interne classe un nombre de vœux (correspondant à 20 % des postes offerts avec un minimum de 4 vœux) et candidate avec son dossier (parcours/projet). Les praticiens agréés maîtres de stage des universités et les responsables médicaux des lieux de stage classent, « par ordre de préférence », les étudiants les ayant sélectionnés, précise l'arrêté.

Vient la procédure d'affectation. Un système d'appariement et un arbre décisionnel permettront de « matcher » les postes ouverts et le classement des établissements avec les vœux des internes, à l'instar du système Parcoursup. Un interne accepté dans deux postes pourra refuser l'un d'entre eux qui sera alors proposé à l'interne classé juste après... Les promotions de 20 diplômes d'études spécialisées (DES) passeront leur baptême de feu en 2020.

Une équation, trop d'inconnues

Si les juniors ne sont pas opposés par principe à ce schéma, ils dénoncent le manque d'anticipation et le risque d'affectation automatique. « La plateforme numérique n'existe toujours pas, l'algorithme décisionnel est encore en discussion, le contenu des candidatures et les critères de classement des établissements ne sont pas connus. C'est une boîte noire ! », confie au « Quotidien » Nawale Hadouiri, vice-présidente de l'ISNI.

Or, le premier round du « big matching » régional doit débuter le 4 mai 2020 (choix renseignés sur la plateforme) pour les internes entrant en phase de consolidation en novembre 2020 (les affectations se faisant à l'été). « En quatre mois, c'est impossible, il faut définir les terrains agréés, les colliger, personne ne sait comment cela va se passer », explique Nawale Hadouiri. La question des stages hors subdivision (inter-CHU) n'a pas été tranchée. Et quid si l'interne n'a aucun vœu validé ? L'ISNI craint que le dernier mot revienne à l'agence régionale de santé (ARS). 

Le flou préoccupe aussi la conférence des doyens qui a demandé des comptes à Agnès Buzyn en décembre. La publication des textes réglementaires est jugée « indispensable pour la mise en place de la phase 3 et la mise à disposition des outils d’appariement ». Dans l'entourage de la ministre, on tient à rassurer au sujet d'une réforme « source d'incompréhension ». « Ce n'est pas un algorithme qui choisira, jure-t-on, c'est l'interne qui aura le dernier choix ».

* Cette phase dure un an pour les spécialités médicales, deux ans pour les spécialités chirurgicales, et n’existe pas encore pour les généralistes. 

Sophie Martos

Source : Le Quotidien du médecin